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L'édito de Paul Sugy : «Laxisme pénal, à qui la faute ?»

Dans son édito du 14 octobre Paul Sugy, journaliste au Figaro, revient sur le résultat du sondage dans lequel 9 Français sur 10 pensent que la justice française devrait être plus ferme face aux délinquants.

Sans aucun doute, encore que ce sentiment est nettement plus fort à droite qu’à gauche, ce qui veut dire que le débat est subjectif. La question n’est pas seulement de savoir si la justice devrait être plus sévère au regard des principes qui la fondent, mais ce sont ses fondements mêmes que l’on interroge ici. Il existe au moins deux visions différentes de la Justice, deux philosophies politiques qui s’affrontent au sujet de la responsabilité qui incombe au juge : est-ce qu’il doit réprimer la faute à la hauteur de sa gravité, pour réparer l’offense commise à l’égard de la victime et même de la collectivité, ainsi que pour dissuader les citoyens d’enfreindre la loi ? Ou est-ce qu’elle doit aider le malfaiteur à revenir dans le droit chemin ?

En réalité, ces deux visions ne s’opposent pas le moins du monde. Une justice objective, à rebours de l’individualisation de la peine que la France accélère sans arrêt depuis la création du juge d’application des peines en 1958, n’est en rien un obstacle à la lutte contre la récidive. Sous couvert de défendre une justice «efficace», opposée artificiellement à une justice intransigeante, la magistrature dont on connaît depuis longtemps la couleur politique majoritaire a en réalité affaibli l’autorité de l’État, dont la justice est un des piliers. Mais le vieux vernis humaniste dont ce laxisme pénal était empreint s’est fissuré, et ne convainc plus guère : votre sondage, Romain, en est la démonstration.

Mais c’est la faute à personne, bien entendu. Par les temps qui courent et au vu de l’opinion sur le sujet, personne ne prendra le risque d’assumer frontalement sa part de responsabilité dans le désastre. Et ceux qui pensent faire leur beurre sur le dos des justiciables en sont pour leur frais : désavoué par les électeurs de la primaire écologiste, Éric Piolle a peut-être payé pour le sinistre bilan de la ville de Grenoble en matière de sécurité publique. Il refusait depuis des années de renforcer la vidéosurveillance dans ses rues.

C’est la faute des flics, disent les victimes ; c’est la faute des juges, répond la maréchaussée ; c’est enfin la faute des pouvoirs publics, se défendent les magistrats. En effet disent-ils, c’est faute de pouvoir établir avec certitude les faits poursuivis que la plupart des fautifs ressortent sans inquiétude du prétoire. Admettons mais cela n’excuse pas tout, et il faudrait se demander parfois de quoi la paresse dans l’instruction de certaines affaires peut bien être le nom. Ainsi du procès des agresseurs de policiers à Viry-Chatillon, emblématique du genre, qui ont vu leur verdict allégé en appel faute de preuves suffisantes. Reste que seuls 5 auteurs ont été condamnés, alors que les images montraient 19 agresseurs. Si ceux qui ont été innocentés sont vraiment innocents, ou sont les 14 autres ? Les deux, mon général ! Car après tout, les moyens ou les idées, c’est à peu près la même chose. Je veux dire que celles-ci commandent ceux-là.

Or des moyens, c’est vrai, la justice en manque et elle en manque même cruellement. Il faudrait au moins 100.000 places de prison supplémentaires pour «rétablir la confiance en la justice» chiffrait au printemps dernier l’avocat Thibault de Montbrial. Les promesses d’Emmanuel Macron sur ce sujet n’ont pas été tenues. Pour être dans la moyenne des pays européens, la France devrait augmenter ses capacités carcérales de 50 % ! Or là où l’idéologie n’est pas loin, c’est que la hausse inhabituelle du budget de la justice négociée par le Garde des sceaux est en trompe l’œil : en réalité, seule une faible part de cette hausse va directement dans la construction de nouvelles prisons. Dupond Moretti a d’ailleurs fait preuve de sa mauvaise foi sur le sujet en citant à tort au printemps une étude censée montrer que la France est l’un des pays qui incarcère le plus en Europe.

L’étude ne révélait en réalité qu’une chose : la France est l’un des pays les plus critiques en matière de surpopulation carcérale ! Et tant que les prisons seront pleines à craquer, il ne se trouvera pas grand monde pour vouloir les remplir.

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