En direct
A suivre

La semaine de Philippe Labro : un compagnon exemplaire, un confrère hors pair

Hubert Germain, dernier compagnon de la Libération, est décédé à 101 ans en début de semaine. [LUDOVIC MARIN / POOL / AFP]

Philippe Labro est écrivain, cinéaste et journaliste. Chaque vendredi, pour CNEWS, il commente ce qu'il a vu, vécu et observé pendant la semaine. Un bloc-notes subjectif et libre.

mercredi 13 octobre 

Il est 9h30, quand, sous le soleil de l’été très indien, je vois arriver, sur le parvis de l’église Saint-François-Xavier, dans le 7e arrondissement de Paris, toutes les femmes et les hommes qui veulent rendre un dernier hommage à Etienne Mougeotte. On ne peut compter le nombre de celles et ceux qui lui doivent leur chance, leur carrière, leur renommée pour certains. Etienne Mougeotte, ce grand patron de presse au parcours exceptionnel (Europe 1, Télé 7 Jours, Le Journal du Dimanche, TF1, Le Figaro, Radio Classique), a su, durant sa vie professionnelle, repérer les talents, deviner les qualités des journalistes, animateurs, producteurs et éditorialistes des médias dont il fut le maître d’œuvre.

Il y avait, chez cet homme énigmatique, une capacité à déléguer sans perdre de son autorité, une curiosité pour les autres, un sens du grand public, et, surtout, une passion pour l’information, «l’actu», comme on dit dans notre jargon. L’expérience, le jugement, la discipline, la rigueur, l’inventivité et l’intuition, le sens de la fidélité et de la camaraderie, c’est tout cela, ajouté aux souvenirs de chacune et de chacun, que l’on a salué ce matin, avec tristesse.

Coïncidence ou convergence, la disparition de ce grand homme de presse est intervenue dans la semaine qui a vu le prix Nobel de la paix décerné à deux journalistes, la Philippine Maria Ressa et le Russe Dmitri Mouratov, récompensés pour leur «combat courageux pour la liberté d’expression». C’est une bonne nouvelle, qui souligne l’importance capitale de notre métier, qui est une vocation, à une époque où les faus­ses infos, les manipulations totalitaires, les dérives des réseaux sociaux, auraient tendance à pervertir cette exigence : enquêter, dialoguer, s’en tenir aux faits après les avoir dûment vérifiés.

Hier, mardi 12, on apprenait qu’une figure de pur héroïsme disparaissait. Nous devons, sans hésiter, saluer le dernier des compagnons de la Libération, Hubert Germain, qui s’est éteint à l’âge de 101 ans. «Eteint» est bien l’adjectif qui convient pour caractériser ce personnage de roman – sauf que c’était un «roman vrai». Car il était porteur d’une flamme, celle de la liberté, du bon choix, le vrai choix fait par un jeune homme audacieux, insolent, qui, le 14 juin 1940, en plein concours d’entrée aux grandes écoles à Bordeaux, s’était levé de sa chaise et avait rendu une copie blanche. «Tout ça, avait-il dit, c’est inutile, je pars faire la guerre.»

Il s’est battu à Bir Hakeim, mais aussi en Italie, en Provence et dans les Vosges, partout où le portèrent les vents de la Deuxième Guerre mondiale. A l’occasion de cette disparition, je crois nécessaire de recommander (je l’ai souvent fait, aussi bien dans certains de mes ouvrages que mes écrits de presse) le passionnant et instructif livre de Benoît Hopquin : Nous n’étions pas des héros (éd. Calmann-Lévy). Les témoignages et récits de cette génération du courage et de l’honneur y sont reproduits avec talent. Mais est-il sans doute aussi nécessaire de lire les propres Mémoires de Germain, Espérer pour la France (éd. Les Belles Lettres). Mon confrère, Etienne de Montety, dans Le Figaro de ce jour, a dressé, en une double page, un beau portrait de cet homme exemplaire.

VENDREDI 15 OCTOBRE

Je vous prie d’acquérir sans attendre la réédition d’un livre de Françoise Sagan, Derrière l’épaule (éd. Stock). On y retrouve l’esprit et la lucidité, le style, la «petite musique» de la romancière. Elle a décidé de revisiter ses propres ouvrages et les passe en revue avec ironie et sagesse.

C’est savoureux. Elle écrit : «La relecture de mes livres m’a tantôt tirée par les pieds dans les marécages de l’humiliation, tantôt projetée sur les nuées de l’autosatisfaction.» Sagan est aussi «merveilleuse» que les «nuages» d’un de ses plus beaux titres.

À suivre aussi

Ailleurs sur le web

Dernières actualités