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L'édito de Paul Sugy : «Le wokisme n'existe pas, mais...»

Dans son édito de ce jeudi 11 novembre, Paul Sugy revient sur le «wokisme» et un échange surprenant, survenu mardi soir entre Laure Adler et Franz-Olivier Giesbert sur le plateau de France 5.

Ça se passe sur l’émission « C à vous » et Franz-Olivier Giesbert est invité pour la promotion de son livre, Histoire intime de la Ve République. Entre autres extraits du livre lus à l’antenne par le présentateur Karim Rissouli, arrive celui-ci, je vous le cite : « J'habite Marseille, capitale française du cosmopolitisme, ville monde où je suis heureux et où je me sens chez moi.

Mais souvent quand je me rends à pied à la gare Saint-Charles en passant par la Canebière, j’ai le cœur serré parce que, pendant le trajet, je n’ai entendu personne ou presque parler français. Que va-t-il arriver à notre langue ? » Ce qui semble ne pas plaire à Laure Adler, qui interrompt l’éditorialiste dans ses explications pour exprimer à grand fracas sa désapprobation. « Bah c'est bizarre de dire ça Frantz, pourquoi vous écrivez ça ? » s'étonne l'ancienne directrice de France Culture. Puis soudain, le coup de grâce : « Vous êtes blanc quoi, et fier de l'être. » « Y'a pas assez de blancs autour de vous. »

Vous voyez, en y mettant un peu du vôtre il ne vous en faut pas beaucoup pour devenir un vrai petit soldat woke ! J’appelle immédiatement Sandrine Rousseau pour la prévenir que vous êtes devenu un homme déconstruit ! Plus sérieusement : oui, c’est bien le raccourci que fait là Laure Adler, et fort heureusement il se trouve depuis deux jours un nombre assez grand d’internautes pour souligner à quel point ses propos sont malheureux.

Maintenant la séquence mérite qu’on s’y attarde deux secondes. Pourquoi ? Parce que cet échange est emblématique d’un discours d’assignation à résidence identitaire, lequel s’est emparé d’une partie de la bourgeoisie chic et qui pourtant, chaque fois qu’on veut le dénoncer, semble jouer à cache-cache.

En France on s’est habitué à appeler cette mouvance les « woke », ou le « wokisme », à la suite du mouvement Black Lives Matter qui aait l’apologie de cette forme d’éveil de la conscience. Le mot était apparu dans morceau de RnB Master Teacher d’Erykah Badu. Pendant le refrain, la musicienne Georgia Anne Muldrow clame : « I stay woke » (« Je reste éveillée ») et, lors d’un entretien réalisé en 2018, elle explique : « Être woke est définitivement une expérience noire.»

Mais depuis on nous explique que le wokisme n’existe pas, que c’est un fantasme réactionnaire. Pourtant tout dans cet échange entre Laure Adler et Franz-Olivier Giesbert est symptomatique de cette nouvelle dialectique.

On retrouve d’abord une prétention notoire à distribuer les bons et les mauvais points. Chacun est dès lors sommé de se justifier, même le camarade Giesbert : « pourquoi vous écrivez ça, Frantz ? » lui lance Laure Adler.

L’assignation identitaire ensuite : FOG est un homme blanc, donc il pense et il parle en homme blanc. Vient ensuite l’insinuation, qui croit déceler sous le discours les intentions cachées : le woke en sait plus que les autres, il lit le dessous des cartes, sonde les reins et les cœurs. FOG parle de la langue française, on lui répond qu’en réalité il compte les blancs. Et qu’importe qu’il proteste énergiquement !

Enfin le coup de grâce, le jugement moral par excellence, le verdict prononcé sans jury ni délibéré, sans possibilité de recours : « c’est tendancieux ! » conclut Laure Adler. En fin de compte, sous réserve de combattre la pensée prétendument racialiste qu’elle impute à son adversaire, Laure Adler s’y livre elle-même en voyant des blancs et des noirs là où FOG ne voyait que des francophones ou non.

Et en séparant le camp du bien de celui du mal, elle rétablit une logique manichéenne où l’on est soit tout blanc, soit tout noir. Le tribunal du wokisme ne s’embarrasse pas de nuances.

Parce qu’un tel discours est aveugle justement à ce que souligne FOG, qui se sent étranger dans son propre pays à cause du renoncement de la République à promouvoir une politique d’assimilation, et en particulier d’assimilation par la langue. Cela fait depuis le 16 juin 2011 que les compétences en français ne sont plus appréciées pour les décisions de naturalisation, et il est permis de le regretter.

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