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Harcèlement scolaire : Nicolas, Lindsay, Lucas... Ces victimes dont l'histoire a ému la France ces dernières années

Quelque 700.000 élèves français seraient victimes de harcèlement scolaire, selon les chiffres de l'Education nationale. [Pixabay/Wokandapix]

En France, 700.000 élèves sont victimes de harcèlement scolaire. Ces dernières années, plusieurs situations de persécution menant au pire ont été relayées par les médias, suscitant des réactions vives et une prise de conscience collective, plus que jamais nécessaire alors que se tient ce jeudi une journée de mobilisation nationale.

La seule année 2023 a vu pas moins de trois suicides d'adolescents victimes de harcèlement scolaire. Deux jours avant cette journée de lutte contre le harcèlement scolaire, qui se tient ce jeudi 9 novembre, le ministre de l'Éducation nationale, Gabriel Attal, a annoncé plusieurs idées comme la suppression des réseaux sociaux pour les harceleurs et la confiscation du téléphone portable en cas de plainte.

Le ministre a aussi annoncé des mesures préventives, comme un questionnaire adressé à l’ensemble des élèves de France du CE2 jusqu’à la terminale.

Pas moins de 700.000 élèves sont victimes de harcèlement scolaire en France. Parmi ces cas bien trop nombreux figurent des adolescents qui ont subi l'impensable. Homophobie, grossophobie, handicap, racisme, misogynie, ou méchanceté gratuite sans aucun point de départ, la persécution a pris toutes les formes, au prix de leur vie.

Septembre 2023 : Nicolas, 15 ans, se suicide dans sa chambre

L’adolescent de 15 ans s'est suicidé à son domicile de Poissy (Yvelines), mardi 5 septembre 2023. Le jeune Nicolas disait avoir subi du harcèlement scolaire l’année précédente, alors qu'il était scolarisé à Poissy, au lycée Adrienne-Bolland.

«Ils lui disaient, "t'es nul, t'es moche, et personne ne t'aime"», avait confié son meilleur ami. «Ils l'ont surtout harcelé pour son physique», avait-il poursuivi.

Pourtant, le lycéen et ses parents avaient appelé de nombreuses fois au secours, sans que leurs alertes ne soient prises au serieux. La révélation d’une lettre de menaces envoyé par le DRH du rectorat de Versailles avait notamment suscité une indignation générale, jusqu’au sein du ministère de l’Éducation nationale. Gabriel Attal l’avait alors qualifié de «courrier de la honte».

Le directeur des ressources humaines a fini par quitter ses fonctions à la fin du mois de septembre dernier.

Mai 2023 : Lindsay, 13 ans, se suicide chez elle

Élève en classe de 4e, au Collège Bracke-Desrousseaux à Vendin-le-Vieil (Pas-de-Calais), Lindsay s'est suicidée vendredi 12 mai à son domicile situé dans la même commune. Le drame était survenu après des mois de harcèlement scolaire, qui avait commencé «en septembre», dès la rentrée scolaire : «C’était des insultes au collège et ça continuait par message et sur Internet», témoignait sa mère.

Elle et sa fille avaient pourtant dénoncé aux personnels éducatifs le harcèlement dont elle était victime depuis plusieurs mois par un groupe de filles, en vain.

Depuis, ses parents et se proches se battent pour un changement de traitement des élèves harceleurs, notamment par le biais de leur association «Les ailes de Lindsay», avec laquelle ils ont accompagné le ministère de l’Éducation nationale dans l'élaboration de son plan de lutte.

Suite au suicide de Lindsay, une personne majeure avait été mise en examen pour «menaces de mort». Cette dernière et quatre autres personnes avaient été placées sous contrôle judiciaire, conformément aux réquisitions du parquet.

Janvier 2023 : Lucas, 13 ans met fin à ses jours

L’adolescent s'est suicidé le 7 janvier 2023. Scolarisé au collège Louis Armand, à Golbey (Vosges), Lucas subissait un harcèlement scolaire à caractère homophobe.

Sa mère Séverine a indiqué avoir effectué «deux ou trois signalements» sur le harcèlement que vivait son fils, auprès de la direction du collège : «Ce drame aurait pu être évité si tout avait été fait correctement», s’était-elle désolée.

Les quatre jeunes impliqués dans le harcèlement du jeune Lucas avaient fait l’objet de poursuites judiciaires. En première instance, au mois de juin, le Tribunal pour enfant d'Epinal (Vosges) avait reconnu ces adolescents coupables de harcèlement, sans toutefois retenir le lien de causalité avec le suicide de Lucas. Emmanuelle Larrière, Sébastien Bonnet et deux autres avocats de la défense avaient décidé de faire appel.

Ce lundi 6 novembre, les avocats des quatre mineurs poursuivis pour des faits de «harcèlement ayant entraîné le suicide» du jeune Lucas, 13 ans, ont annoncé la relaxe de leurs clients.

Décembre 2021 : Anna-Chloé, 12 ans, gravement blessée par une chute

Le 15 décembre 2021, c'est une mère en détresse qui a partagé sur les réseaux sociaux des photos du visage grièvement blessé de sa fille Anna-Chloé, décrivant dans un long texte le calvaire subi par sa fille, au sein du collège privé Notre Dame du Rocher, à Chambéry (Savoie).

Sur la publication, la femme a décrit un harcèlement scolaire à caractère raciste - se manifestant par des violences verbales et physiques - soldés par une attaque au sein de l'établissement : «On la traitait de grosse baleine noire», avait notamment décrit son avocat. «J'avais demandé à rencontrer les responsables d'établissement à plusieurs reprises et ils ne m'ont reçu que le jour où elle s'est défendue en rendant un coup qu'une camarade lui avait donné en la traitant de 'sale nègre'», avait indiqué sa mère.

Invitée à témoigner sur le plateau de TPMP, la petite fille avait indiqué qu'elle discutait avec plusieurs de ses camarades, quand elle avait été violemment interpellée par un élève de sa classe qui l'avait frappé «deux fois au bras» puis traité de «sale pute», avant de réitérer son geste, avait témoigné la jeune fille, assurant que ce n'etait pas la première fois qu'elle était confrontée à la violence de cet élève.

Décidée à lui rendre son coup, Anna-Chloé s'était ravisée, choisissant alors de se tourner vers un membre du personnel encadrant pour lui faire part de l'agression : «Je me faufilais entre des personnes quand j'ai senti des mains me pousser sur dos (...) Je n'ai pas eu le temps de voir qui m'a poussé. Il y avait trop de personnes qui se moquaient de moi ou qui appelaient quelqu'un pour m'aider», a-t-elle poursuivi. L'incident avait causé des blessures graves, nécessitant l'intervention des secours et plusieurs points de suture.

Les propos de la petite fille avaient été démentis par l'établissement, qui affirmait qu'elle était tombée seule. La plainte déposée à l'époque par sa mère a été classée sans suite le 22 mars 2022.

OCTOBRE 2021 : LE SUICIDE DE DINAH, 14 ANS

La jeune Dinah avait été retrouvée sans vie, pendue, au domicile familial de Kingersheim (Haut-Rhin), dans la nuit du 4 au 5 octobre 2021. Selon ses parents, cette élève de seconde était victime d'un harcèlement opéré par des jeunes filles côtoyées au collège à qui elle avait fait part de son homosexualité. Métisse, Dinah subissait également des insultes racistes, d'après sa famille.

Sa mère affirmait avoir dénoncé ces violences, qui se poursuivaient sur les réseaux sociaux, pendant des mois. Après une première tentative de suicide en mars, l'adolescente aurait reçu des messages de la part de ses bourreaux, l'encourageant à mettre fin à ses jours.

Soulignant la nécessité de vérifier «tous ces éléments-là», la procureure de la République de Mulhouse, Edwige Roux-Morizot, avait annoncé l'ouverture d'une enquête pour «harcèlement», lundi 25 octobre. En fin septembre 2022, l'enquête pour harcèlement scolaire a été classée sans suite : «Pour le parquet, la mort de Dinah n'est pas consécutive à un harcèlement scolaire», avait indiqué la procureure de la République.

MARS 2021 : ALISHA, 14 ANS, TUÉE PAR SES CAMARADES

Le calvaire d'Alisha a commencé sur Snapchat, où des photos d'elle en sous-vêtements avaient été diffusées après le piratage de son téléphone portable. Deux camarades de classe, un garçon et une fille âgés de 15 ans, avaient été identifiés par le lycée comme les harceleurs et exclus temporairement de l'établissement.

D'après l'enquête, ces deux adolescents ont vraisemblablement été les amis d'Alisha avant de devenir ses bourreaux. Le parquet a évoqué des relations dégradées en raison de «futilités» adolescentes. Les rapports se sont envenimés au point que les deux suspects ont tendu un guet-apens à l'adolescente de 14 ans, lui donnant rendez-vous sous le viaduc de l'autoroute A15 à Argenteuil.

Dans ce lieu isolé, à l'écart des habitations, Alisha a été violemment frappée avant d'être jetée dans la Seine, encore consciente. D'après les conclusions de l'autopsie, l'adolescente est morte par noyade. En raison du caractère prémédité de son agression, les deux suspects ont été mis en examen pour assassinat.

Deux adolescents, dont un garçon de 17 ans et une fille de 16 ans, ont été condamnés à treize ans et dix ans de prison.

JUIN 2019 : LE SUICIDE D'EVAËLLE, 11 ANS

Scolarisée dans un collège d'Herblay (Val d'Oise), Evaëlle était élève de sixième et victime de harcèlement depuis la rentrée 2018. D'après ses parents, qui assurent avoir signalé plusieurs fois ces violences auprès de la direction de l'établissement et de l'inspection académique, la jeune fille était harcelée par des camarades mais aussi par sa professeure de français, qui aurait encouragé les brimades.

Evaëlle avait alors changé de collège mais s'était à nouveau trouvée confrontée au comportement violent d'un élève dans cet autre établissement scolaire. Une nouvelle épreuve qui a mené à son suicide, en juin 2019. Depuis, l'enseignante de français incriminée par les parents de la jeune fille a été mise en examen en septembre 2020 pour «harcèlement sur mineur de 15 ans», avec interdiction d'exercer et obligation de soins, en attendant la suite de la procédure.

En janvier 2021, soit un an et demi après la mort d'Evaëlle, trois adolescents âgés de 13 ans ont également été mis en examen pour harcèlement. La famille de l'adolescente, qui s'est engagée à ne pas poursuivre l'État en justice, a par ailleurs été indemnisée par l'Éducation nationale, au titre du préjudice moral.

Septembre 2014 : la tentative de meurtre sur Anne-Liz Deba, 14 ans

Dès la sixième, Anne-Liz a été victime de harcèlement scolaire. Traitée d'«intello» en raison de ses excellents résultats, elle a ensuite fait l'objet d'insultes à caractère grossophobes et misogynes. Le 23 septembre 2014, alors qu'elle était en quatrième, elle a été victime d'un guet-apens de la part de plusieurs de ses camarades, dont un qui l'a aspergé d'essence, avant de la menacer avec un briquet de la brûler vive.

La tentative de meurtre n'a pas signé la fin du harcèlement, qui ne s'est arrêté qu'à son entrée à la fac : «Je n'étais pas au lycée dans ce quartier mais ça ne les a pas empêchés de me poursuivre jusqu'à chez moi, de sonner à mon domicile, ou encore de me cyberharceler», a-t-elle confié à CNEWS.

Troubles du comportement alimentaires, santé mentale extrêmement fragilisée, Anne-Liz n'est pas sortie indemne de cette persécution. Entourée par des proches aimants et aidée par des professionnels, la jeune femme essaie désormais de «vivre avec» un traumatisme qui ne s'en ira jamais. 

Elle a toutefois à cœur de venir en aide aux jeunes ayant vécu le même calvaire, grâce à l'Atelier SMILE qu'elle a créé après son podcast qui porte le même nom.

«Je fais des interventions et des ateliers à l'attention des jeunes, de leurs parents, et des membres du personnel scolaire sur le harcèlement scolaire», a-t-elle indiqué à CNEWS.fr. «Je fais aussi office de relais sur mes réseaux sociaux. J'ai beaucoup de jeunes qui viennent de me demander de l'aide, et je les oriente vers les associations et numéros d'aide existants», a-t-elle poursuivi.

FÉVRIER 2013, MARION, 13 ANS, MET FIN À SES JOURS

Avant de se suicider, la jeune Marion Fraisse, originaire de l'Essonne, avait écrit une lettre à l'attention de ses harceleurs. Elle y décrivait les insultes et les menaces permanentes, y compris sur Facebook, qu'elle ne pouvait plus supporter. Quatre ans après sa mort, le tribunal administratif de Versailles a estimé que l'Etat était partiellement responsable du drame, le condamnant à verser 18.000 euros de dommages et intérêts à la famille.

D'après le jugement, il est reproché à l'État son «absence de réaction appropriée à des événements et des échanges hostiles entre élèves qui se déroulaient pour partie sur les lieux et pendant les temps scolaires», caractéristique d'un «défaut d’organisation du service public de l’enseignement de nature à engager la responsabilité de l’administration».

Le tribunal a en outre estimé que les multiples appels à l'aide, lancés par sa mère Nora Fraisse auprès du personnel enseignant et de la direction du collège, n'avaient pas été entendus. L'affaire avait donné lieu à un livre, écrit par sa mère, puis au téléfilm «Marion, 13 ans pour toujours», inspiré de l'ouvrage et diffusé en 2016 sur France 3.

Février 2011 : Jonathan, 16 ans, s'immole par le feu

Lorsque Jonathan a tenté de mourir en s'immolant par le feu, il subissait le harcèlement de ses pairs depuis six ans, de ses 10 ans à ses 16 ans. Avec le temps, les coups sont venus s'ajouter aux insultes sur son physique et au racket... jusqu'à ce qu'il n'en puisse plus. N'osant parler de son calvaire à personne, de peur des représailles, l'adolescent a alors décidé de mettre fin à ses jours.

Alors qu'il était en proie aux flammes, Jonathan s'est jeté à l'eau et a été sauvé de la noyade par une passante. Placé en coma artificiel pendant deux mois et demi, le jeune homme a été hospitalisé pendant un an et demi au total, subissant une vingtaine d'opérations. Depuis, sa santé est demeurée fragile, mais l'adolescent a mis un point d'honneur à partager son histoire afin de sensibiliser le grand public au danger du harcèlement scolaire, avant son décès survenu plus de dix ans après sa tentative de suicide.

Il est notamment intervenu dans les écoles, auprès des élèves, avec l'association créée par ses parents, Tous solidaires pour Jonathan. Le jeune homme a aussi participé à l'écriture d'un livre, «Condamné à me tuer», paru en 2013, et son parcours a fait l'objet d'un téléfilm, «Le jour où j'ai brûlé mon cœur», en 2018.

Jonathan Destin est mort dans son sommeil le 20 août 2022, «de cause naturelle», avait indiqué sa mère une semaine plus tard sur les réseaux sociaux : «Son cœur était fatigué, Il a eu trop de souffrances, trop de soins», avait-elle expliqué.

Les ressources à connaître

Pour lutter contre ce genre de harcèlement, Nicole Catheline insiste sur l'importance d'intervenir le plus tôt possible. Le phénomène n'est cependant pas si facile à déceler puisque les victimes choisissent souvent de taire leur souffrance. Aux parents, la pédopsychiatre conseille de guetter «tout changement brutal de comportement». Il s'agit selon elle d'engager le dialogue simplement, en étant «le plus rassurant possible» et en rappelant à l'enfant «que ce n'est pas de sa faute».

L'école a également un rôle à jouer, aussi, Nicole Catheline conseille aux familles de travailler en collaboration avec les équipes pédagogiques pour résoudre ces problèmes. Le 3018, numéro vert mis en place par le gouvernement pour lutter contre le harcèlement scolaire, est une ressource à connaître. Il permet d'être mis en contact avec le référent harcèlement de l’académie dans laquelle est scolarisé l’enfant.

Une aide psychologique peut également, si besoin, être sollicitée auprès d'un professionnel. Selon l'experte, il est par ailleurs important que la prise en charge concerne aussi bien la victime que le(s) harceleur(s). Tous deux en «situation de fragilité», ils ont, autant l'un que l'autre, besoin d'un «regard soignant et pas seulement éducatif».

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