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Née homme, une femme transgenre est reconnue mère pour la première fois en France

Pourtant parent biologique, Claire (prénom modifié) ne figurait pas sur l'acte de naissance de sa fille. Née homme, cette femme transgenre de 52 ans s'est battue pendant des années pour être reconnue administrativement comme la mère de son enfant. Dans son arrêt du 9 février, la cour d'appel de Toulouse a finalement autorisé sa mention sur l'acte de naissance de sa fille, en tant que mère.

Claire a été reconnue femme à l'état-civil en 2011. Elle a conçu sa fille avec son épouse, la mère de ses deux premiers enfants, après ce changement, mais avant d'être opérée dans le cadre de sa transition. Avant la naissance de la petite, en 2014, le couple avait déjà engagé des démarches légales pour que Claire puisse apparaître comme mère sur les registres de l'état-civil. Mais, à l'époque, seul le statut de père lui a été proposé, malgré son identité féminine officiellement reconnue depuis plusieurs années.

Refusant d'apparaître en tant que père de sa fille, Claire s'était vue par la suite conseillée de passer par une procédure d'adoption. «Inimaginable, selon Clélia Richard, son avocate. Elle ne pouvait pas adopter un enfant qu'elle avait conçu». Cette dernière déplorait alors le vide juridique auquel sa cliente se trouvait confrontée. «Si elle est femme à l'état-civil et si elle est parent biologique de l'enfant, c'est évident, elle doit figurer comme mère sur l'acte de naissance», martelait-elle.

Sur la même longueur d'onde à ce niveau-là, le parquet général de la cour d'appel de Toulouse avait recommandé dans ses conclusion écrites de «retranscrire le lien de filiation sur l'acte de naissance comme «mère» de l'enfant». Mais l'instance demandait aussi que le jugement de modification de l'état civil soit mentionné sur l'acte de naissance. Et Me Richard s'y était opposé, dénonçant un facteur potentiellement «discriminant».

«Le lien biologique est là, insistait l'avocate. Le législateur n'est pas en phase avec la réalité et les magistrats viennent pallier les carences d'une loi incohérente». Clélia Richard demandait à la cour de faire preuve de «cohérence» et de «logique», ajoutant qu'un tel jugement «serait une première en France et, par rapport aux pays européens, on retrouverait notre rang de pays des droits humains».

«Un couple très uni»

Pendant des années, Claire et son épouse, qui sont mariées depuis 1999, ont été ballotées de juridiction en juridiction. En 2016, un tribunal à Montpellier a rejeté leur demande en première instance. En 2018, la cour d'appel de Montpellier a accordé le statut de «parent biologique» à Claire, un jugement inédit mais par la suite cassé par la cour de cassation, selon laquelle le droit français n'admet que les statuts de «père» ou «mère».

Au travers de ces étapes, Claire a toujours été soutenue par son épouse, qui l'a accompagnée durant toute sa transition. Selon Me Richard, les deux femmes forment «un couple très uni». Leur demande avait également été appuyée par l'avocat de l'Association des parents gays et lesbiens (AGPL). Partie intervenante dans la procédure, cette dernière estimait que puisque Claire est à la fois «parent biologique» et «femme à l'état-civil», la résolution de cette affaire ne reposait que sur la simple «application de la loi».

La suite lui aura donc donné raison. L'arrêt de la cour d'appel de Toulouse autorise ainsi «la mention sur l'acte de naissance de l'enfant, de l'époux devenu femme en qualité de mère», considérant que «deux filiations maternelles pouvaient en l'espèce être établies». La transition de Claire ne sera en outre pas indiquée sur le document, car «une telle mention porterait une atteinte disproportionnée à son droit au respect de la vie privée».

Au-delà de cette affaire en particulier, cette décision, qui est une première en France, devrait faire jurisprudence. Car, de manière plus générale, la cour d'appel de Toulouse reconnaît «le droit pour une personne transgenre homme devenu femme, qui a conçu un enfant avec son appareil reproductif masculin, d'être désignée comme mère dans l'acte de naissance de l'enfant». Un jugement qui fait donc toute la différence pour Claire mais aussi, potentiellement, pour d'autres couples confrontés à une situation semblable.

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