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Ouïghours : l'Assemblée nationale reconnaît le «génocide» perpétré par la Chine

Le drapeau Ouïghour est régulièrement brandi lors de manifestations organisées un peu partout dans le monde, pour réclamer la fin des crimes perpétrés contre ce peuple. [JUSTIN TALLIS / AFP]

A quelques semaines de l'ouverture des JO d'hiver à Pékin, l'Assemblée nationale a adopté, ce jeudi 20 janvier, une résolution dénonçant le «génocide» des Ouïghours par la Chine. Elle demande à présent au gouvernement d'en faire de même.

Porté par le groupe Socialistes et apparentés, le texte traite de «la reconnaissance et la condamnation du caractère génocidaire des violences systématiques et des crimes contre l'humanité [...] perpétrés par la République populaire de Chine à l'égard des Ouïghours». Il a été défendu à la tribune par le Premier secrétaire du PS, Olivier Faure, et a été adopté à la quasi unanimité (169 votes pour, un contre et cinq abstentions).

Lors de son intervention, Olivier Faure a dénoncé «la machine implacable qui vise à l'éradication culturelle et biologique d'un peuple», fustigeant les entreprises et marques occidentales «qui continuent à utiliser le travail forcé» des Ouïghours. Plus précisément, la proposition stipule que l'Assemblée «condamne» et «reconnaît officiellement les violences perpétrées par les autorités de la République populaire de Chine à l'encontre des Ouïghours comme constitutives de crimes contre l'humanité et d'un génocide».

Dans un second temps, le texte, soutenu par les députés LREM, demande au «gouvernement français» d'adopter «les mesures nécessaires auprès de la communauté internationale et dans sa politique étrangère à l'égard de la République populaire de Chine», afin de faire cesser cette situation.

Lors des débats, le ministre chargé du Commerce extérieur, Franck Riester, a rappelé que la qualification formelle de génocide relevait d'instances internationales et non du gouvernement. Selon lui, le sort de cette communauté à majorité musulmane est «évoqué au plus haut niveau» lors d'entretiens avec les officiels chinois. Sans compter, a-t-il insisté, qu'Emmanuel Macron a lui-même évoqué les Ouïghours lors de son intervention devant le Parlement européen.

Pour Alain David, élu de la 4e circonscription de Gironde et rapporteur du texte, la difficulté principale réside dans le fait que «l'Elysée et le ministère des Affaires étrangères ne veulent pas froisser le partenaire chinois». Se disant «conscients de l'importance des échanges commerciaux entre la Chine et la France», les défenseurs de cette résolution plaident néanmoins pour un «partenariat [...] en toute transparence», sans être «naïfs».

En 2017, Emmanuel Macron n'avait pas hésité à qualifier les violences infligées aux Rohingyas, en Birmanie, de «génocide en cours». Mais concernant les Ouïghours, l'exécutif se montre plus prudent. Devant le Conseil des droits de l'homme de l'ONU, en février 2021, le ministre des Affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian, avait tout de même évoqué des «pratiques injustifiables à l'encontre des Ouïghours», victimes «d'un système de surveillance et de répression institutionnalisé à grande échelle». Sans toutefois s'engager davantage.

Les crimes perpétrés en Chine contre cette minorité musulmane sont pourtant documentés depuis des années par des ONG. A Londres, un «Tribunal ouïghour» a même été créé en 2020. Cette initiative citoyenne avait vu le jour à la demande de Dolkun Isa, le président du Congrès mondial ouïghour, qui avait pour cela sollicité Sir Geoffrey Nice, expert des droits humains. Ce dernier s'est entouré de spécialistes, de chercheurs, de responsables d'ONG et de juristes pour mener sa mission à bien.

En décembre dernier, après avoir écouté des centaines de témoignages et examiné des preuves apportées par des experts indépendants et des associations, les membres de ce tribunal d'opinion ont conclu que «les éléments d'un génocide intentionnel» tels que définis par la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide de l'ONU étaient «établis».

Stérilisations et avortements forcés

Pour preuve, ils citent les ablations de l'utérus, les avortements et la pose de stérilets imposés par l'Etat chinois aux femmes issues de cette minorité musulmane. Autant de «mesures de prévention des naissances destinées à détruire une partie importante des Ouïghours du Xinjiang».

Décrit comme une «farce politique» par Pékin, le «Tribunal Ouïghour» a également rendu la Chine responsable de «crimes contre l'humanité», «au-delà de tout doute raisonnable». Il dénonce des «emprisonnements, actes de torture, viols, violences sexuelles, stérilisations forcées et autres actes inhumains».

Sans oublier que, selon des organisations de défense des droits humains, au moins un million de Ouïghours et membres d'autres minorités turcophones sont incarcérés dans des camps. La Chine est accusée d'y imposer le travail forcé mais Pékin dément, désignant ces camps comme des centres de formation professionnelle destinés à éloigner les Ouïghours de la radicalisation.

Les parlements britannique, néerlandais et canadien, de même que le gouvernement américain, ont déjà pris position à ce sujet, dénonçant d'une même voix les «crimes contre l'humanité» et le «génocide» perpétrés contre le peuple Ouïghour. La Belgique, l'Allemagne, la Lituanie et la Nouvelle-Zélande ont engagé des démarches similaires et le débat a même été porté au niveau du Parlement européen.

Aujourd'hui, les porteurs de cette résolution souhaitent que la France fasse sa part. Les débats à ce sujet ne sont pas terminés puisqu'une deuxième résolution, appelant elle aussi à la reconnaissance du génocide des Ouïghours, doit être examinée le 4 février prochain. Jour d'ouverture des JO d'hiver de Pékin.

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