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Paris : après les travaux, que va-t-il rester du cinéma La Pagode ?

Fermée depuis 2015, La Pagode a été rachetée par un investisseur américain et devrait rouvrir dans l'année. Fermée depuis 2015, La Pagode a été rachetée par un investisseur américain et devrait rouvrir dans l'année. [© STEPHANE DE SAKUTIN / AFP]

Depuis quelques jours, de nombreux Parisiens s'émeuvent à nouveau du traitement réservé à ce cinéma de quartier connu pour son architecture japonaise, alors que les travaux actuellement en cours ont déjà transformé le site. Fermée depuis 2015, La Pagode telle qu'on la connaissait risque-t-elle de disparaître ?

«Ci-gît un jardin en pleine terre», déplore ainsi l'association Sites & Monuments sur Twitter en début de semaine, regrettant que le jardin japonais qui entourait jadis le cinéma emblématique du 7e arrondissement de Paris, appelé La Pagode et situé au 57, bis rue de Babylone, ait été détruit dans le cadre de son projet de rénovation. Et ce, alors même qu'il était «protégé» par son statut de «site patrimonial remarquable».

«On peut imaginer aisément ce que cela deviendra, un lieu aseptisé, sur dalle de béton avec plantes-témoin en pots, multiplex amélioré par une façade japonisante "revisitée"», répond quelqu'un en commentaire. «La destruction des arbres centenaires, notamment un gingko, [a eu lieu] à la date du déconfinement… Protection ou pas, ils s’en balancent», rapporte cette autre internaute.

«C'était un endroit merveilleux, plein d'exotisme et de charme. Un endroit secret et préservé», se remémore Julien Lacaze, le président de l'association Sites & Monuments, qui précise que son dernier tweet n'avait pour dessein que de «montrer la réalité des choses», de «montrer concrètement ce qu'était de supprimer un jardin en pleine terre».

Le risque de ce projet selon lui ? Que ce jardin intime soit transformé en «une dalle sur béton entouré d'un grand mur vitré, avec l'impression d'être directement dans la rue». Et de s'indigner : «c'est un total contresens avec l'esprit du lieu qui se voulait d'être un peu caché». Quant à l’abattage des arbres, il condamne la décision de la municipalité parisienne d'«avoir accordé une dérogation», alors qu'«il est normalement interdit de retirer la pleine terre» à Paris.

Il y a un an, d'autres internautes – parmi lesquels Quentin Divernois (nom d'emprunt), l'un des membres du mouvement #SaccageParis – avaient déjà dénoncé la destruction du jardin et du mur d'enceinte. Ce dernier gronde à nouveau aujourd'hui : «je n'avais pas compris que le si beau jardin allait être supprimé pour créer une salle de cinéma en sous-sol». «Pire encore, je ne savais pas à quel point le site est multi-protégé et que sa destruction est à plus d'un titre incompatible avec le PLU», relève-t-il.

«Un projet de restauration exemplaire»

Pourtant, c'est bien un «projet de restauration exemplaire» qu'a promis le repreneur du site, l'homme d'affaires américain Charles S. Cohen, qui voulait faire de La Pagode – rachetée 16 millions d'euros en 2017 – «un porte-drapeau de la passion du cinéma». Pour cela, il s'est même entouré d'architectes de renom : la fondatrice de l'agence d'architecture et de design Loci Anima, Françoise Raynaud, ainsi que l'architecte en chef des monuments historiques, Pierre-Antoine Gatier.

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Eux ont toujours vanté une rénovation à l'identique, pour le pavillon comme pour le jardin «qui sera reconstitué tel que l'avait pensé Alexandre Marcel à l'époque», comme le précisait Françoise Raynaud. Sauf que l'état délabré de la structure nécessite d'importants travaux, notamment pour la restauration «du clos et de l'édifice existant», tous validés par les services de la Direction de l'urbanisme de la Ville de Paris ainsi que par la Direction régionales des affaires culturelles (DRAC).

«Pour préserver la restauration de la grande salle japonisante et la doter de tout le confort d'un cinéma moderne, il faut supprimer la moitié des fauteuils [...] mais pour que le lieu soit rentable, je suis obligé de créer deux salles en sous-sol», avait quant à lui expliqué le nouveau propriétaire l'an dernier.

Unique cinéma du 7e arrondissement

Des travaux nécessaires, confirmés par Jean Laussucq, l'adjoint chargé de l'urbanisme à la mairie du 7e, qui rappelle néanmoins que «la DRAC est seule compétente en la matière». «Le bâtiment était en péril du fait du non entretien [...] ce qui a nécessité de creuser en sous-sol pour conforter les initiaux de La Pagode», témioigne l'élu, qui soutient qu'«il a fallu choisir entre deux maux», soit l'effondrement du bâtiment, soit la destruction du jardin.

Pour autant, il se satisfait du projet en cours, qui répond en tout point aux exigences de la mairie du 7e. Parmi elles, celle que La Pagode «reste un cinéma», unique dans l'arrondissement, celle que «le lieu reste ouvert sur le quartier» et celle qu'il soit «associé à un centre culturel dédié au cinéma». En effet, Charles S. Cohen a signé un bail emphytéotique avec la Région Ile-de-France, propriétaire du bâtiment situé au 57 rue de Babylone, qui jouxte La Pagode, afin qu'il y installe un centre culturel dédié au cinéma français.

Interrogée à ce sujet, la DRAC a de son côté confirmé que les travaux de La Pagode – en cours au 57 bis, rue de Babylone (7e) – étaient bien «conformes à ce qui [avait] été autorisé par les services compétents de la DRAC Ile-de-France au titre des monuments historiques et du site patrimonial remarquable du 7e arrondissement».

«A l'hiver 2022» comme le promettait Charles S. Cohen, probablement au début de l'année 2023, ce tout nouveau cinéma de 400 places ouvrira au public. Il sera doté d'un pavillon d'accueil et de quatre salles de projection, dont deux petites au sous-sol, chacune associée à un réalisateur et à un designer.

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