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Enérgie : faut-il s'inquiéter du ralentissement des centrales nucléaires à cause de la sécheresse ?

La centrale nucléaire de Blayais (Gironde) a été contrainte la semaine dernière de ralentir son activité. En cause ? La température de l'eau rejetée par EDF dans la Garonne qui dépassait la limite des 30° C.

La situation, plutôt courante lors des canicules estivales, ne se produit que rarement au mois de mai.

Conséquence du changement climatique, les périodes de sécheresse deviennent, en France, de plus en plus longues et fréquentes. En ce mois de mai, ce sont 16 départements qui sont sous restriction hydrique, selon la plate-forme Propluvia, sous l'égide du ministère de la Transition écologique.

Ce lundi 9 mai, cet état de sécheresse a provoqué le ralentissement d'un des quatre réacteurs de la centrale de Blayais, en Gironde. Selon EDF, «la puissance a été réduite de 900 MW à 100 MW pendant quelques heures». Dans certains cas, le phénomène exige la mise à l'arrêt du réacteur. On dit alors que la centrale est «découplée» du réseau, c'est-à-dire mis dans un état «sûr» avant sa remise en fonctionnement.

Une mesure inhabituelle au printemps

La centrale nucléaire de Blayais, située à l'estuaire de la Gironde, pompe l'eau de la Garonne pour refroidir ses unités de production. Mais en accord avec l'Autorité de sûreté nucléaire, le rejet de cette eau réchauffée doit être limité en température pour que le fleuve ne dépasse pas les 30 °C en réglementation hivernale et, à partir du 15 mai, les 36,5 °C. 

Or, la hausse du mercure ces dernières semaines a provoqué un franchissement des 30° C réglementaire, forçant EDF à brider la production. Sur son site internet, l'entreprise indique que «des restrictions de production sont suceptibles d'affecter le parc de production nucléaire [...] jusqu'au dimanche 15 mai».

Cette mesure, de moins en moins rare en été, est inhabituelle si tôt dans l'année. Elle est l'un des nombreux témoins des conséquences du réchauffement climatique sur le territoire français. Les prévisions pessimistes du Giec, qui prévoient une hausse des températures moyennes de 2,5 ° C d'ici 2100, font s'interroger les experts sur un potentiel bouleversement de la production d'énergie issue du nucléaire.

La production ne devrait pas être vraiment affectée

Une idée qui fait son trou chez certains militants et politiques, dont Jean-Luc Mélenchon, qui estime dans un tweet que le nucléaire pourrait être une énergie «intermittente». Or, selon plusieurs experts et rapports, la production des centrales ne devrait être que peu affectée par le déréglement du climat.

C'est ce qu'explique le gestionnaire français du Réseau de transport d'électricité (RTE) dans une étude approfondie de février 2022. Intitulé «Climat et système électrique», le rapport décrit les «chemins possibles pour transformer le système électrique en vue d'atteindre la neutralité carbone».

Dans une sous-partie consacrée au parc nucléaire, RTE indique que «la sensibilité des réacteurs nucléaires aux variables météorologiques dépend fortement de leur situation géographique (bord de mer, de fleuve ou de rivière), mais également de leur système de refroidissement». En effet, une centrale en bord de mer (Flamanville, Penly) aura moins de contraintes d'eau réchauffée qu'une production près d'un fleuve (Blayais). 

Plus loin dans le texte, il est précisé que 90 % des «pertes de production dues aux indisponibilités dites climatiques ont ainsi été concentrées sur 4 des 18 sites» en activité. Sur un an, la perte d'énergie est estimée à «moins de 1 %». De quoi remettre en perspective les inquiétudes sur la production électrique.

La situation changera dans quelques années

Mais la situation devrait évoluer dans les prochaines années, avec l'aggravation du réchauffement climatique. La hausse des températures, sur une période plus longue, pourrait affecter les cycles de production. «Pour les sites en bord de fleuve, à réglementation inchangée et sans adaptation des installations existantes, les risques d'indisponibilités des tranches devraient augmenter».

Dans un graphique, RTE estime que certaines centrales pourraient voir leur perte être multiplié par quatre (Cattenom, en Moselle), voire par 10 (Golfech, en Garonne). Toutes ces prévisions sont à prendre avec précaution car il ne s'agit que d'hypothèses.

En 2022, en France, dans un contexte de flambée des prix de l'énergie, 27 réacteurs nucléaires sur les 56 dont nous disposons sont arrêtés, un record. La crise sanitaire a repoussé les opérations de maintenance qui se tiennent, aujourd'hui, de manière simultanée. Mais avec une forte baisse de la demande en été, le risque de coupure est extrêmement faible.

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