Après l'autorisation du port du burkini dans les piscines par le conseil municipal de Grenoble, le président de la région Auvergne-Rhône-Alpes Laurent Wauquiez a annoncé qu'il couperait toute subvention régionale à la ville. Une décision qui peut interroger.
Il l'avait promis, il l'a fait. Face au «séparatisme» que représente selon lui l'autorisation du burkini dans les piscines grenobloises, Laurent Wauquiez a annoncé sur Twitter cesser «immédiatement toute subvention à la mairie de Grenoble».
En autorisant le port du burkini dans les piscines municipales, Eric Piolle acte définitivement sa rupture avec la laïcité et les valeurs de notre République. Face à ce séparatisme et comme je l'avais promis, la Région cesse immédiatement toute subvention à la mairie de Grenoble.
— Laurent Wauquiez (@laurentwauquiez) May 16, 2022
Un président de région a-t-il le droit de prendre une décision aussi radicale ? «Oui, mais pas seul, il doit avoir le soutien de sa majorité à l'assemblée régionale», répond à CNEWS Patrick Le Lidec, chercheur à Sciences Po et spécialiste des collectivités territoriales.
Dans un communiqué relayé par Lyon Mag, Laurent Wauquiez justifie sa décision et explique s'appuyer sur une «Charte pour la défense des valeurs de la France et de la laïcité». Votée par l'assemblée régionale d'Auvergne-Rhône-Alpes en mars dernier, elle permet «de suspendre les aides de la région à des structures qui ne respecteraient nos valeurs républicaines».
Des subventions distribuées librement par la région
Selon Patrick Le Lidec, «la région peut librement distribuer ou couper des subventions à n'importe quelle collectivité locale ou association». «Il existe des activités que la région ne peut pas subventionner mais il n'y a aucune interdiction pour elle de supprimer des subventions précédemment octroyées», ajoute-t-il.
«La région doit toutefois respecter un délai de quatre mois avant de retirer les subventions», précise à CNEWS Benjamin Morel, maître de conférence en Droit public à l'Université Panthéon-Assas Paris II.
Si ce délai est respecté, la mairie de Grenoble n'aurait donc théoriquement aucune possibilité de recours.
Une pratique courante ?
Selon Patrick Le Lidec, la méthode employée par Laurent Wauquiez serait en réalité assez courante, bien que pas autant médiatisée.
«Il est fréquent que certaines collectivités (départementales, régionales) privilégient certaines portions du territoire au détriment d'autres. Mais à moins d'éplucher les comptes, c'est difficile de le savoir», souligne le chercheur.
Et les exemples sont nombreux. «Jacques Blanc, président de la région Languedoc-Roussillon entre 1986 et 2004, ne donnait pas un seul franc à Montpellier mais subventionnait largement la Lozère dont il était élu. C'était tout à fait légal dès lors qu'il était suivi par sa majorité.»