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Paris : quel bilan, 6 ans après le lancement du plan de lutte anti-rats ?

Un plan de lutte anti-rats a été lancé fin 2016/début 2017 par la municipalité parisienne. Un plan de lutte anti-rats a été lancé fin 2016/début 2017 par la municipalité parisienne. [© LUDOVIC MARIN / AFP]

Le débat autour de l'efficacité de la lutte anti-rats est relancé après la diffusion, ce mardi 29 novembre, de la vidéo d'une femme sortant du métro à Boulogne-Billancourt (92) avec un rat coincé dans la manche. Qu'en est-il à Paris, où la municipalité parisienne avait lancé un plan anti-rats fin 2016 ?

Si la présence des rats à Paris – et partout ailleurs d'ailleurs – n'est pas nouvelle, c'est leur arrivée dans l'espace public qui pose davantage problème. Une présence assimilée aux poubelles et à la saleté, qui ne plaît à personne. Depuis quelques années, c'est contre cette présence en surface que la municipalité parisienne a souhaité lutter, avec un plan de lutte anti-rats lancé en décembre 2016. L'objectif alors ? Réduire significativement leur présence dans la ville, et limiter la circulation des rats du sous-sol vers la surface.

«des actions de lutte directe»

Pour cela, la municipalité explique avoir mis en place des «actions de lutte directe», via la pose de raticides sur les sites les plus infestés, avec un travail réalisé pour limiter l'accessibilité des déchets alimentaires aux rats et pour augmenter le ramassage des poubelles dans les lieux les plus fréquentés et accueillant le plus de pique-niques ou encore pour limiter les sites où ils peuvent nicher.

En outre, à chaque fois que cela a été possible, les sacs poubelles ont été remplacés par des contenants fermés, des bacs roulants et des abri-bacs. Au total, jusqu'à 250 jardins de la Ville sont désormais équipés d'abri-bacs, soit 1.200 dispositifs déployés sur le terrain, ainsi qu'un millier de bacs roulants ou encore 310 poubelles modèle Cybel, munies de sacs protégés.

Sauf que pour certains élus, et malgré ces efforts, les résultats se font toujours attendre. Selon Pierre Liscia, ancien élu parisien désormais élu régional, la Ville de Paris est tout bonnement «infestée par les rats». «Aujourd'hui, le grand drame, c'est que leur présence ne pose pas trop de problème dans les égouts pourvu qu'ils n'y soient pas trop nombreux, mais que, depuis plusieurs années maintenant, les rats arrivent en surface et de façon massive», explique-t-il.

Selon lui, cette situation «devient problématique parce que les rats sont dangereux et propagateurs de maladies». «C'est un indicateur effrayant du niveau de crasse et d'insalubrité. Quand il y a autant de rats en surface dans une ville comme Paris, c'est qu'on a atteint un niveau de saleté et de crasse sans précédent. La seule solution contre la prolifération des rats, ce n'est pas de dératiser mais de nettoyer nos rues», a lancé l'élu ce mardi.

La mobilisation du maire du 17e

Face à ce constat, le maire LR du 17e arrondissement Geoffroy Boulard n'a pas attendu que la situation empire et est allé chercher ses propres solutions pour éviter une trop grande prolifération des rats sur son territoire. «Nous avons pris le problème à bras-le-corps avec humilité», témoigne l'élu, qui a mis en place un certain nombre de mesures sur le périmètre qui lui incombe.

D'abord avec une application signalerunrat.paris, sur laquelle tout le monde peut signaler et géolocaliser les rongeurs. «Cela nous a permis de rapidement identifier les points chauds, une carte de chaleur qui vire au rouge dès qu'il y a une prolifération de rats», relate le maire du 17e.

Aidé par ses administrés, l'élu a ensuite créé une «brigade citoyenne» formée par des habitants bénévoles, formés à ce sujet, qui se mobilisent tout au long de l'année pour mettre en place des actions de dératisation. «Dans le 17e, le nombre de signalements a été divisé par 3 en trois ans», souligne le maire, qui trouve «anormal que la mairie de Paris ne s'intéresse pas à ce sujet».

«Dès qu'on parle des rats, Anne Hidalgo assimile ça à du bashing, mais c'est un déni de réalité. La réalité, c'est que près de Notre-Dame, près de la tour Eiffel, dans les parcs et jardins de la ville et dans un certain nombre de quartiers qui ne se trouvent pas uniquement dans les zones en travaux, on trouve des rats, qu'elle doit gérer», lance Geoffroy Boulard.

Lui qui assure dépenser «jusqu'à 3.000 euros par an» pour se fournir en anti-coagulants et en glace carbonique pour dératiser, s'interroge sur ce qu'a fait la municipalité du budget alloué à la lutte anti-rats. «Les budgets ne sont pas consommés et sont détournées pour d'autres usages», pense-t-il, mettant au défi quiconque pourrait lui «montrer que les anti-coagulants» censés être remplacés régulièrement dans les boîtes noires «sont bien alimentés toutes les semaines».

En outre, le maire du 17e se dit ouvert à toutes les nouvelles technologies qui pourraient être développées pour faire face à cette problématique à Paris. En 2023, il souhaite tester une nouvelle méthode de dératisation dans son arrondissement, déjà utilisée à Anvers (Belgique) sous le nom de Strygoo. «Un concept assez innovant» pour capturer les rats sans leur faire de mal, selon le maire.

Vers le lancement d'appels à projets sur le sujet ?

Trouver des solutions innovantes pour lutter contre la prolifération des rats, c'est aussi l'ambition de l'association Paris Animaux Zoopolis, qui milite néanmoins pour le recours à des solutions non létales. En août 2020, l'association, avec d'autres, avait écrit à la maire de Paris Anne Hidalgo pour lui demander «la mise en place d'un groupe de travail destiné à penser des méthodes non létales et éthiques».

Elles souhaitaient ainsi œuvrer au lancement d'un véritable travail de recherche, qui serait «piloté par la Mairie» et «constitué d’experts», tels que des «biologistes, urbanistes, architectes, vétérinaires, éthologues, associations de protection animale, entreprises innovantes», et dont l'«objectif» serait ainsi «de trouver et d’expérimenter» de nouvelles méthodes de lutte contre les rats, sans forcément avoir à les tuer.

Courrier resté sans réponse, selon Amandine Sanvisens, co-fondatrice de PAZ, qui concède tout de même avoir été reçue par le premier adjoint à la mairie de Paris Emmanuel Grégoire, il y a une semaine. «Ce qu'on demande, c'est que la Ville de Paris lance des appels à projets à destination des start-up et entreprises sur cette question», explique-t-elle.

«Aujourd'hui, il y a des méthodes contraceptives par voie orale qui fonctionnent bien mais qui ne sont pas disponibles sur le marché de l'Union européenne», relève la militante associative, qui espère qu'avec un appel d'offres sur la question, des entreprises européennes pourraient être intéressées de se lancer.

Mais selon elle, le «vrai travail» est à réaliser «en amont». «Comment faire pour limiter l'accès à la nourriture pour les rats, alors que seulement 10 % des corbeilles de rues sont hermétiques», se questionne Amandine Sanvisens, qui rappelle que «tuer les rats ça coûte cher et ce n'est pas efficace». Et de lancer : «mais aujourd'hui, on refuse de se poser la question et on est à la troisième génération d'anticoagulants».

«Et ça pourrait durer comme ça longtemps», selon elle, puisqu'à chaque nouveau coagulant, certains rats meurent et d'autres s'adaptent, de sorte qu'il «ne reste que les rats résistant aux anticoagulants». Avec pour «effet rebond», des rats plus costauds génétiquement «qui se reproduisent encore plus vite», déplore la co-fondatrice de PAZ.

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