Philippe Labro est écrivain, cinéaste et journaliste. Chaque vendredi, pour Direct Matin, il commente ce qu'il a vu, vécu et observé pendant la semaine. Un bloc-notes subjectif et libre.
SAMEDI 3 ET DIMANCHE 4 DÉCEMBRE
Je découvre, à Besançon, où je passe quelques jours, une très belle librairie, rue des Granges, dans le centre piétonnier de la vieille ville. Elle s’appelle L’intranquille, ouverte il y a tout juste un an. Dans une ancienne église, vieille de trois siècles, avec sa coupole grâce à laquelle on bénéficie de jeux de lumière dus à des baies vitrées de six mètres de hauteur, un entrepreneur audacieux a investi pour offrir, sur cinq étages, plus de 120 000 volumes à des lecteurs et des lectrices de tous âges. Impressionnant et chaleureux.
En ces dernières semaines avant Noël, on se réjouit de constater qu’il suffit d’un peu d’inventivité, de beaucoup de passion et de prise de risques pour démontrer que le livre, dans tous ses genres, demeure une des exceptions culturelles de notre pays. L’intranquille m’a fait penser aux légendaires librairies, celle de Bordeaux (Mollat), de Strasbourg (Kléber), etc.
Et je me suis dit qu’il faudrait conseiller à François Busnel de faire une suite provinciale à son guide du Paris littéraire (éd. Flammarion). Le brillant auteur-producteur-animateur de La grande librairie, diffusée sur France 5, tous les jeudis, à partir de 20h45, a eu, en effet, l’astucieuse idée d’un guide des librairies de Paris.
Rien de plus limpide : arrondissement par arrondissement, Busnel décrit brièvement, avec précision et amour, non seulement les librairies, mais aussi les endroits proches de ces dernières où l’on peut bouquiner et boire un verre (jardins, bistros, restaurants, etc.) et les lieux à voir (ici vécut, rue de Tilsitt, F. Scott Fitzgerald ; ici habita, dans une chambre mansardée, à 18 ans, Modiano, square du Graisivaudan). C’est «totalement subjectif», comme l’écrit Busnel, mais ça a le mérite de rappeler que les librairies sont des «espaces de résistance». Il y en a plus de 3 260 en France, de ces endroits où «l’on trouve ce que l’on n’est pas venu chercher».
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MERCREDI 7 DÉCEMBRE
Puisque nous sommes dans les livres, voici une deuxième sélection pour la fin décembre : People Bazaar de Jean-Pierre de Lucovich (éd. Séguier). Luco, comme l’appellent ses amis, est un journaliste qui a beaucoup bourlingué dans le monde de la nuit, à Paris et ailleurs.
Le livre raconte ses «Souvenirs d’un infiltré dans le beau monde», et cela entre 1950 et 2000. C’est très amusant, bourré de rencontres avec Françoise Sagan, Alfred Hitchcock, Marcello Mastroianni, Françoise Hardy, Serge Gainsbourg, Orson Welles, François Truffaut, et un hommage ému à Georges Wolinski. Il révèle la vérité sur l’invention du Dîner de cons, qui inspira Francis Veber pour sa fameuse pièce et son film, non moins célèbre.
Il reçoit une des dernières lettres de Thierry Le Luron, malade : «Ce qu’il me faudrait, c’est un miracle.» Lucovich ne perd jamais le sens nécessaire du recul, celui de l’observateur professionnel, capable de ne jamais être dupe de ce monde.
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VENDREDI 9 DÉCEMBRE
Aujourd’hui, Kirk Douglas a 100 ans. Le héros des Vikings, le cow-boy de Règlements de comptes à O.K. Corral, l’officier des Sentiers de la gloire, le boxeur de Champion, le Van Gogh, le producteur courageux et indépendant, le juif russe, fils d’immigrés fuyant la misère et l’antisémitisme, aura donc vu passer tous les changements de générations à Hollywood, les conflits du maccarthysme (il sut faire travailler des scénaristes victimes des «listes noires») et la progression de son fils, Michael.
Avec un sourire carnassier, un menton qui, à lui seul, parle pour le reste du visage, des yeux brûlant d’énergie et d’ambition, il a toujours, malgré ses incroyables 100 ans, la stature de ce qu’on a appelé une «star», un mot aujourd’hui dépourvu de sens. Kirk Douglas, le dernier des derniers géants d’une époque disparue.