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Journalistes otages : quelle vie après la libération ?

Florence Aubenas Florence Aubenas, ex-otage en Irak, s'exprime quelques minutes après l'annonce de la libération des journalistes retenus en Afghanistan Hervé Ghesquière et Stéphane Taponier.[FRED DUFOUR / AFP]

Le métier de journaliste est parfois dangereux. Les quelques reporters français pris en otage lors de leurs missions à l’étranger peuvent en témoigner. Georges Malbrunot, Florence Aubenas et Jean-Paul Kauffmann ont tous été détenus plusieurs mois en Irak ou au Liban. A leur libération, la lumière est soudainement braquée sur eux. Pour le meilleur ou pour le pire ?

Les prises d’otages passionnent les Français. Pendant leur captivité, ils suivent au jour le jour les négociations, s’intéressent aux conditions de détentions des journalistes et sont à l’afflux des moindres rebondissements. Les jours de libération sont des jours de fêtes. Les micros et les caméras tournent alors sans cesse pour enregistrer la moindre seconde de témoignage. Les journalistes libérés s’engouffrent alors dans un marathon médiatique pour des Français boulimiques d’anecdotes mais  qui leur est souvent nécessaire pour tourner la page.

  • Florence Aubenas

La journaliste est enlevée le 5 janvier 2005 à Bagdad alors qu’elle sortait d’une université où elle avait réalisé des interviews. Kidnappée avec son guide irakien Hussein Hanoun par quatre hommes armés, elle est emmenée dans une cave de quatre mètres de long et deux de large dans laquelle elle ne peut pas tenir debout tant le plafond est bas. Elle y restera 157 jours et déclare à son retour "pour moi il n'y a pas eu d'avant et d'après Irak". A l’époque journaliste à Libération, Florence Aubenas appartient aujourd’hui au service des grands reporters du Monde. Entre temps, celle qui parle de ses conditions de détention avec humour, est passée par le Nouvel Observateur et a écrit un livre à succès : "Le quai de Ouistreham", une enquête sur le travailleurs précaires. Mais ce livre aurait-il eu le même succès si son auteur avait été une inconnue ?

  • Georges Malbrunot

Comme la plupart des journalistes détenus, Georges Malbrunot se fait connaître du grand public le 20 août 2004 lorsqu’il est enlevé par l’armée islamique en Irak avec son collègue Christian Chesnot. Après la notoriété acquise à son retour en France, le journaliste du Figaro a plutôt l’air de vouloir s’effacer. Il travaille toujours au quotidien et est redevenu un journaliste comme les autres, si ce n’est qu’il est parfois interrogé pour commenter les prises d’otages de ses confrères. A son actif depuis sa libération : un livre intitulé "Le nouvel Irak : un pays sans Etat" et des collaborations, notamment avec Christian Chesnot dans "Mémoires d’otages : notre contre-enquête".

  • Jean-Paul Kauffmann

Le journaliste français est enlevé à Beyrouth le 22 mai 1985, avec Michel Seurat (mort en détention en mars 1986). Alors reporter à L’Evénement du jeudi, Jean-Paul Kauffmann reste en captivité près de trois ans. Peu à peu, il s’éloigne du journalisme pour se consacrer à la littérature. En 2007, il écrit "La maison du retour", livre dans lequel il fait référence à sa captivité. Cet enfermement, il l’évoque dans tous ses livres, sans jamais parler directement son expérience d’otage. Il refuse de s’y attarder, ne veut pas se sentir de nouveau prisonnier. A sa libération, c’est sa femme Joëlle Brunerie qui l’empêche de devenir un ermite. Il lui faudra plusieurs années pour se reconstruire. Pour cela, il part sur les routes du vignoble bordelais, dont il tire un livre intitulé "Voyage à Bordeaux 1989". Il dit que goûter un verre de Figeac 1975 fut, pour lui, "le verre de la résurrection".

  • Jean-Jacques Le Garrec

En 2000, le caméraman de France 2 est pendant 74 jours l'otage des rebelles du "commandant Robot" sur l'île philippine de Jolo. Il livre à son retour cette phrase poignante : "Quand on est pris en otage, le pire, c'est de ne pas revenir. Mais quand on revient, le pire, c'est le retour." Sa carrière, il n'arrive pas à la relancer, il "nest plus apte". "Je n'étais plus fiable dans ce genre de situation, je n'avais plus l'énergie mentale pour partir, déclare-t-il. C'est la différence entre être témoin d'un événement et être touché dans sa chair. A Sarajevo, des balles m'ont brûlé les cheveux, mais là, la blessure est directe. Elle vous désagrège." Il se dit victime "d'une maladie dont on ne guérit pas". 

  • Brice Fleutiaux

Photographe de presse, le 1er octobre1999 il couvre le conflit opposant la Russie à la Tchétchénie lorsqu'il est capturé par une bande tchétchène. Il est relâché le 12 juin 2000 contre un chef de guerre tchétchène et des garanties de sécurité pour d'autres combattants. A son retour en France, il ne parvient pas à retrouver une vie normale. En avril 2001, il publie avec Alexandre Lévy "Otages en Tchétchénie" dans lequel il raconte ses huit mois de captivité. Dépressif, il se donne la mort le 24 avril. 

Récemment, trois journalistes-otages ont été libérés. Hervé Ghesquière et Stéphane Taponier, enlevés en décembre 2009 et détenus 18 mois en Afghanistan alors qu’ils réalisaient un reportage pour France 3 ; et Roméo Langlois, le correspondant de France 24 en Colombie capturé par les FARC. Ce dernier n'a pas eu à subir une détention trop éprouvante. Il a lui-même déclaré : "A part le fait d'avoir été détenu durant un mois, tout le reste s'est bien passé. (...) On m'a toujours traité comme un invité." Il est encore trop tôt pour dire ce qu’il adviendra de leurs carrières, et pour savoir s’ils seront à classer dans la catégorie des journalistes stars ou des hommes brisés.

 

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