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La télé-réalité, façon National Geographic

Montage datant de 2006 montrant des "unes" du magazine National Geographic dans différentes langues [Karen Bleier / AFP/Archives] Montage datant de 2006 montrant des "unes" du magazine National Geographic dans différentes langues [Karen Bleier / AFP/Archives]

Sur la chaîne TV de National Geographic, on peut voir des obsédés de la fin du monde se construisant des bunkers, des mormons polygames ou des pêcheurs de thon: le label à la célèbre bordure jaune se plonge de plus en plus dans la Télé réalité, au grand dam des puristes.

L'une de ces émissions les plus regardées, avec 800.000 téléspectateurs en moyenne, est "Doomsday Preppers" ("Familles Apocalypse" en France), où l'on peut rencontrer, entre autres, Tom Perez, très occupé à s'armer contre un attentat terroriste qu'il juge imminent.

"Pêche à haut risque" qui démarre sa deuxième saison en France le 17 juin, met en scène la rivalité d'équipages de pêcheurs de thon à Gloucester (Massachusetts). "Wicked Tuna", le titre américain, fait un tabac aux Etats-Unis où une troisième saison se prépare.

Il y a aussi "Polygamy Usa", ou le quotidien de dissidents mormons polygames, "Ultimate Survival Alaska", sorte de Koh-Lanta en Alaska, et des dizaines d'autres titres de ces "docu-réalités" comme la chaîne préfère les appeler, consacrés à des personnages ou des situations plus ou moins bizarres.

Pour Hamish Mykura, responsable des programmes internationaux des cinq chaînes labellisées National Geographic, il faut parler d'"anthropologie contemporaine".

"Nous voulons montrer le monde dans lequel nous vivons, comment nous vivons, voir des gens qui font des métiers dangereux, intéressants, avec des émissions intéressantes, agréables, que les gens veulent voir", dit-il à l'AFP.

C'est "une affaire de personnalités", ajoute-t-il. "Il est plus intéressant de raconter l'histoire d'une personne comme elle la vit elle-même, avec ses propres mots, que d'entendre un narrateur invisible donnant son opinion derrière la caméra", dit-il.

Mais ce type d'émissions, dont la formule reproduit celle de la télé-réalité traditionnelle -- pas de commentaires sinon ceux du héros en plan fixe, musique lancinante, montage rapide -- hérisse les fidèles du vénérable magazine National Geographic.

Crédibilité

Pour eux, le mensuel à la célèbre couverture bordée de jaune, c'est depuis 1888 d'abord la publication de la Société scientifique du même nom (NGS), qui fut par exemple la première à parler du Machu Picchu inca au Pérou.

C'est un magazine "qui s'est toujours efforcé de rechercher le vrai", dit à l'AFP Alan Mairson, ancien journaliste du magazine qui a créé un blog très critique, societymatters.org. La chaîne "veut divertir, le magazine veut éduquer", dit-il.

Or, ces "émissions entachent sérieusement la crédibilité" de la NGS, ajoute Michael Parfit, documentariste animalier et ancien contributeur du magazine. "Certains programmes sont de qualité mais la plupart n'ont pas de vrai rapport avec la réalité. Ca ne prête pas à conséquence, ce sont juste des sitcoms idiots", dit-il à l'AFP.

Mais "d'autres sont offensants. Ils se moquent des gens", dit-il en citant une série sur les Hutterites, une communauté protestante isolée qui a demandé des excuses à la chaîne après s'être sentie "humiliée". Les pires sont les sujets "pseudo-scientifiques", ajoute-t-il, évoquant une série sur les OVNIs.

La chaîne appartient à News Corp de Rupert Murdoch, renchérit M. Mairson, "qu'est ce qu'il y gagne ? La confiance, l'authenticité qu'il n'a pas avec sa chaîne Fox".

"Il y aura toujours des gens qui veulent que le National Geographic fasse des émissions sur les éléphants, les glaciers et la Papouasie-Nouvelle-Guinée", rétorque Hamish Mykura. "C'est plus facile, des gens sûrement les regarderont, mais pas beaucoup. Ce qu'il faut, c'est refléter le monde de National Geographic, avec une forte audience".

La chaîne vient d'ailleurs d'annoncer qu'elle voulait passer de 75% de documentaires et 25% de séries à la proportion inverse.

Pour Dave Carraro, l'un des pêcheurs de Gloucester, Wicked Tuna "montre bien les hauts et les bas de notre vie". Son collègue Dave Marciano apprécie aussi le complément de revenus, car les pêcheurs sont payés, et ironise : "Ce que qu'on ne montre pas, c'est quand on lance la ligne et qu'on attend, on attend, on attend..."

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