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Thierry Ardisson, le noir lui va si bien

Thierry Ardisson[Capture d'écran Youtube]

L’homme en noir est toujours là, et il est en forme. On l’a donné pour mort médiatiquement cent fois. Il a été haï et adulé. A l’âge où ses contemporains prennent leur retraite, Thierry Ardisson, qui n’a rien perdu de son mordant, ne décroche pas, plus de vingt-cinq ans après sa première intrusion à la télévision.

 

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L’homme qui estime avoir révolutionné la télévision française (avec quelques autres, avoue-t-il quand même) possède à l’extrême ce don qui fait les grands aventuriers : la résurrection sociale. Combien de fois l’a-t-on donné pour mort, has been, fini ? Et Ardisson est toujours là. Il n’est pas increvable, il est Protée. Quoique habillé de noir continûment, il revient toujours dans une nouvelle forme. Ou bien il est Antée : quand il touche terre, les forces lui reviennent, plus grandes encore.

Né le 6 janvier 1949 dans la Creuse d’une famille modeste, originaire d’Italie du côté paternel, Thierry Ardisson ne répugne pas à conter son enfance pauvre, laborieuse et morale. Se présentant comme le fils d’un catholique et d’une communiste, il expliquera avoir vu son père prier à genoux tous les soirs, image qui marquera le voyou de la télévision à jamais. Après de vagues études de lettres à l’université de Montpellier, le jeune homme, qui se sent une âme de poète, est embarqué dans le vaste mouvement de 1968 et voyage un peu partout, déjà amateur de quelques drogues.

La décennie 1970 rattrapera le clochard céleste, comme presque tous ses contemporains, avec ses sortilèges d’argent facilement gagné. Ardisson met ses talents de plume au service de plusieurs grandes boîtes de pub, comme concepteur-rédacteur chez BBDO puis TBWA, deux agences du groupe Omnicom, le plus important mondialement en matière de communication. En 1978, il cofonde la première agence télé française (conseil en publicité), Business, en compagnie d’Henri Baché et Eric Bousquet, qui en est aujourd’hui le PDG. C’est, racontera-t-il, l’époque où l’argent coule à flots pour des «pubards» rois de Paris, qui façonnent des slogans de marques de biscuits à longueur de journée (le célèbre «Vas-y Wasa», par exemple).

 

Vidéo : Thierry Ardisson chez lui, interview sans langue de bois

 

 

D’un nom à un concept

C’est au milieu des années 1980, alors qu’il est âgé de 35 ans, que notre homme va prendre le virage de la télévision. Il commence par adapter Descente de police pour TF1, puis présente Scoop à la Une sur la même chaîne. Il rencontre alors celle qui deviendra sa grande amie jusqu’à leur rupture récente, la productrice Catherine Barma, avec qui il coproduit A la folie pas du tout (présentée par Patrick Poivre d’Arvor) de 1986 à 1987.

Son culot, son irrévérence, sont déjà remarqués dans une télévision qui ronronne un peu. Arrive la privatisation de TF1 : il migre alors, avec Catherine Barma, vers feu La Cinq, où il anime Bains de minuit, en direct des Bains Douches, qui est alors la boîte de nuit branchée de la capitale. C’est l’heure de sa première gloire, avec Lunettes noires pour nuits blanches et surtout Double jeu, émission pour laquelle il embauche un jeune inconnu, Laurent Baffie, pour réaliser des caméras cachées. En 1989, Ardisson mène un des derniers entretiens de Serge Gainsbourg, qui y dresse un étonnant « antiportrait chinois » de lui-même. Et le 21 mars 1992, dans Double Jeu, il accueille Dorothée, alors animatrice d’émissions pour enfants. Il y sera question de Ségolène Royal, de mangas et d’un seau de champagne sur la tête de Laurent Baffie. L’impertinence frôle l’insolence, et Ardisson devient plus qu’un nom, un véritable concept.

Il lance ensuite le magazine Entrevue, qu’il revendra en 1995. Ses essais de nouvelles émissions échouent globalement, et l’homme en noir effectue sa première traversée du désert. Un milieu des années 1990 plutôt creux, dont il sort avec Tout le monde en parle sur France 2 qui, de 1998 à 2006, réunira le samedi en deuxième partie de soirée, dans un mélange détonnant, politiques et célébrités controversées. Si la première année, l’émission est davantage consacrée aux débats de société, elle prend vite son format de talk-show, avec des personnalités aussi diverses qu’Edouard Balladur, Michel Houellebecq, Joey Starr ou Clara Morgane. Il sera plusieurs fois récompensé aux Sept d’or, notamment en 2001 pour l’émission musicale Serge, si tu nous regardes.

 

Vidéo : Interview de Thierry Ardisson sur IDF1 (1/2)

 

 

2006, le nouveau départ                                            

En septembre 2006, Catherine Barma, qui a produit et coproduit bon nombre des émissions de Thierry Ardisson, dont Scoop à la Une et Tout le monde en parle, apprend que son poulain quitte France Télévisions pour rejoindre Canal +. Une déception de taille, d’autant qu’elle ne participera pas à la production de Salut les Terriens sur la chaîne à péage. Depuis, l’animateur travaille uniquement avec la société de production de Stéphane Simon, TéléParis. Le succès ne se dément pas, mais Ardisson est prié de choisir entre le service public et le câble (Paris Première). Il choisira ce dernier, avant d’atterrir avec Salut les Terriens  sur Canal+, qu’il anime depuis 2006 et sur Jimmy où il présente depuis 2010 Tout le monde en a parlé, consacré à ceux qui ont fait la une avant de replonger dans l’anonymat.

Selon Ardisson, « on apprend plus de ses échecs que de ses succès. Je trouve ça intéressant, d’abord parce que cela m’est arrivé. Entre 1993 et 1996, j’ai passé trois ans sur le bord de la route. Une expérience assez éprouvante, mais qui permet de réfléchir sur soi-même. Et c’est ce qui m’intéresse, de savoir pourquoi... pourquoi ils sont devenus stars, pourquoi ça s’est arrêté ? Est-ce que c’est de leur faute ? C’est toujours passionnant de découvrir les destins brisés. Et puis, comme disait Andy Warhol, tout le monde est intéressant un quart d’heure ». Son émission ne s’intéresse pas uniquement à la télé-réalité « où plus t’es c..., plus ça marche. Là, ce n’est pas pareil. Ce sont des gens qui, à un moment ou à un autre de leur vie, ont fait des choses » ; explique l’ex-présentateur de Double Jeu.

 

Le roi de la télé aime le roi

Le fait est connu, Thierry Ardisson est royaliste. Auteur en 1988 d’un Louis XX – Contre- enquête sur la monarchie (Gallimard), qui connut une certaine fortune, l’animateur n’hésite pas à se faire publiquement l’avocat de la monarchie constitutionnelle, rappelant que ce sont les rois qui ont fait la France. Proche du prétendant espagnol Louis XX, dont les partisans sont dits «légitimistes» dans la galaxie royaliste, Ardisson a assisté au mariage du prince en 2004. Et Louis XX est le parrain de sa fille Ninon. En 2007, l’homme en noir a aussi annoncé en grande pompe le lancement d’un site dédié aux idées monarchistes, en collaboration avec les éditions Léo Scheer. Mais il semble que le projet ait échoué.

Au-delà de ses convictions politiques, où d’aucuns veulent y voir une provocation ou une fascination pour les paillettes, Thierry Ardisson tranche avec les autres animateurs télévisuels par l’affirmation claire de sa foi catholique. Rappelant fréquemment son credo sur les plateaux, il aime à dire qu’il ne pratique pas « parce que la messe est mal produite » (notamment dans l’ouvrage collectif Oser agir chrétien, publié sous la direction de Gwen Garnier-Duguy, éditions de La Nef). Les voix sont nombreuses pour pointer l’incohérence d’un homme qui a durant toute sa carrière fait l’apologie des plaisirs charnels... Un paradoxe courant qui rappelle les positions des écrivains Jean-Marie Rouart et Philippe Sollers.

 

Vidéo : Interview de Thierry Ardisson sur IDF1 (2/2)

 

 

Vingt-cinq ans de succès en un seul clic

En 2010, pour son soixante et unième anniversaire, Ardisson s’est offert un site à sa propre gloire, crée en association avec l’Institut National de l’Audiovisuel (INA). L’épouse de Mausole avait bâti un tombeau gigantesque à la mémoire de son mari. Ardisson se fait lui-même ce beau cadeau : des milliers d’heures d’émission compilées en un même lieu, son gâteau d’anniversaire à lui, qui ressemble pour certains à un enterrement de première classe. http://www.thierryardisson.fr regroupe plus de 7 500 vidéos de l’animateur-producteur depuis ses débuts en 1985. De Descente de police à Tout le monde en parle en passant par Paris Dernière, ce sont au total 1000 heures de programmes disponibles en accès libre et illimité. « Il y a sans doute une part de mégalomanie en rassemblant ainsi mes émissions, mais pour faire ce métier, c’est nécessaire », précise le présentateur de Tout le monde en parle. Outre les archives télévisées, les internautes peuvent visionner les projets de l’homme en noir pour la presse, la publicité et le septième art. Plus de deux ans de travail ont été nécessaires aux équipes de l’INA pour numériser et découper ces meilleurs moments.

 

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