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Le portrait d'un bidonville de Bombay montre l'autre face de l'Inde moderne

Ils dînent de rats frits, une mère noie son enfant, suicide, corruption et alcoolisme sont endémiques: telle est la vie quotidienne des habitants d'un bidonville de Bombay relatée dans un livre acclamé par la critique, qui montre l'autre face de l'Inde émergente.[AFP]

Ils dînent de rats frits, une mère noie son enfant, suicide, corruption et alcoolisme sont endémiques: telle est la vie quotidienne des habitants d'un bidonville de Bombay relatée dans un livre acclamé par la critique, qui montre l'autre face de l'Inde émergente.

Un mois après la sortie de l'ouvrage "Behind the beautiful forevers" de la journaliste américaine Katherine Boo, qui a passé de longs séjours dans le bidonville d'Annawadi entre 2007 et 2011, les habitants s'interrogent sur l'impact qu'aura le livre.

"J'ai lu le livre et je l'ai aimé, même s'il m'a fait pleurer", déclare à l'AFP Manju Waghekar, une Indienne de 23 ans qui est un des fils conducteurs de l'histoire.

Son père est décrit comme absent et alcoolique, et sa meilleure amie meurt en avalant du poison. Sa mère, Asha, une des chefs de la communauté, couche avec des hommes pour accroître son influence et fréquente policiers violents et politiciens corrompus.

"C'est la réalité, ce n'est pas de la fiction", ajoute la jeune habitante de ce bidonville de quelque 330 cahutes, situé près de l'aéroport international de Bombay, derrière l'hôtel cinq étoiles Hyatt Regency.

Manju enseigne dans une école cinq heures par jour, donne gratuitement des cours de langue et étudie par correspondance pour décrocher un diplôme en littérature anglaise à l'université de Bombay.

Comme d'autres des 3.000 habitants d'Annawadi interrogés par l'AFP, elle professe une confiance totale dans les écrits de Katherine Boo, une journaliste souvent primée, qui écrit pour le New Yorker après avoir travaillé au Washington Post. "Elle a décrit ce que je suis", dit-elle.

Concernant sa mère, c'est "aussi vrai", ajoute-t-elle timidement. "Ses liaisons et la corruption. La vie est comme ça ici. C'est une mère célibataire et elle a fait ça car elle n'a pas le choix. Elle nous protège".

La presse étrangère et indienne a loué les qualités de "Behind the beautiful forevers" ("Beautiful forevers" est un panneau publicitaire pour des carreaux italiens, à quelques encablures du bidonville): "oeuvre stupéfiante" selon le New York Times, "récit documentaire le plus incroyable sur la vie des très pauvres de l'Inde urbaine" selon le quotidien indien Business Standard.

- une journaliste souvent primée -

La mère de Manju ne se soucie pas vraiment de la façon dont elle est dépeinte dans le livre. Il y est raconté comment elle utilise l'association qu'elle a créée pour obtenir des milliers de dollars auprès du gouvernement, afin de financer des écoles... qui n'existent pas.

"Cela ne change rien pour nous, notre vie restera la même", déclare-t-elle assise dans sa cahute, vêtue d'un splendide sari et parée de bijoux en or. "Sans le soutien d'un mari, tout ce que je peux faire pour ma famille, je le fais. C'est l'histoire d'une mère qui élève toute seule trois enfants dans un bidonville".

Autre fil conducteur, les Husain, une famille injustement accusée d'avoir tué leur voisine infirme, Fatima, lors d'une dispute sur la rénovation de la cloison entre les deux cabanes.

Akhtar Husain raconte comment ses parents et son frère Abdul se sont battus devant la justice pendant des années et ont tout perdu en frais judiciaires et pots de vin pour la police.

"Notre prenions souvent le thé avec Katherine (Boo)", dit Akhtar, 18 ans. "Elle était là quand Fatima est morte".

"Nous sommes d'accord pour ce livre. Katherine nous a toujours dit +je suis écrivain et je veux savoir comment vous vivez vos vies+", ajoute-t-il.

Pour l'adolescent, le livre ne changera pas la vie des chiffonniers, casseurs de pierres et ouvriers de la communauté. "Seuls les étrangers le liront, pas les hommes politiques d'ici".

v"J'ai donné les noms et détaillé toutes les malversations pour que ce coup de projecteur sur les injustices puisse améliorer les choses sur le long terme", indique à l'AFP la journaliste.

"Lorsque ce bidonville était invisible, une violence ahurissante était impunie, des innocents accusés de crimes horribles et les malades envoyés dans des hôpitaux où les docteurs ont pour premier objectif de prendre leur argent", explique Katherine Boo à l'AFP.

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