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Irak : les adolescents gay menacés

De jeunes Irakiens perçus comme déviants ou homosexuels, les "emos", font depuis plusieurs semaines l'objet d'une violente campagne d'agressions qui a fait au moins 15 morts, selon des responsables et des groupes de défense des droits de l'Homme, ce que dément Bagdad.[AFP/Archives]

De jeunes Irakiens perçus comme déviants ou homosexuels, les "emos", font depuis plusieurs semaines l'objet d'une violente campagne d'agressions qui a fait au moins 15 morts, selon des responsables et des groupes de défense des droits de l'Homme, ce que dément Bagdad.

"Quatorze adolescents ont été tués en un mois, dont 7 avec des pierres et 5 par balles", a déclaré dimanche à l'AFP une source à l'hôpital de Roussafa de Bagdad. Un autre corps a été trouvé il y a deux jours à Bayaa, dans l'ouest de Bagdad, selon une autre source médicale.

"Plusieurs incidents se sont produit à l'encontre d'adolescents qu'ils appellent +emos+", faisant au moins cinq morts à Bagdad, notamment dans le quartier conservateur chiite de Sadr City, a confirmé à l'AFP un responsable au ministère de l'Intérieur.

Mais le bilan est en réalité beaucoup plus lourd selon des associations de droits de l'Homme qui accusent les autorités de fermer les yeux sur la question.

Dans les pays occidentaux, les "emos", du mot anglais "emotional", sont généralement des jeunes écoutant de la musique alternative et portant des vêtements noirs et serrés avec des coupes de cheveux caractéristiques. En Irak toutefois, le terme s'applique souvent aux homosexuels.

Selon l'International Gay and Lesbian Human Rights Commission, basée à New York, l'Irak, où aucune loi n'interdit l'homosexualité, est en proie à "une nouvelle vague de violence anti-homosexuelle" initiée en février.

"Près de 40 personnes ont été enlevées, brutalement torturées et tuées. Les autorités irakiennes n'ont ni répondu ni condamné publiquement cette violence ciblée", qui frappe essentiellement dans les zones à majorité chiite de Bagdad et Bassora (sud), dénonce l'association dans un communiqué.

"Un groupe militant chiite est considéré comme l'auteur de ces atrocités", ajoute l'association.

Pour l'Organisation pour la liberté des femmes en Irak, certaines milices islamistes "décrètent la peine de mort contre quiconque ne correspond pas" à la définition traditionnelle de la famille -- un homme, une femme -- considérée comme "la pierre angulaire d'une société islamique pieuse".

Selon elle, "42 homosexuels ont été torturés et tués jusqu'à présent, la plupart avec des blocs de béton, et certains démembrés".

Selon des habitants du bastion chiite de Sadr City interrogés par l'AFP, "une liste de 22 noms d'adolescents a été affichée ces derniers jours dans la rue principale de Sadr City, appelant les familles à prendre soin de leurs fils, sans quoi ils seraient punis". Elle était signée par la milice Saraia al-Gadhab (Brigades de la colère).

Le ministère irakien de l'Intérieur a cependant affirmé dans un communiqué "n'avoir enregistré aucun cas de meurtre sur la base du phénomène +emo+". "Tous les cas de meurtres dont il a été question étaient liés à des vengeances ou avaient des motifs sociaux, criminels ou politiques", a-t-il assuré.

Le communiqué du ministère met en garde "certains groupes extrémistes tentés de s'ériger en protecteurs des lois morales et religieuses et de s'en prendre à des gens sur la base de leur style ou de leur coiffure, car la Constitution garantit les libertés publiques".

Un chef religieux chiite, cheikh Moustafa al-Yakoubi, a critiqué la violence infligée aux "emos", appelant à répondre au phénomène par "des conseils et par la connaissance".

Un porte-parole du ministère des Droits de l'Homme, Kamil al-Amine, a lui aussi estimé que le sujet devait être abordé avec les adolescents par "l'éducation" et non la violence.

Mais dans un autre communiqué datant du 13 février et toujours disponible sur son site internet, le ministère de l'Intérieur avait assuré suivre "le phénomène des +emos+, ou adorateurs du diable", évoquant "un phénomène menaçant" et précisant qu'il avait "une autorisation officielle pour les éliminer dès que possible".

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