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A Kaboul, le "golf le plus extrême du monde"

Le golfeur afghan Mohammad Afzal Abdul sur le green de Kaboul, le 11 mai 2012[AFP]

"Bienvenue sur le golf le plus extrême du monde!", lance l'ambassadeur de l'Union européenne en Afghanistan, alors qu'une demi-douzaine d'hommes armés chargés de sa protection inspectent consciencieusement le green de Kaboul.

Vygaudas Usackas ne parle pas des problèmes de sécurité auxquels sont confrontés les golfeurs en zone de guerre. Mais de leur terrain de jeu kabouli, déroutant à plus d'un titre.

Contrairement au reste du monde, le green de Kaboul, le seul d'Afghanistan, n'est pas fait d'herbe, mais de sable, de pierres et de ronces.

Les passionnés ne visent pas entre bosquets et rivières: ils slaloment entre les ânes qui y vagabondent, la population qui y pique-nique et les ornières, profondes, qui martyrisent volontiers leurs chevilles.

Le portail au-dessus duquel trônait une jolie pancarte métallique - "Bienvenue sur le terrain de golf de Kaboul" - n'est plus, vraisemblablement emporté par un chauffeur routier mal réveillé. Restent les paysages exceptionnels, les sommets éloignés, encore enneigés, qui inspirent le respect.

Le green n'est qu'à une demi-heure de route de la capitale afghane. Mais l'air qu'on y respire, pur, par opposition à la pollution endémique régnant dans la cuvette kaboulie, vaut à lui seul le voyage.

Dans un pays incomparablement plus truffé de kalachnikovs que de clubs de golf, où les diplomates vivent retranchés dans des immeubles entourés de hauts et épais murs de béton surmontés de barbelés, "cela fait du bien de sortir et de respirer de l'air pur", observe simplement M. Usackas.

Le matériel à disposition ferait sourire les plus hardis golfeurs: bottes de soldats, pour se jouer des rugosités du terrain, et clubs antédiluviens, de fer ou de bois, aux antipodes des tiges en titane modernes, à piocher dans le minuscule club-house.

La partie peut ensuite commencer, suivie par deux caddies, l'un pour porter les clubs, l'autre pour traquer la zone où retombera la balle. Des caddies aimables, prompts à applaudir les quelques coups d'éclats d'une partie opposant l'ambassadeur de l'UE à un journaliste ébahi, seuls occupants d'un 9-trous d'exception.

Ces mêmes trous qu'il faut parfois chercher longuement. "Ils sont comme tout le reste ici, relatifs", sourit Vygaudas Usackas. Si certains sont faits de plastique, comme partout ailleurs, d'autres ne sont que des dépressions légères dans le sable.

Le green de Kaboul a été tracé il y a 60 ans, du temps du roi Zaher Shah. Mais trente années de guerre l'ont détruit. On aperçoit encore sur une colline avoisinante un alignement de chars russes rouillés datant de l'invasion soviétique dans les années 80.

La guerre civile de la décennie suivante, puis le conflit entre l'Otan et les talibans, chassés du pouvoir par les Occidentaux à la fin 2001 et entrés depuis en rébellion, ont ensuite relégué le parcours originel au rang de souvenir.

Le club de golf de Kaboul n'a pas échappé à ces soubresauts de l'histoire. Il a fermé plusieurs fois pour cause de guerre ou lorsque Mohammad Afzal Abdul, 52 ans, l'unique "professionnel" du pays, qui y fait office de dirigeant et d'entraîneur depuis 35 ans, a été emprisonné par les Soviétiques ou les talibans, accusé de "se mêler aux étrangers".

Hormis des attentats réguliers dans le centre-ville, Kaboul est épargnée par le conflit depuis l'arrivée au pouvoir du président pro-occidental Hamid Karzaï il y a un peu plus de dix ans.

Lorsqu'il est revenu au club à la fin 2001, Afzal "n'a pas reconnu" son green.

Des démineurs ont depuis nettoyé le terrain, où il a fait paître des moutons cinq jours durant, pour s'assurer qu'aucune charge ne restait. Aucun animal n'a sauté.

Dès lors, l'espoir demeure. Sur les murs du club-house trône une photo récente prise à Dubaï de Tiger Woods et du golfeur afghan. "J'ai invité Tiger à venir à Kaboul, raconte-t-il. Il m'a dit OK. Mais aucune décision n'a été prise..."

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