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Dans les bidonvilles de Rangoun, la frustration des pauvres parmi les pauvres

Une femme se tient le 15 octobre 2012 dans une allée du bidonville de Aung Mingalar dans la banlieue de Rangoun [Christophe Archambault / AFP] Une femme se tient le 15 octobre 2012 dans une allée du bidonville de Aung Mingalar dans la banlieue de Rangoun [Christophe Archambault / AFP]

Dans le bidonville de Shwe Paukan, à Rangoun, le verdict des habitants est sans appel: rien n'a changé depuis l'arrivée du nouveau régime. Et les attentes déçues de ces pauvres parmi les pauvres font peser un risque social non négligeable sur le processus de réformes en Birmanie.

"Nous n'avons pas senti le changement dont tout le monde parle", constate simplement Ni Ni Win, 27 ans, qui gagne environ 3 dollars par jour dans une usine de recyclage de plastique.

"Je pense que cela n'a touché que le sommet de la société", poursuit celle dont la bicoque de bambou est construite sur pilotis, dans un bidonville du nord de l'ancienne capitale inondé chaque mois pendant les grandes marées.

Mais au moins la mère de famille et ses voisins ont-ils le droit d'être là. Quelques kilomètres plus loin, près du centre-ville, 400 à 500 personnes vivent illégalement à Aung Mingalar, bidonville coincé entre une rivière et des terrains de stockage de troncs de teck qui servent de toilettes à ciel ouvert.

Des habitants du bidonville de Aung Mingalar dans la banlieue de Rangoun attendent le 15 octobre  2012 près d'un puits d'eau [Christophe Archambault / AFP]
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Des habitants du bidonville de Aung Mingalar dans la banlieue de Rangoun attendent le 15 octobre 2012 près d'un puits d'eau
 

Ko Ko, 46 ans, vit dans la peur de l'expulsion. "Nous ne vivons pas ici parce que nous le voulons" mais "parce que nous ne pouvons pas nous payer un endroit pour vivre", explique-t-il.

Au milieu du squat, les détritus se mélangent à la terre, des vêtements sèchent sur des barbelés. Des viscères de poissons macèrent dans des bidons. Les habitants vendront plus tard cette mixture nauséabonde aux éleveurs de poulets.

L'ONU-Habitat estime qu'au moins 40% des quelque 5 millions d'habitants de Rangoun sont "pauvres ou extrêmement pauvres", obligés de survivre "au jour le jour", souvent dans des logements insalubres ou des installations illégales.

"Rien n'a été fait depuis 20 ans", commente Michael Slingsby, spécialiste en développement urbain pour l'agence onusienne. Et s'il note une récente prise de conscience des autorités, les actions concrètes sont rares.

"Elles manquent de ressources plus que d'intérêt pour faire quelque chose", poursuit-il, regrettant que les bailleurs de fonds étrangers négligent la pauvreté urbaine dans un pays où officiellement, 26% des habitants vivent en dessous du seuil de pauvreté, dont une grande majorité en zone rurale.

De la frustration à la colère

Après plus d'un an de réformes politiques spectaculaires, le président Thein Sein a promis en juin une deuxième vague axée sur l'économie, avec l'espoir de réduire la pauvreté à 16% d'ici 2015.

Des résidnets du bidonville de Aung Mingalar dans la banlieue de Rangoun, le 15 octobre 2012 [Christophe Archambault / AFP]
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Des résidnets du bidonville de Aung Mingalar dans la banlieue de Rangoun, le 15 octobre 2012
 

Le gouvernement a lancé des chantiers économiques, notamment en promulguant une loi encadrant les investissements étrangers. Mais leur impact ne sera pas visible à court terme pour les plus défavorisés du pays, lui-même l'un des plus pauvres de la planète.

La frustration pourrait alors se transformer en colère. "C'est potentiellement l'un des principaux problèmes auquel pourrait avoir à faire face le processus de réformes", insiste Slingsby.

"Des manifestations de mécontentement sur la pauvreté vont se produire", prédit également Win Htein, député de la Ligue nationale pour la démocratie (LND) de l'opposante Aung San Suu Kyi. "Mais pas au point de menacer le gouvernement".

En 2007, une révolte menée par les moines bouddhistes avait été initiée par la colère contre la vie chère avant de devenir politique. Elle avait été réprimée dans le sang.

Mais depuis quelques mois, les manifestations ont été légalisées. Et au printemps, un mouvement contre les coupures de courant chroniques, pourtant non autorisé, s'était déroulé sans encombre dans plusieurs villes du pays.

Contrastant avec les années noires de la junte, la réponse du nouveau régime a été "appropriée", note Sean Turnell, économiste à l'université de Macquarie en Australie. Mais "il y a toujours un danger".

 
BLOCKED

Chacune des 14 femmes du groupe place 1.100 kyats (1,30 dollar) chaque semaine dans une boite de métal cadenassée, dans l'espoir que leur pécule grossisse suffisamment pour, un jour, leur permettre de lancer leur propre affaire.

"Elles espèrent que leur rêve devienne réalité", explique Win Kyi, 64 ans, leader du groupe. Mais sans compter sur le gouvernement. "Nous ne vivrons pas dans l'attente".

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