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Un scandale de porcs qui en dit long sur l'agroalimentaire en Chine

Quelques cadavres de porcs repêchés dans le fleuve traversant Shanghai, le 11 mars 2013 [Peter Parks / AFP] Quelques cadavres de porcs repêchés dans le fleuve traversant Shanghai, le 11 mars 2013 [Peter Parks / AFP]

Des milliers de cadavres de porcs déversés dans le fleuve de Shanghai sont venus cette semaine illustrer la face sombre de l'industrie agroalimentaire en Chine, où prime le rendement pour nourrir l'immense population.

Les images de ces cochons de toutes tailles, flottant parmi les autres déchets de la rivière Huangpu, n'ont pas seulement déplu à la capitale économique chinoise. C'est bien tous les Chinois, chez lesquels le porc est viande reine, qui ont été choqués.

Dans un pays où la population mange de plus en plus d'aliments carnés, le porc a représenté 64% de la production de viande l'an dernier. Les produits fabriqués à partir du cochon sont nettement plus abordables que ceux du boeuf ou du mouton.

Vendredi, le décompte officiel était de plus de 7.500 porcelets et cochons adultes, certains pesant plus de 150 kg, collectés au fil de l'eau du Huangpu, une eau utilisée par un quart des 23 millions d'habitants pour boire, cuisiner ou se laver.

La métropole a pointé du doigt la préfecture voisine de Jiaxing, en accusant des éleveurs, victimes d'une épidémie porcine non précisée, de s'être débarrassés de leurs bêtes en les jetant dans la rivière.

Mais les responsables de Jiaxing ont pour l'instant largement botté en touche et des éleveurs interviewés par l'AFP dans le village de Zhulin, l'un des principaux centres de production de Jiaxing, crient haut et fort être complètement étrangers à l'affaire.

Pan Juying, éleveuse de porcs, nourrit ses animaux dans sa ferme, le 14 mars 2013 à Jiaxing [Peter Parks / AFP]
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Pan Juying, éleveuse de porcs, nourrit ses animaux dans sa ferme, le 14 mars 2013 à Jiaxing
 

"Le gouvernement est très strict. Nous vaccinons nos porcs. S'ils sont malades, ils ne peuvent être vendus", assure Pan Juying, une éleveuse de 57 ans occupée à nourrir son cheptel d'herbe fraîchement coupée.

Mais non loin de là, un porcelet, à la peau gonflée par le processus de décomposition, a été jeté au bord d'une route, elle-même à une centaine de mètres d'un cours d'eau.

En plus d'une controverse sur la qualité de l'eau --jugée "normale" par les autorités malgré un scepticisme général--, le scandale soulève des inquiétudes sur d'éventuelles ventes de porcs décédés de la maladie en cause, repêchés ou non dans le fleuve.

Les autorités ont d'ailleurs annoncé cette semaine la condamnation à la prison de 46 personnes, certaines écopant de plus de six ans de réclusion, coupables d'avoir découpé et vendu de la viande de porc provenant de plus d'un milliers d'animaux malades. Ces faits se sont produits dans la province du Zhejiang, qui jouxte Shanghai.

Egalement rencontré à Zhulin, Wang Wei, un vétérinaire d'un laboratoire produisant des médicaments destinés aux centres d'élevage, explique qu'un grand nombre de porcs sont morts de causes inconnues dans le Zhejiang, autour du Nouvel an chinois, fêté cette année en février.

"C'est forcément une grande ferme porcine" qui est responsable des événements de Shanghai, pense-t-il. "Ils sont incapables d'enrayer une épidémie de maladie infectieuse".

Un cadavre de porc à Jiaxing, le 14 mars 2013 [Peter Parks / AFP]
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Un cadavre de porc à Jiaxing, le 14 mars 2013
 

La Chine est régulièrement confrontée à des scandales alimentaires. Le plus retentissant reste celui du lait contaminé à la mélamine qui, en 2008, avait provoqué la mort de six enfants et rendu malade 300.000 autres.

Le mois dernier, le géant américain de la restauration rapide KFC a annoncé avoir éliminé plus de 1.000 élevages de son réseau de fournisseurs en Chine, après un scandale de poulets nourris aux antibiotiques qui a affecté ses ventes.

Selon Mme Zhu Yi, professeur à l'Université agricole de Chine, les problèmes s'expliquent notamment par le grand nombre de petits agriculteurs, "difficiles à surveiller".

De fait, la piètre alimentation, les carences vétérinaires et les soucis de reproduction des cheptels sont plus répandus dans les petites fermes, les grandes exploitations respectant davantage le confort animal.

"La sécurité alimentaire est une question qui nécessite des efforts constants", dit Mme Zhu. "Le modèle actuel d'élevage du bétail est trop basique, et les normes trop laxistes". Mais "chaque pays a ses problèmes", poursuit-elle en citant le récent scandale en Europe de la viande de cheval dans des produits cuisinés.

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