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EXCLUSIF - A Shanghai, une famille décimée par la grippe aviaire

Des proches de Kelly Gu, le 14 mai 2013 à l'extérieur d'un hôpital de Shanghaï [Peter Parks / AFP] Des proches de Kelly Gu, le 14 mai 2013 à l'extérieur d'un hôpital de Shanghaï [Peter Parks / AFP]

Sur son lit d'hôpital à Shanghai, le père de Kelly Gu est dans un état critique après avoir contracté le virus H7N9 de la grippe aviaire, le virus qui a déjà tué sa mère. Ses parents sont le seul couple à avoir été infecté par cette maladie nouvelle et souvent mortelle chez l'homme.

Alors que sa mère était mourante, Gu a été rappelée en urgence à Shanghai depuis la France, où elle poursuivait un doctorat en chimie à l'Université Paul Sabatier de Toulouse (sud-ouest), mais elle est arrivée un jour trop tard.

Kelly a compris que sa mère avait trépassé lorsque son père - qui se sentait déjà fatigué et fiévreux - lui a dit au téléphone: "C'est comme de gagner à loterie, mais c'est une loterie de malchance ", a-t-elle déclaré à l'AFP au cours de son premier entretien avec la presse occidentale.

Depuis l'hiver dernier, le virus H7N9 a contaminé 130 personnes en Chine continentale, dont 35 sont mortes, selon les derniers chiffres officiels.

Le gouvernement et l'Organisation mondiale de la santé (OMS) ont répété qu'il n'y a pas de preuve de transmission persistante d'humain à humain. Mais les parents de Gu pourraient être un cas rare d'infection généralisée au sein d'une même famille.

Des infirmières, le 14 mai 2013 dans un hôpital de Shanghaï [Peter Parks / AFP]
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Des infirmières, le 14 mai 2013 dans un hôpital de Shanghaï

Les experts des Centres américains pour le contrôle et la prévention des maladies estiment que les familles infectées représentent des cas limités de transmission entre humains, qui pourraient être causés par une exposition longue et non protégée. Mais si le virus mutait vers une forme facilement transmissible d'homme à homme, ce pourrait être le début d'une grave pandémie.

Kelly, 26 ans, raconte que son père, qui travaille dans l'immobilier, était triste que sa fille --son unique enfant-- vive à l'étranger. C'est ce qui lui a sans doute sauvé la vie. Sa mère, femme au foyer de 52 ans, qu'elle décrit comme une femme optimiste et passionnée de technologie, a probablement été contaminée en faisant son marché dans l'ouest de Shanghai où vit la famille.

Elle était déjà malade depuis cinq jours et s'était rendue deux fois dans des hôpitaux de quartier lorsque le gouvernement central a annoncé l'apparition du H7N9.

Le lendemain, alors que sa fièvre monte et qu'elle a du mal à respirer, elle va consulter à Huashan, l'un des meilleurs hôpitaux de Shanghai. Mais le médecin urgentiste la renvoie chez elle en lui prescrivant trois jours de repos. Elle meurt deux jours après.

La Chine a été félicitée par l'OMS pour sa transparence sur le H7N9, comparée au silence qui avait entouré l'épidémie du syndrome respiratoire aigu sévère (Sras) qui avait fait 800 morts dix ans plus tôt dans le monde après avoir émergé en Chine.

Une infirmière, le 14 mai 2013 dans un hôpital de Shanghaï [Peter Parks / AFP]
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Une infirmière, le 14 mai 2013 dans un hôpital de Shanghaï

Certains se demandent pourtant pourquoi il a fallu 3 semaines après les premiers décès pour que Pékin annonce l'apparition du virus, alors que des rumeurs sur une mystérieuse maladie dans un hôpital de Shanghai circulaient déjà sur internet. Le cas des parents de Kelly illustre les hésitations premières du système de santé.

"[Le médecin] n'avait pas vu les résultats du scanner des poumons de ma mère et n'a pas demandé qu'elle en fasse un autre. Il a jugé que c'était une fièvre normale et l'a renvoyée chez elle", raconte Kelly.

Sa mère est décédée le 3 avril d'insuffisance respiratoire aiguë. La contamination par le H7N9 a été confirmée trois jours plus tard, l'un des premiers cas à Shanghai.

Les syndromes de son père sont apparus le 1er avril. Seuls deux autres contaminations familiales existent pour l'instant : un père et ses deux fils à Shanghai et un autre père et son fils dans la province de Shandong (est).

En s'accrochant à la vie depuis un mois et demi, le père de Kelly a défié les prédictions des médecins. Aujourd'hui, il est maintenu sous respirateur artificiel et se voit administrer de fortes doses de calmant. Il ne répond pas quand Kelly essaie de lui parler à travers une ligne vidéo directe. Tous les jours, elle va le voir à l'hôpital mis en quarantaine, dans le sud-ouest de Shanghai.

Les grandes pelouses vertes lui donne des airs de campagne. Mais les médecins disent qu'il n'y a rien à faire.

En désespoir de cause, elle s'est glissée dans une conférence de presse de délégués de l'OMS pour demander si rien n'était possible pour son père, mais les responsables chinois l'ont coupée avant qu'elle ait pu poser sa question.

"S'il peut s'en sortir, je resterai avec lui, je prendrai la place de ma mère et je m'occuperai de lui", dit-elle.

Quand son père, qui voyait sa femme plus malade chaque jour, s'est aperçu qu'il était lui aussi contaminé, il a rassuré sa femme mourante. "Il lui a pris la main, raconte Kelly, et lui a dit: +Attends-moi, je serai là pour t'accompagner+."

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