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Allemagne: Merkel se résout à un salaire minimum généralisé

La chancelière allemande Angela Merkel parmi les négociateurs d'une coalition entre conservateurs et sociaux-démocrates, le 21 novembre à Berlin [Johannes Eisele / AFP] La chancelière allemande Angela Merkel parmi les négociateurs d'une coalition entre conservateurs et sociaux-démocrates, le 21 novembre à Berlin [Johannes Eisele / AFP]

La chancelière allemande Angela Merkel a annoncé jeudi que son pays allait se doter d'un salaire minimum généralisé, une concession qu'elle doit faire aux sociaux-démocrates avec lesquels elle va gouverner.

"Nous allons décider des choses que, au vu de mon programme, je ne considère pas comme justes, parmi elles un salaire minimum généralisé", a dit la chancelière. Elle faisait référence à son parti conservateur et aux sociaux-démocrates du SPD, en tractations depuis plus de quatre semaines pour élaborer un programme commun de gouvernement.

Or sans salaire minimum, ces négociations vont capoter, a-t-elle prévenu: "une appréciation réaliste (de la situation) montre que les sociaux-démocrates ne vont pas conclure les négociations sans".

Le SPD milite pour un salaire horaire de 8,50 euros pour tous. Ni la date d'introduction ni le niveau de ce Smic à l'allemande ne sont connus, mais l'accord de principe des conservateurs constitue déjà une révolution dans un pays qui s'en remet traditionnellement là-dessus aux partenaires sociaux.

D'ailleurs la pilule a du mal à passer pour beaucoup. "Le salaire minimum fixe a ruiné l'Allemagne de l'Est", tempêtait le chef du gouvernement de Saxe-Anhalt (est), le conservateur Reiner Haseloff, en référence aux salaires fixés par l'Etat dans l'ex-RDA communiste, "nous ne devons pas refaire la même erreur".

Le président fraîchement élu de l'association patronale BDA, Ingo Kramer, se demande "pourquoi la politique pense en savoir plus que les partenaires sociaux?". Tout en jugeant "inacceptables" les salaires de misère qui ont cours par endroits, il assène qu'"il y a de bonnes raisons" pour des salaires d'embauche faibles dans certains cas.

5,6 millions de salariés concernés

La nouvelle a été en revanche saluée avec enthousiasme à Paris. "C'est un signal (...) d'une approche peut-être plus coopérative des politiques économiques en Europe", a déclaré le ministre français de l'Economie Pierre Moscovici.

Outre la France, l'OCDE, le FMI ou les Etats-Unis ont appelé ces derniers mois l'Allemagne à soutenir sa demande intérieure pour aider à la reprise en zone euro. Un objectif qui passe notamment par une hausse des salaires allemands.

Selon l'institut économique DIW, 5,6 millions de personnes, soit 17% des salariés, gagnent actuellement moins de 8,50 euros, surtout les salariés peu qualifiés et à temps partiel.

Des responsables des sociaux-démocrates du SPD et des conservateurs de la CDU/CSU réunis pour des négociations de coalition, le 21 novembre 2013 à Berlin [Johannes Eisele / AFP]
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Des responsables des sociaux-démocrates du SPD et des conservateurs de la CDU/CSU réunis pour des négociations de coalition, le 21 novembre 2013 à Berlin
 

Le CDU avait déjà mis de l'eau dans son vin ces dernières années pour permettre l'introduction de seuils de salaire dans certains métiers mal rémunérés. Les coiffeurs, dont certains gagnaient 3 euros de l'heure, ont ainsi maintenant un salaire minimum (de 8,50 euros), même chose pour les intérimaires ou encore les couvreurs.

L'introduction de ces salaires minimum à petit échelle n'a pas conduit à une hémorragie d'emplois dans les secteurs concernés. Mais cela n'empêche pas milieux économiques et économistes de peindre un tableau apocalyptique du marché de l'emploi une fois que le SPD aura eu gain de cause.

Le dernier rapport des "Sages", économistes influents qui conseillent le gouvernement allemand, y voit une "mesure nuisible à la croissance et à l'emploi".

Le DIW pour sa part prévient que l'introduction d'un salaire minimum n'aura sans doute pas les effets attendus sur les inégalités et le pouvoir d'achat des ménages, notamment parce que quiconque gagne plus paie aussi plus d'impôts. L'institut recommande l'introduction d'un salaire plancher bas, qui serait progressivement relevé.

C'est ce que semblait suggérer en début de semaine Ilse Aigner, ex-ministre de Merkel et participante aux négociations de coalition. Le salaire minimum voulu par le SPD "peut être un objectif, on n'est pas obligé de le faire tout de suite", selon elle.

Si elle cède sur le salaire minimum, la chancelière a martelé jeudi qu'elle restait opposée à des hausses d'impôts et à l'assouplissement du passage à 67 ans de l'âge de la retraite. Et viscéralement attachée à l'objectif d'allègement de la dette du pays.

Conservateurs et sociaux-démocrates veulent boucler les négociations de coalition la semaine prochaine. Parmi les points d'achoppement figure encore la question de la doublé nationalité, voulue par le SPD, notamment pour les Turcs vivant en Allemagne.

 

 

 

 

 

 

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