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Le Venezuela vit une tragicomédie avec Maduro, selon un ex-conseiller de Chávez

Le sociologue allemand Heinz Dieterich, le 21 novembre à Mexico [Omar Torres / AFP] Le sociologue allemand Heinz Dieterich, le 21 novembre à Mexico [Omar Torres / AFP]

Le sociologue allemand Heinz Dieterich, ancien conseiller de l'ex-président vénézuélien Hugo Chávez, estime que Nicolás Maduro met "en péril" l'oeuvre politique de son prédécesseur en faisant vivre une "tragicomédie" à son pays, dans un entretien à l'AFP.

Dans son bureau de l'Université autonome métropolitaine (UAM) du Mexique, l'auteur du concept de "socialisme du XXIe siècle" pour qualifier le projet du président décédé Hugo Chávez (1999-2013) se dit préoccupé par l'orientation "chaotique" du gouvernement Maduro.

"J'observe le grand théâtre tragicomique d'un comédien, mais pas d'un révolutionnaire", estime cet universitaire de 70 ans, qui a exposé ses théories de militant de gauche dans une quinzaine de livres, dont certains écrits à quatre mains avec l'intellectuel américain Noam Chomsky.

Défenseur idéologique de première ligne du chavisme pendant plusieurs années, Dieterich a pris ses distances avec le processus entamé au Venezuela à partir de 2007, au moment de la destitution du ministre de la Défense Raúl Isaías Baduel, ancien compagnon d'armes de Chávez et artisan de son retour au pouvoir après la brève tentative de coup d'Etat de 2002.

Dans son bureau, l'unique vestige des liens de Dieterich avec le Venezuela est une affiche signée par son "ami" Baduel, emprisonné depuis 2009 après avoir critiqué Chávez et opposant de l'actuel gouvernement.

Le sociologue assure qu'il n'a pas changé de camp politique et que ses critiques sont suscités par l'angoisse devant le risque que Maduro "fait courir que se perde tout ce qui a été construit" par Chávez, en raison de son "manque de leadership et l'absolue médiocrité de son équipe".

"Cette gauche n'a plus de modèle de pensée ni d'orientation stratégique", selon lui.

L'auteur allemand avait considéré que Chávez était capable d'appliquer au Venezuela son concept de "socialisme du XXIe siècle", qui met en oeuvre une démocratie participative et une économie non fondée sur le marché. Mais il constate aujourd'hui que "rien de tout cela n'a été accompli au Venezuela ni ailleurs dans le monde". Selon lui, le modèle économique et politique de Chávez était déjà "structurellement épuisé" depuis 2010.

"Chávez le savait, et s'il avait été en bonne santé, il aurait du changer qualitativement" ses orientations, comme il avait réussi à le faire avant de mourir avec des plans visant à une plus grande efficacité, comme l'impulsion de la construction de logements, estime cet intellectuel installé au Mexique depuis 40 ans.

Aujourd'hui, "Maduro n'est pas à la hauteur des besoins qu'exige le changement du modèle à notre époque", estime Dieterich qui pense que l'ancien chauffeur d'autobus, ex-syndicaliste, et ministre des Affaires étrangères du précédent gouvernement, souffre d'un manque de "fond culturel" et fait fausse route en tentant de "s'affubler des vêtements de Chávez".

Depuis sa victoire serrée aux élections d'avril devant l'opposant Henrique Capriles, Maduro dit s'inscrire dans la continuité des projets de Chávez en mettant l'accent sur la lutte contre la corruption et sur la "guerre économique" déclenchée selon lui par des secteurs de l'opposition avec l'appui de Washington.

Une guerre économique "fictive"

Mais pour Dieterich, cette guerre économique est "fictive", avancée dans la perspective des élections locales du 8 décembre. Il s'agit "d'inventer un ennemi" pour tenter expliquer une inflation de 54% sur l'année, la plus forte d'Amérique latine, et la pénurie cyclique d'aliments.

Il y a deux semaines, Maduro a ordonné la baisse forcée des prix de plusieurs produits, accusant les importateurs de les vendre à des prix supérieurs - jusqu'à 1.000% - à leur valeur. Jeudi il a commencé à appliquer le pouvoir que lui a accordé le Parlement de gouverner par décret pendant un an, avec des lois qui augmentent les contrôles des entreprises et instaurent de nouvelles réglementations sur les importations.

"On ne peut pas faire baisser l'inflation avec une guerre, on doit la faire baisser en libérant le prix du dollar et en libérant les importations", affirme-il avec véhémence, en référence aux contrôle des changes mis en place au Venezuela depuis 2003.

Face à la stratégie de Maduro, le sociologue rappelle que Chávez, malgré des expropriations polémiques "avait compris qu'au Venezuela les conditions n'étaient pas réunies pour radicaliser le processus et commencer à enlever le contrôle de l'économie au capital privé".

Pour éviter que le pays ne s'engage dans un éventuel scénario de violence, Dieterich considère que le président n'est pas le seul problème. Pour lui "une rénovation profonde est nécessaire au sein du parti au pouvoir".

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