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Brésil: pire sécheresse en 30 ans pour les paysans du Nordeste

Des paysans du Nordeste brésilien brandissent des crânes de bovins en manifestant à Brasilia pour demander de l'aide, le 4 décembre 2012 [Pedro Ladeira / AFP/Archives] Des paysans du Nordeste brésilien brandissent des crânes de bovins en manifestant à Brasilia pour demander de l'aide, le 4 décembre 2012 [Pedro Ladeira / AFP/Archives]

Une chèvre noire sous un arbre sec : c'est le seul animal qu'il reste à Maria Juana Rodrigues, agricultrice à Quixada, dans le Nordeste du Brésil. Il y a deux ans, la retraitée possédait encore une douzaine de têtes de bétail.

"A cause de la sécheresse je n'ai pas récolté de maïs pour nourrir mes bêtes, raconte-t-elle, les larmes aux yeux. J'ai dû les vendre à bas prix pour éviter de les voir mourir."

L'Etat semi-aride du Ceara, où se situe Quixada, est habitué aux épisodes de sécheresse. Mais en 2012 et 2013 il n'a plu en moyenne que la moitié des précipitations habituelles, après une année 2010 déjà avare en eau.

Il faut remonter aux années 70 pour trouver une telle succession d'années de sécheresse. Dans l'ensemble du Nordeste brésilien, le manque d'eau a conduit le gouvernement à placer 74% des municipalités en situation d'urgence.

La petite agriculture, qui fait vivre 20% des familles à Quixada, est la première touchée. Au milieu des arbustes couleur de cendre, de rares vaches broutent ce qu'elles trouvent dans la terre poussiéreuse. D'après le syndicat local des producteurs ruraux, plus de 40% des bêtes ont été vendues de façon précipitée ou sont mortes de soif.

Lors d'une visite au Ceara déjà éreinté par la sécheresse, en avril, la présidente Dilma Rousseff a promis aux éleveurs 50.000 tonnes de maïs subventionné pour nourrir leurs bêtes. Mais les quantités promises ne sont pas au rendez-vous.

"Nous achetons ces grains à 18 réais le sac au lieu de 45 réais sur le marché (5,5 euros au lieu de 13). Mais à cause des difficultés logistiques et de la corruption nous n'avons reçu qu’un tiers de la quantité annoncée", dénonce le président du syndicat, Francisco Fausto Fernandes.

Un exode rural moins important que par le passé

Si elle dévaste toujours les cultures et les troupeaux, cette sécheresse menace moins la vie des habitants que par le passé. La population bénéficie désormais de mesures d'accès à l'eau et d'aides sociales.

Un champ de coton abandonné à cause de la sécheresse dans l'Etat brésilien de Rio Grande do Norte, le 29 juin 2012 [Yasuyoshi Chiba / AFP/Archives]
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Un champ de coton abandonné à cause de la sécheresse dans l'Etat brésilien de Rio Grande do Norte, le 29 juin 2012

Francisco Felix Gonçalves, journalier agricole à Quixada, se retrouve en chômage forcé plusieurs jours par semaine à cause du manque d'eau. "Heureusement que nous touchons une assurance pour la perte de notre récolte et la Bolsa Familia (une allocation créée en 2003 pour les familles les plus pauvres)", raconte le jeune père de famille devant sa maison en torchis.

Derrière la maison, une citerne blanche à demi enterrée, financée par les autorités locales, a récupéré les pluies passées et fournit l'eau nécessaire à la cuisine et au ménage.

"Nous n'avons jamais autant aidé la population à vivre avec la sécheresse", assure le secrétaire à l'agriculture du Ceara, Nelson Martins. "Nous avons foré ou rénové 5.000 puits, lancé un programme d'aide à l'ensilage, creusé des canaux pour dévier certains cours d'eau...". Des camions citernes alimentent par ailleurs un million de personnes dans l'état du Ceara.

"Lors des sécheresses passées des agriculteurs affamés pillaient des commerces, rappelle le secrétaire à l'agriculture. Cette année on n'observe pas un tel phénomène." Des vagues d'exode rural ont néanmoins été signalées dans l'état de Bahia et dans l'intérieur du Pernambuco.

"Quelque chose qu'on ne comprend pas dans le climat"

La situation risque de se compliquer encore si la pluie reste rare en 2014. "Le scénario n’est pas bon en ce début d'année, regrette le président de la Fondation de météorologie du Ceara, Eduardo Savio Martins. Si cela continue nous allons manquer d'eau dans les zones urbaines".

Le spécialiste s'avoue désemparé : "on ne s'attendait pas à une sécheresse sur le Nordeste ces deux dernières années car les eaux du Pacifique étaient froides. Il se passe donc quelque chose dans le climat qu'on ne comprend pas".

L'influence de l'océan Atlantique, notamment, est délicate à évaluer. Seule une douzaine de bouées en surveillent les humeurs, contre plus de 300 appareils dans les eaux du Pacifique.

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