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Le naufragé du Pacifique va retrouver les siens

L'homme se présentant comme José Salvador Alvarenga à Majuro, capitale des îles Marshall, le 3 février 2014 [Hilary Hosia / AFP] L'homme se présentant comme José Salvador Alvarenga à Majuro, capitale des îles Marshall, le 3 février 2014 [Hilary Hosia / AFP]

Un naufragé affirmant avoir dérivé pendant 13 mois dans le Pacifique, une durée jugée sans précédent par des spécialistes ,se préparait mercredi à quitter les îles Marshall pour rentrer chez lui.

 

José Salvador Alvarenga, pêcheur au Mexique, a été récupéré lundi par un patrouilleur de la police des îles Marshall, sur un atoll isolé où s'était échoué jeudi dernier son bateau de 7 mètres, au terme d'une dérive de quelque 12.500 kilomètres.

Il devrait s'envoler de la capitale Majuro vendredi à destination de Hawaï, puis le Mexique, où il vit depuis des années, ou le Salvador, où il est né.

"Il sera très probablement rapatrié au Salvador", a déclaré à l'AFP un porte-parole du ministère des Affaires étrangères des îles Marshall, Anjanette Kattil.

Jose Ricardo Orellana, le père du Salvadorien Jose Salvador Alvarenga, montre des photos de son fils, à Garita Palmera, au Salvador le 4 février 2014 [Jose Cabezas / AFP]
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Jose Ricardo Orellana, le père du Salvadorien Jose Salvador Alvarenga, montre des photos de son fils, à Garita Palmera, au Salvador le 4 février 2014
 

"Je ne voulais pas mourir de faim", a raconté mardi à l'AFP cet homme de 37 ans, actuellement hospitalisé dans la capitale de l'archipel du Pacifique sud.

"Il y a eu des moments où j'ai pensé me suicider, mais j'avais peur de le faire", a-t-il dit.

Cheveux décolorés par le soleil et barbe hirsute, cet homme solidement bâti paraissait dans une forme physique étonnamment bonne à son arrivée à Majuro, cinq jours après avoir mis pied à terre sur l'atoll reculé d'Ebon.

Il ne semblait pas avoir les lèvres gercées, la peau brûlée ou présenter d'autres signes d'une forte exposition aux éléments.

 

Manger une tortilla

 

Affamé, il a dit avoir plus d'une fois rêvé de ses plats favoris. "Mon rêve depuis un an est de manger une tortilla (galette à base de maïs, spécialité de la cuisine mexicaine), du poulet et plein d'autres choses".

Graphique montrant le parcours éventuel du pécheur mexicain retrouvé aux îles Marshall plus d'un an après son départ du Mexique [S. Ramis/ C.Mutto / AFP]
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Graphique montrant le parcours éventuel du pécheur mexicain retrouvé aux îles Marshall plus d'un an après son départ du Mexique
 

Outre la nourriture, son père et sa mère manquaient cruellement à José Salvador Alvarenga, qui a indiqué ne pas être marié mais avoir une fille, Fatima, qu'il brûle de revoir.

Originaire du Salvador, Alvarenga résidait depuis quinze ans au Mexique.

"Je vais bien, papa": telles furent les premiers mots qu'il a prononcés lors d'une brève communication téléphonique avec son père, Ricardo Orellana, la première qu'il a pu avoir avec sa famille depuis son sauvetage.

Le pêcheur a raconté qu'il était parti pêcher le requin le 24 décembre 2012 avec un compagnon âgé de 15 à 18 ans, "Xiguel", lorsque des vents violents les ont éloignés de la côte, poussant vers le large leur bateau dont le moteur avait cessé de fonctionner.

 

L'urine pour ne pas mourir de soif

 

A l'évocation du jeune homme, qui est décédé au bout de quatre mois, ne pouvant se nourrir de viande d'oiseau crue, de sang de tortue et d'urine, le regard du rescapé s'assombrit.

La fille de Jose Salvador Alvarenga, Fatima Mabea Alvarenga, à Garita Palmera, au Salvador, le 4 février 2014 [Jose Cabezas / AFP]
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La fille de Jose Salvador Alvarenga, Fatima Mabea Alvarenga, à Garita Palmera, au Salvador, le 4 février 2014
 

"Il n'arrivait pas à garder la nourriture crue dans son estomac et il vomissait sans arrêt. J'essayais de lui dire de manger en se bouchant le nez mais ça ne marchait pas".

Alvarenga a expliqué que son compagnon d'infortune était mort de faim et qu'il avait jeté son corps par dessus bord: "Que pouvais-je faire d'autre?".

"Le plus dur a été de devoir boire mon urine, quand il n'a pas plu pendant trois mois", a-t-il confié.

La mère de Jose Salvador Alvarenga, Maria Julia Alvarenga, à Garita Palmera, au Salvador le 4 février 2014 [Jose Cabezas / AFP]
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La mère de Jose Salvador Alvarenga, Maria Julia Alvarenga, à Garita Palmera, au Salvador le 4 février 2014
 

A l'autre bout du Pacifique, des pêcheurs mexicains incrédules, ses compagnons, ont reconnu le naufragé sur des photos.

"C'est bien lui, mec, c'est +La Chancha+, on ne peut pas se tromper", dit Jorge Rodriguez, un des fils de Guillermino Rodriguez Solis, le patron d'Alvarenga.

Il venait de voir des photos montrées par les journalistes venus à Chocohuital, dans l'Etat du Chiapas, au sud-est du Mexique. C'est là qu'on a vu pour la dernière fois "La Chancha", son surnom mexicain.

Selon Guillermino Rodriguez, le patron d'Alvarenga, le Salvadorien de 37 ans avait quitté la côte le 20 novembre 2012, et non pas le 24 décembre comme indiqué par Alvarenga. Il dit avoir communiqué avec lui "une fois par radio".

 

Recherches pendant quatre jours

 

Ensuite, "quand nous avons vu que soufflait le vent du nord et qu'il ne revenait pas, nous avons cherché à le joindre, mais il ne répondait plus", raconte Guillermino. Les autorités locales ont effectué des recherches pendant quatre jours, y compris à l'aide d'un hélicoptère.

Dans le village, on peut à peine croire à l'odyssée d'Alvarengo. Pour les pêcheurs qui connaissent beaucoup d'histoires de naufrages, personne ne peut survivre 13 mois en haute mer. "Nous sommes surpris, mais maintenant que je le vois à la télévision, il n'y a pas de doute, c'est bien lui", dit William Uscanga, un autre pêcheur.

L'étonnement des compagnons d'Alvarenga est partagé par des spécialistes.

"Il y a des gens qui ont survécu longtemps sur un radeau de survie, mais jamais un homme n'a tenu aussi longtemps. Si son récit est vrai, alors c'est exceptionnel", a dit à l'AFP Hilmar Snorrason, président de l'IASST, une association pour la sécurité et la survie qui a son siège à Southampton, au Royaume-Uni.

Le Dr Jean-Yves Chauve, médecin français des courses au large, se dit "plutôt sceptique sur cette histoire quant à sa durée".

"La nourriture qu'il a absorbée, des poissons, des oiseaux de mer, est faite uniquement de protéines, or, si elles sont utiles pour la structure musculaire, elles ne le sont pas pour le fonctionnement du corps humain, qui a besoin de glucides. Sans sucre, il ne fonctionne pas, et en premier lieu les neurones", a expliqué le Dr Chauve.

 
 

Le Dr Chauve ne s'étonne en revanche pas du fait que le pêcheur n'ait croisé aucun bateau dans le Pacifique, "où la circulation des navires est beaucoup moins intense que dans l'Atlantique".

 

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