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Centrafrique: les anti-balaka dénoncent l'"ingratitude" des nouvelles autorités

Un homme appuie son couteau sur sa gorge affirmant qu'il cherche des musulmans pour les égorger, le 9 février 2014 à Bangui [Issouf Sanogo / AFP] Un homme appuie son couteau sur sa gorge affirmant qu'il cherche des musulmans pour les égorger, le 9 février 2014 à Bangui [Issouf Sanogo / AFP]

En pointe de la lutte contre les combattants à majorité musulmane Séléka en Centrafrique, les milices chrétiennes anti-balaka, aujourd'hui accusées de multiples exactions, réclament une "reconnaissance" de leur rôle et se disent prêtes au désarmement contre une aide à la réinsertion.

Dans son fief de Boy-Rabe, quartier du nord de Bangui, Patrice Edouard Ngaïssona, ancien ministre de François Bozizé - renversé en mars 2013 par la rébellion Séléka - et désormais coordonnateur politique des anti-balaka, déplore la mise à l'écart de son mouvement par les nouvelles autorités de transition qu'il accuse d'"ingratitude": "ils n'ont pas de mémoire, c'est nous qui les avons sauvés", dit-il dans un entretien avec une journaliste de l'AFP.

"Pendant des mois, la communauté internationale n'a rien fait. Personne n'a dit à (Michel) Djotodia (le président issu de la rébellion et contraint à la démission le 10 janvier) et à ses mercenaires d'arrêter. Alors, en juillet, le peuple s'est soulevé", affirme M. Ngaïssona, également président de la Fédération centrafricaine de football.

"Il faut une reconnaissance de ce qu'ont fait les anti-balaka qui ont libéré le peuple centrafricain", insiste-t-il.

Des soldats rwandais de la Misca regardent une maison brûler à Bangui, le 9 février 2014 [Issouf Sanogo / AFP]
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Des soldats rwandais de la Misca regardent une maison brûler à Bangui, le 9 février 2014

Selon lui, la nouvelle présidente de transition Catherine Samba Panza, "acclamée" lors de sa désignation le 20 janvier, "est aujourd'hui haïe à cause de son gouvernement et de son cabinet".

"Madame avait dit qu'elle prendrait des conseillers, des ministres chez nous, elle n'a rien fait!", s'insurge-t-il. Précédé d'une réputation sulfureuse, M. Ngaïssona dit avoir été écarté "officiellement" en raison de ses "problèmes judiciaires" (il a été incarcéré au début des années 2000 pour enrichissement illicite et fait encore l'objet de plusieurs enquêtes), mais "c'est un prétexte", affirme-t-il.

Mis en cause dans les pillages et exactions à l'encontre des musulmans, le coordonnateur des anti-balaka, qui se dit en contact avec ses représentants "dans chaque commune", se défend en dénonçant un "amalgame". "Nous n'avons rien contre nos frères musulmans", assure-t-il.

"Aujourd'hui, il n'y a pas de sécurité. Nous ne pouvons pas assister au passage des Tchadiens qui tirent contre notre peuple et rester sans rien faire", assène-t-il.

Le Tchad, qui nie avec véhémence, a été à plusieurs reprises accusé de complicité avec la Séléka, composée également de combattants tchadiens et soudanais.

Vrais et faux anti-balaka

"Ce qu'on voit dans les quartiers, ce sont des règlements de comptes. Les anti-balaka ne sont pas des assassins, ni des pillards. Il faut combattre ces voyous. Il faudrait associer les vrais anti-balaka pour combattre ces faux anti-balaka!" dit-il.

Dans le quartier animé de Boy-Rabe, beaucoup d'hommes circulent armés de kalachnikov. Des pick-ups vont et viennent chargés de jeunes anti-balaka, aisément reconnaissables à leurs colliers "anti-balles AK", censés les protéger des AK-47 (kalachnikov).

M. Ngaïssona affirme que le mouvement compte environ 70.000 hommes, dont plus de la moitié à Bangui.

Alors que les ex-rebelles de la Séléka ont été cantonnés après la chute de leur chef, les anti-balaka n'ont bénéficié d'aucune mesure et "n'ont pas été écoutés", déplore-t-il, appelant à la mise en place "urgente" d'un programme de Démobilisation-Désarmement-Réinsertion (DDR) "pour tous".

Selon une source diplomatique, le DDR, qui doit être mise en oeuvre par les autorités centrafricaines avec l'appui de l'ONU et un financement international, est toujours au point mort, faute d'accord politique entre les parties.

Un soldat français de l'opération Sangaris et un gendarme centrafricain confisquent un couteau à un homme, le 9 février 2014 à Bangui [Issouf Sanogo / AFP]
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Un soldat français de l'opération Sangaris et un gendarme centrafricain confisquent un couteau à un homme, le 9 février 2014 à Bangui

"On a cantonné les Séléka avec leurs armes (une arme par combattant, NDLR). Les anti-balaka (...) on leur demande de rendre leurs armes sans rien en échange", proteste Ngaïssona. "Il faut les cantonner, leur trouver un projet, pour eux et pour les anciens des Forces armées centrafricaines (FACA) qui se sont mélangés à eux".

Il faut ranger les armes "et que chacun fasse sa prière comme il l'entend", dit-il, reconnaissant toutefois qu'"il y a un travail de fond à faire avec les FACA avant de les mettre sur le terrain, sinon les bavures n'arrêteront jamais".

"Les FACA ne vont jamais accepter des Séléka dans l'armée républicaine", dit-il. La semaine dernière, des éléments des FACA, rassemblées pour la première fois à Bangui lors d'une cérémonie officielle, ont lynché à mort un des leurs, ancien membre de la garde présidentielle accusé de s'être rallié à la rébellion.

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