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Recensement sous haute tension chez les Rohingyas

Manifestants contre le recensement en Birmanie, le 26 mars 2014 à Rangoun [Soe Than Win / AFP] Manifestants contre le recensement en Birmanie, le 26 mars 2014 à Rangoun [Soe Than Win / AFP]

Des milliers d'agents du recensement ont commencé à se déployer dimanche à travers la Birmanie, pour réaliser un état des lieux de ce pays fermé pendant des décennies de junte militaire et toujours secoué par les violences interethniques.

Instituteurs et fonctionnaires formaient le gros des troupes mobilisées pour cette opération de porte-à-porte de 12 jours, qui devrait offrir une cartographie de la population birmane, plus de trente ans après le précédent recensement.

Mais l'opération a été remise en question avant même de débuter dans l'Etat Rakhine, région de l'ouest du pays où les tensions entre bouddhistes et musulmans sont vives.

La Birmanie a annoncé samedi que les musulmans de la minorité des Rohingyas, non reconnue par les autorités, ne seraient pas autorisés à s'inscrire en tant que tel dans la case du recensement destinée à préciser l'ethnie de chaque habitant.

Des bouddhistes extrémistes avaient en effet menacé de boycotter le recensement, si les Rohingyas étaient autorisés à se définir ainsi dans les formulaires.

Musulmans à l'intérieur d'un camp pour personnes déplacées dans un faubourg de Sittwe, dans l'ouest de la Birmanie, le 30 mars 2014 [Soe Than Win / AFP]
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Musulmans à l'intérieur d'un camp pour personnes déplacées dans un faubourg de Sittwe, dans l'ouest de la Birmanie, le 30 mars 2014
 

Des familles de Sittwe ont installé des pancartes devant chez eux déclarant: "cette maison proteste contre le recensement, ne nous inscrivez pas".

"Écrivez dans le formulaire que vous êtes Rohingya", disait un autre graffiti, sur le mur d'un camp de la périphérie de Sittwe, la grande ville de l'Etat Rakhine. Quelque 800.000 Rohingyas sont confinés dans des conditions difficiles en Etat Rakhine.

- Situation tendue en Etat Rakhine -

La situation y restait tendue dimanche, des Bouddhistes cherchant à s'assurer que le terme "Rohingyas" ne serait pas accepté.

Des foules bouddhistes s'en étaient pris quelques jours avant, à Sittwe, à des représentations de l'ONU et d'ONG accusées de parti-pris pro-musulman.

L'ONU, qui aide à organiser ce recensement via le Fonds des Nations unies pour la population (UNFPA), a dû évacuer des employés, alors qu'une petite fille a été tuée par une balle perdue.

Du côté des Rohingyas, considérés par l'ONU comme l'une des minorités les plus persécutées au monde, certains se disaient prêts à braver l'interdit.

Femme musulmane vendant des fruits dans un faubourg de Sittwe, dans l'ouest de la Birmanie, le 30 mars 2014 [Soe Than Win / AFP]
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Femme musulmane vendant des fruits dans un faubourg de Sittwe, dans l'ouest de la Birmanie, le 30 mars 2014
 

"Nous ne voulons pas de problèmes. Je suis né ici, mes parents aussi. Je suis né birman. Je ne vais pas m'enregistrer comme +Bengali+ (terme désigant les Rohingyas comme des migrants illégaux venant du Bangladesh voisin), mais comme +Rohingya+", explique ainsi Hla Myint, 58 ans, interrogé par l'AFP.

Au-delà des Rohingyas, le recensement peut réveiller des susceptibilités, dans ce pays qui compte plus de 150 ethnies, certaines toujours en rébellion contre le pouvoir central.

Dans la capitale économique du pays, Rangoun, la situation était moins tendue, malgré les inquiétudes quant à l'usage fait des données collectées, alors que la dictature militaire a façonné les esprits.

"Ils posent les bonnes questions et je leur ai dit la vérité. C'est bien parce qu'on disposera d'une information exacte sur qui sont les gens et où ils vivent", confie Tin Shwe, 48 ans, après avoir participé au recensement à Rangoun.

Le recensement est censé permettre d'améliorer les politiques de développement, de l'éducation à la santé, nécessaires au gouvernement aux manettes depuis l'auto-dissolution de la junte en 2011.

Actuellement, même des informations aussi élémentaires que le nombre d'habitants sont basées sur des projections par rapport au recensement de 1983, dans ce pays de quelque 60 millions d'habitants, qui reste un des plus pauvres d'Asie.

Chaque équipe d'agents du recensement devra visiter 149 foyers avant le 10 avril, des montagnes du nord aux jungles où s'affrontent armée et rebelles de minorité ethnique, sur un territoire de la taille de la France.

"Les premiers jours, nous allons enregistrer six ou sept foyers, car nous avons très peu d'expérience de ce genre de choses. Cela ira ensuite plus vite, quand nous serons rodés, assure Khin Moh Moh, agent du recensement.

Les premiers résultats de cette grande enquête devraient être publiés dès cette année, avant les législatives de 2015, moment clef de la transition démocratique, qui pourraient conduire l'opposante Aung San Suu Kyi à la victoire.

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