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L'Iran écartelé entre ses valeurs et sa jeunesse

Le président iranien Hassan Rohani à Shanghaï le 22 mai 2014  [Mark Ralston / AFP] Le président iranien Hassan Rohani à Shanghaï le 22 mai 2014 [Mark Ralston / AFP]

L'arrestation de jeunes Iraniens dansant sur le tube de Pharrel Williams sur Internet illustre la contradiction entre un régime soucieux de se protéger contre la "guerre culturelle" qu'il accuse l'Occident de lui livrer, et une partie de sa jeunesse fascinée par l'Ouest.

Le phénomène "Happy", du chanteur pop américain Pharrell Williams a atteint l'Iran en avril quand un groupe de trois hommes et trois femmes a posté sa version sur Youtube, comme de nombreux autres internautes dans le monde.

On les voit danser ensemble dans un appartement, dans la rue et sur plusieurs toits de Téhéran. Les jeunes filles ne portent pas le voile, obligatoire pour toutes les femmes en République islamique.

La vidéo (http://www.youtube.com/watch?v=RYnLRf-SNxY) était "une raison d'être heureux", précisaient les auteurs à la fin du clip. Mais elle a provoqué la colère des milieux conservateurs, estimant que les Iraniens, notamment les jeunes, délaissent les valeurs islamiques pour se tourner vers un mode de vie plus occidental.

La police de Téhéran a retrouvé le groupe et a annoncé leur arrestation mardi pour avoir "heurté la chasteté du public". Sur les réseaux sociaux, de nombreux Iraniens se sont dit choqués et certains observateurs se demandaient si "être heureux en Iran est un crime". Sur Facebook et sur Twitter, le chanteur Pharrel Williams estimait qu'il "est plus que triste que ces enfants soient arrêtés pour avoir essayé de répandre la joie".

Le chanteur pop américain Pharrell Williams à Paris le 24 février 2014 [Thomas Samson / AFP/Archives]
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Le chanteur pop américain Pharrell Williams à Paris le 24 février 2014

Les six jeunes ont depuis été libérés sous caution. La photographe de mode Reihane Taravati, qui faisait partie du groupe, a annoncé sa libération mercredi soir.

La question des libertés publiques et des droits des femmes est revenue au centre des débats depuis l'élection en juin 2013 d'Hassan Rohani, alors que l'Internet est filtré par les autorités qui bloquent la plupart des accès aux réseaux sociaux, comme Facebook et Twitter.

L'Iran est pourtant l'un des pays du Moyen-Orient les plus connectés avec plus de 30 millions d'utilisateurs d'internet. Et plus de 55% de la population - 77 millions d'habitants - a moins de 30 ans.

- Droit au bonheur -

Ce religieux modéré avait fait campagne pour davantage de libertés culturelle et sociale dans la République islamique. Il a notamment demandé à la police de faire preuve de tolérance au sujet du voile.

Mais récemment, plusieurs milliers de personnes ont manifesté à Téhéran pour réclamer la stricte application du port du voile et protester contre une page Facebook où une centaine d'Iraniennes ont posté des photos d'elles non voilées dans les lieux publics.

En mars, le guide suprême iranien, l'ayatollah Ali Khamenei, avait mis en garde contre "l'invasion" de valeurs culturelles occidentales qui menace celles de la République islamique.

La semaine dernière, M. Rohani a toutefois affirmé que l'Internet devait être "une occasion de faciliter les communications, améliorer l'efficacité et créer des emplois".

Son compte Twitter (@HassanRouhani), qui appartiendrait à des proches conseillers du président, a également envoyé un message de soutien aux jeunes fans de Pharrell Williams.

"Le bonheur est le droit de notre peuple. Nous ne devrions pas être trop durs face à des comportements causés par la joie", lit-on sur le compte, qui reprend des propos de M. Rohani dans un discours peu après son élection.

Lors de grands évènements, les autorités montrent généralement une certaine indulgence à l'égard de comportements jugés offensants pour l'islam.

En juin l'année dernière, la police était largement absente quand des millions d'Iraniens ont envahi les rues, dansant et chantant pendant des heures pour fêter la qualification de l'équipe nationale au Mondial-2014 de football au Brésil.

A l'époque, l'ayatollah Ali Khamenei avait lui aussi remercié la sélection d'avoir apporté "du bonheur" aux Iraniens.

Selon un diplomate occidental basé à Téhéran, la brève incarcération des danseurs est un message de compréhension pour la jeunesse.

"Le régime montre qu'il a de la compréhension pour sa jeunesse qui a besoin d'exulter", dit-il. Il montre ainsi qu'il protège les valeurs de la République islamique, sans être un Etat policier, explique ce diplomate sous couvert d'anonymat.

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