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La semaine de Philippe Labro : les malheurs du monde, le bonheur du mondial

Philippe Labro.[© Thomas Volaire]

Philippe Labro est écrivain, cinéaste et journaliste. Chaque vendredi, pour Direct Matin, il commente ce qu'il a vu, vécu et observé pendant la semaine. Un bloc-notes subjectif et libre.

 

JEUDI 3 JUILLET

Qu’est-ce qui ne va pas dans le monde, aujourd’hui ? Eh bien, beaucoup de choses en réalité, si l’on suit l’actualité de près. Il y a la naissance d’un «califat» entre Syrie, Irak et Jordanie, dirigé par un homme dont on ne connaît que le visage et dont les puissances occidentales craignent le pire.

Il y a les horreurs perpétrées par Boko Haram au Nigeria. Il y a que rien n’est réglé entre l’Ukraine et la Russie et qu’on peut s’attendre à d’autres points de rupture dans cette partie de notre continent.

Il y a, entre Israël et Palestine, une lutte à mort, au cours de laquelle des jeunes innocents sont sacrifiés.

Il y a, en France, un chômage qui n’a pas baissé, une dette qui n’a pas plus baissé, des grèves SNCF qui ont coûté cher, et, dans l’univers politico-judiciaire, un ancien président de la République mis en examen, après une garde à vue – ce qui est sans précédent. Non, décidément, ça ne va pas fort. Alors, comment ne pas, très naturellement, se tourner vers le Mondial ?

 

VENDREDI 4 JUILLET

Ça va se jouer ce soir, France-Allemagne, et, selon le résultat, on peut s’attendre à une euphorie exceptionnelle en France, qui pourrait faire remonter le moral de nos concitoyens. D’ores et déjà, il existe un «effet foot».

Selon un sondage Ifop pour Paris Match paru hier, interrogés sur leurs sujets de conversation, les Français répondent : largement en tête, le parcours des Bleus au Brésil (76 %) devant la fin de la grève à la SNCF. Selon ce même sondage, François Hollande a gagné cinq points de popularité. Combien seront-ils, ce soir, à regarder le quart de finale entre l’Allemagne et la France ?

16 millions ? Plus ? Le phénomène s’amplifie après chaque rencontre. La raison majeure de cet intérêt, cette faim, cette soif, cette curiosité autour du Mondial réside, bien sûr, dans la qualité de cette compétition, mais surtout dans le fait qu’elle constitue le plus beau vecteur de «divertissement» dans un monde en crise.

Car, bien au-delà du simple – et parfois très beau – spectacle d’équipes qui se surpassent toutes et offrent surprises et suspense (a-t-on remarqué que c’est le Mondial des buts de dernière minute, que rien, rien n’est décidé jusqu’à la 90e, voire la 100e minute ?), on vit des moments singuliers d’émotion. Les Mexicains pleurent à genoux sur le sol après avoir perdu. Les Brésiliens font le signe de croix avant d’entrer ou sortir du terrain.

Les Costaricains éclatent en sanglots de bonheur. Les Belges et les Américains fraternisent après le résultat final. Les Bleus s’embrassent comme des gamins quand Pogba marque le but de la délivrance – ce même Pogba, 21 ans, qui lève le doigt vers le ciel dans un geste qui restera l’une des plus belles images récentes.

Nous ne sommes plus, dès lors, en face d’une compétition sportive, mais nous suivons un défilé inattendu et imprévisible de passions, sentiments, pulsions, appels à la spiritualité, fierté des petites nations dont l’identification profite du Mondial.

Nous voyons des spectateurs, des supporters venus parfois du bout du monde et dont les visages extasiés ou bouleversés permettent à la télé de révéler des belles inconnues, des mômes ébahis, des hommes ayant retrouvé leur innocence.

Un échantillon du monde, en vérité, une représentation de ce que nous sommes, nous, les quelque 7 milliards d’habitants de la planète. Le Mondial du Brésil, ce n’est pas «la Coupe du monde», c’est le monde en coupe – en tranches multiples d’humanité. Cela arrive une fois tous les quatre ans. Profitons-en jus­qu’au 13 juillet.

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