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Russie: exposition et films en l'honneur d'Andropov, le persécuteur des dissidents

Des femmes visitent une exposition le 6 juillet 2014 à Moscou, rendant hommage à Iouri Andropov,  ex-numéro un soviétique, ex-chef du KGB, féroce persécuteur des dissidents [Kirill Dudryavtsev / AFP] Des femmes visitent une exposition le 6 juillet 2014 à Moscou, rendant hommage à Iouri Andropov, ex-numéro un soviétique, ex-chef du KGB, féroce persécuteur des dissidents [Kirill Dudryavtsev / AFP]

Une exposition à Moscou et plusieurs films diffusés à la télévision russe viennent de rendre hommage à Iouri Andropov, ex-numéro un soviétique, ex-chef du KGB, féroce persécuteur des dissidents, mais considéré comme "un homme de talent" par Vladimir Poutine.

Le président russe a souligné les qualités de ce "dirigeant du Parti (communiste) et de l'Etat, homme de talent, doté d'énormes capacités", dans un message lu fin juin à l'ouverture de l'exposition, organisée à l'occasion du 100ème anniversaire de la naissance d'Andropov (mort en 1984).

Pas question dans cette exposition d'une quelconque remise en cause du rôle joué par Andropov, qui reste avant tout pour les Occidentaux celui qui a envoyé dans des asiles psychiatriques des dissidents comme Natalia Gorbanevskaya, Leonid Pliouchtch et le général Petro Grigorenko et qui en a laissé mourir plusieurs dans les camps, notamment le poète Youri Galanskov, mort à 33 ans, et le leader des Adventistes du 7ème jour Vladimir Chelkov, à 85 ans.

- Services secrets impérialistes -

L'exposition, ouverte jusqu'en août, montre uniquement des documents officiels, sans aucun commentaire. Les murs sont ornés de citations d'Andropov dénonçant "les services secrets impérialistes" et leurs "opérations subversives" qui replongent le visiteur dans l'atmosphère de la propagande soviétique de la guerre froide.

Une femme visite le 6 juillet 2014 à Moscou une exposition en hommage à Des femmes visitent une exposition le 6 juillet 2014 à Moscou, rendant hommage à Iouri Andropov,  ex-numéro un soviétique, ex-chef du KGB, féroce persécuteur des dissidents [Kirill Dudryavtsev / AFP]
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Une femme visite le 6 juillet 2014 à Moscou une exposition en hommage à Des femmes visitent une exposition le 6 juillet 2014 à Moscou, rendant hommage à Iouri Andropov, ex-numéro un soviétique, ex-chef du KGB, féroce persécuteur des dissidents

Même si l'objectif est indubitablement d'honorer la mémoire d'Andropov, certains documents exposés paraissent accablants pour un observateur occidental.

Ainsi cette lettre envoyée en 1951 au Politburo (autorité suprême en URSS), dans laquelle Andropov --alors chargé au Comité central des pays Baltes occupés depuis peu par les Soviétiques-- demande l'autorisation de déporter des paysans lituaniens qui ont réussi à échapper aux premières vagues d'arrestations.

Une partie importante de l'exposition est consacrée à son rôle, en tant qu'ambassadeur d'URSS en Hongrie, dans l'écrasement de la révolte anticommuniste de Budapest en 1956 par les chars soviétiques.

La partie la plus intéressante concerne la période où Andropov a dirigé la redoutable police secrète soviétique, le KGB, de 1967 à 1982, sous le règne de Léonid Brejnev.

Des documents signés de sa main concernant le dissident Iouri Orlov et le militant pour l'émigration juive Anatoli Chtcharansky montrent comment le KGB décidait à l'avance de la condamnation des dissidents trainés pour la forme devant un tribunal.

- La traque des dissidents -

Des rapports d'Andropov au Politburo précisent le détail de la surveillance dont faisaient l'objet l'écrivain Alexandre Soljenitsyne et l'académicien dissident Andreï Sakharov en raison de leurs "activités antisoviétiques".

Mais les organisateurs de l'exposition n'ont pas jugé bon d'évoquer les aspects les plus sombres de la traque des opposants organisée par Andropov: les condamnations à de longues années de camp ou de relégation en Sibérie, l'internement en asile psychiatrique de dissidents sains d'esprit et traités aux neuroleptiques...

D'autres documents témoignent de l’inquiétude du KGB après le passage clandestin à l'Ouest des mémoires de Nikita Khrouchtchev qui donnait de l'Histoire une image parfois différente de la version officielle du Kremlin. Andropov propose alors au Politburo de faire fouiller discrètement la datcha de l'ancien numéro un soviétique destitué par Brejnev pour y chercher des manuscrits cachés.

Un disque d'un groupe de jazz américain, le Texas Jazz Lab band, est exposé entre deux documents officiels. Une manière de confirmer la réputation d'amateur de jazz et de whisky américain d'Andropov, pourtant grand pourfendeur de l'Occident, de ses "valeurs décadentes" et de son mode de vie.

- Un dirigeant presque idéal -

Le 100ème anniversaire de la naissance d'Andropov a été également marqué par la diffusion sur les chaînes de télévision russes de plusieurs films tout à sa gloire.

De cette exposition et de ces films ressort l'image d'un dirigeant presque idéal, fin diplomate, modeste, proche de l'intelligentsia, poète à ses heures, réformateur dans l'âme et menant une vie ascétique.

"C'était un maton soviétique typique qui a violé les droits de l'homme. Andropov a été à la tête de l'organisation qui a persécuté les personnes les plus remarquables de notre pays", a commenté de son côté l'historien Nikita Petrov, membre de l'ONG dissidente Memorial.

L'hommage officiel rendu à Andropov s'inscrit dans le cadre de la réhabilitation du passé soviétique entreprise par Vladimir Poutine depuis son arrivée au Kremlin en 2000, qui s'est nettement accentuée ces dernières années.

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