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Ebola: le sérum expérimental déclenche une polémique éthique

Un membre de Médecins sans frontières (MSF) à l'hôpital Donka à Conakry, le 23 juillet 2014 [Cellou Binani / AFP/Archives] Un membre de Médecins sans frontières (MSF) à l'hôpital Donka à Conakry, le 23 juillet 2014 [Cellou Binani / AFP/Archives]

La décision d'utiliser un médicament expérimental pour soigner deux Américains infectés par le virus Ebola, tandis que près d'un millier d'Africains ont déjà succombé à l'épidémie, a déclenché une vive polémique mais les experts américains l'estiment justifiée éthiquement.

L'organisation mondiale de la santé (OMS) a annoncé mercredi une réunion extraordinaire la semaine prochaine pour examiner l'éventualité d'utiliser le sérum ZMAPP expérimental en Afrique de l'ouest.

Ce traitement a été administré à deux Américains travaillant pour l'organisation caritative Samaritan's Purse au Liberia, l'un des trois pays avec la Sierra Leone et la Guinée qui font face à une épidémie d'une ampleur sans précédent d'Ebola.

Mais il n'est qu'à un stade très précoce de son développement, n'ayant été testé pour l'instant que sur des singes. Il n'a jamais été produit à grande échelle.

Pour l'heure, il n'existe pas de traitement confirmé pour soigner les personnes infectées.

Reste que les deux humanitaires, le docteur Kent Brantly et son assistante Nancy Writebol ont vu leur état s'améliorer après avoir reçu le sérum.

- Pourquoi pas en Afrique? -

Avec ce constat, des appels ont immédiatement été lancés pour qu'il soit également administré dans les pays africains affectés par cette épidémie qui a déjà tué plus de 930 personnes.

La désinfection de bureaux à Monrovia au Liberia contre le virus Ebola le 1er août 2014. [Zoom Dosso / AFP/Archives]
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La désinfection de bureaux à Monrovia au Liberia contre le virus Ebola le 1er août 2014.

Le Nigeria, où sept cas dont deux décès ont été confirmés à ce stade, a indiqué être déjà en négociation avec les Centres de contrôle et de prévention des maladies (CDC) aux Etats-Unis pour obtenir du ZMAPP.

Et trois experts du virus, dont le professeur belge Peter Piot qui avait co-découvert le virus en 1976, ont plaidé pour qu'il soit mis à disposition du plus grand nombre.

"Il est plus que probable que si Ebola se répandait dans les pays occidentaux, les autorités de santé publique administreraient aux patients à risques des médicaments ou des vaccins au stade expérimental", ont indiqué ces experts dans un communiqué commun.

"Les pays africains où sévit l'épidémie actuelle devraient bénéficier de la même opportunité", ont-ils estimé.

Mapp Pharmaceuticals, société américaine qui a développé le sérum en collaboration avec la Canadienne Defyrus, a fait savoir que toute décision concernant son utilisation devrait être prise par les équipes médicales dans le respect de la réglementation. Elle a précisé qu'elle essayait d'augmenter sa production.

- Risqué sans tests ? -

Le président américain Barack Obama a indiqué mercredi que les pays affectés devraient se concentrer sur une amélioration de leurs mesures de santé publique, plutôt que sur un médicament expérimental.

Selon les experts, augmenter la diffusion du ZMapp n'est pas une décision simple et ils ont justifié son administration en premier lieu, pour l'instant, à deux Américains blancs.

"Lorsque vous faites face à un taux de mortalité élevé, les pressions peuvent sembler irrésistibles maisil faut se rappeler qu'il peut y avoir des effets secondaires néfastes avec des médicaments expérimentaux", a commenté Kevin Donovan, directeur du centre de bioéthique de l'université de Georgetown.

Il a néanmoins estimé que Kent Brantly et Nancy Writebol étaient de bons candidats pour recevoir ce sérum, car leur formation médicale leur a sans doute permis d'apprécier l'ampleur du danger. De plus, a-t-il ajouté, ils étaient particulièrement méritants "parce qu'ils se sont mis en danger".

Mais parmi les personnes décédées figurent de nombreux travailleurs sanitaires et médecins africains, également infectés en prenant soin des malades. Le responsable médical d'un centre de traitement anti-Ebola au Sierra Leone, le Dr Umar Khan, 43 ans, a succombé à la maladie le 29 juillet.

La principale différence, a relevé Arthur Caplan, directeur du service d'éthique médicale de la New York University, est que "l'ONG religieuse pour laquelle travaillaient les deux Américains a pris sur elle de trouver le traitement".

Et, a-t-il pointé, même si l'état des deux patients s'est amélioré jusqu'à présent, on est "très, très loin" d'avoir déterminé que le traitement est vraiment efficace.

Pour lui, il faut avant tout "redoubler d'efforts pour endiguer l'épidémie par la prévention", a-t-il souligné.

Un membre de Médecins sans frontières (MSF) à l'hôpital Donka à Conakry, le 28 juin 2014 [Cellou Binani / AFP/Archives]
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Un membre de Médecins sans frontières (MSF) à l'hôpital Donka à Conakry, le 28 juin 2014

Car, renchérit le professeur Nancy Kass de Johns Hopkins, "il y a une raison pour laquelle les médicaments doivent être testés avant d'être administrés aux humains".

Au-delà du risque de dangerosité, en administrant ces produits en-dehors de tout protocole d'étude, il peut s'avérer ensuite difficile d'en analyser les effets.

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