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Un an après le carnage du Caire, Sissi tourne la page

Le 14 août 2013, des militants des Frères musulmans dans une rue du Caire lors de la violente répression policière  [Mosaab El-Shamy / MOSAAB EL-SHAMY/AFP/Archives] Le 14 août 2013, des militants des Frères musulmans dans une rue du Caire lors de la violente répression policière [Mosaab El-Shamy / MOSAAB EL-SHAMY/AFP/Archives]

Un an après la mort de plus de 700 manifestants islamistes en une journée au Caire, Abdel Fattah al-Sissi, l'ex-chef de l'armée tombeur du président Mohamed Morsi, a définitivement tourné la page du printemps égyptien qui chassa Moubarak du pouvoir en 2011.

Le 14 août 2013, un peu plus d'un mois après que Sissi eut destitué et fait arrêter le premier président élu démocratiquement en Egypte, le carnage perpétré au coeur de la capitale par les soldats et policiers du pouvoir repris par les militaires a initié une vague impitoyable de répression visant essentiellement les Frères musulmans, la confrérie islamiste de M. Morsi.

Un an après, le pouvoir du maréchal à la retraite Sissi, élu triomphalement président en mai après avoir éliminé toute opposition, religieuse comme laïque et libérale, a réalisé sa promesse de campagne électorale: "éradiquer" les Frères musulmans. Le parti politique de la confrérie, Liberté et Justice (PLJ), qui avait remporté toutes les élections depuis la chute de Moubarak, a été dissous par la justice, à quelques mois des législatives.

Les organisations internationales de défense des droits de l'Homme dénoncent le retour à un pouvoir militaire plus liberticide encore que celui de Moubarak, qui régna d'une main de fer 30 années sur le pays le plus peuplé du monde arabe. Pour elles, Sissi a refermé une parenthèse incongrue dans l'Histoire récente du pays, dirigé depuis toujours par des hommes forts issus de la toute puissante armée.

Pour les jeunes libéraux et laïcs égyptiens qui l'ont conduite --arrêtés par dizaines ces derniers mois et interdits de manifester--, les espoirs de liberté nés de la révolte de 2011 sont morts.

Human Rights Watch (HRW), qui devait présenter un rapport mardi au Caire affirmant que le "massacre" du 14 août 2013 sur les places Rabaa al-Adhawiya et Nahda relevait "probablement d'un crime contre l'Humanité", en a été empêchée: l'Egypte a refoulé son directeur, contraignant l'organisation à présenter son rapport accablant de 188 pages par vidéo-conférence.

- 'Massacre' -

Le 14 août 2013, un homme regarde les corps à la morgue après la répression des rassemblements de partisans de Mohamed Morsi, qui ont fait quelque 700 morts en une journée au Caire [Mosaab El-Shamy / Mosaab El-Shamy/AFP/Archives]
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Le 14 août 2013, un homme regarde les corps à la morgue après la répression des rassemblements de partisans de Mohamed Morsi, qui ont fait quelque 700 morts en une journée au Caire

Le 14 août 2013, policiers et soldats mettaient un terme brutal à deux sit-in pacifiques de plus d'un mois réclamant le retour de M. Morsi au pouvoir. Invoquant le fait notamment que des manifestants cachaient des armes à Rabaa et Nahda, les policiers ont tué par balles --comme en a témoigné un journaliste de l'AFP durant l'assaut-- plus de 700 manifestants, selon un bilan reconnu plus tard par le gouvernement.

HRW parle de "massacre", "l'une des plus grandes tueries de manifestants en une seule journée dans l'Histoire récente" du monde, évoquant 817 morts seulement sur la place Rabaa.

Le pouvoir dirigé alors de facto par le général Sissi avait accusé les manifestants d'avoir ouvert le feu les premiers. Dix policiers ont péri à Rabaa selon Le Caire, 55 dans tout le pays.

Pour marquer ce premier anniversaire, une coalition pro-Morsi chapeautée par les Frères Musulmans, l'"Alliance contre le coup d'Etat", a appelé à manifester jeudi sous le slogan "Nous exigeons un châtiment."

Rabaa et Nahda a marqué le véritable début d'une impitoyable répression qui a fait, depuis, au moins 1.400 morts parmi les manifestants pro-Morsi.

Depuis la destitution de M. Morsi le 3 juillet 2013, plus de 15.000 Frères musulmans et sympathisants ont été emprisonnés. Des centaines ont été condamnés à mort dans des procès de masse expéditifs, qualifiés par l'ONU de "sans précédent dans l'Histoire récente".

La quasi-totalité des cadres des Frères musulmans ont été arrêtés et sont jugés, à l'instar de M. Morsi, dans des procès pour lesquels ils encourent ou ont été condamnés à la peine capitale.

En reprenant le pouvoir, l'armée avait invoqué les millions d'Egyptiens descendus dans la rue réclamer le départ de M. Morsi, devenu extrêmement impopulaire un an après son élection, accusé de vouloir accaparer les pouvoirs au profit des Frères, d'islamiser à marche forcée la société et de ruiner une économie déjà moribonde.

"Sissi a réussi à éliminer la plus grande partie de l'opposition", analyse James Dorsey, professeur à la S. Rajaratnam School of International Studies basée à Singapour. "Il opère dans un environnement où aucun média ne lui demande de comptes (...), donc il a pu consolider son pouvoir", ajoute-t-il.

Il faudrait "20 à 25 ans pour instaurer une vraie démocratie en Egypte", a déclaré sans fard M. Sissi lors de sa campagne électorale. Cette antienne est reprise par d'innombrables Egyptiens qui lui vouent un véritable culte, assurant que le pays ne peut être dirigé que par un "homme à poigne".

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