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Venezuela-Colombie: face à la contrebande, la frontière se ferme la nuit

Le chef des forces armées du Venezuela, Vladimir Padrino (au centre) et le général colombien Gustavo Moreno (2e à G) donne une conférence de presse sur la lutte contre la contrebande à San Cristobal, au Venezuela, le 11 août 2014 [Federico Parra / AFP] Le chef des forces armées du Venezuela, Vladimir Padrino (au centre) et le général colombien Gustavo Moreno (2e à G) donne une conférence de presse sur la lutte contre la contrebande à San Cristobal, au Venezuela, le 11 août 2014 [Federico Parra / AFP]

Face à la contrebande qui fait sortir du pays essence et produits de première nécessité, le Venezuela ferme depuis lundi, la nuit, sa frontière avec la Colombie, une méthode forte qui ne sera pas forcément efficace à long terme.

Tout au long des 2.219 kilomètres de frontière que partagent les deux pays, l'armée vénézuélienne a été mobilisée avec une mission: bloquer le passage des véhicules particuliers et des personnes entre 22H00 (02H30 GMT) et 05H00 (09H30 GMT), et dès 18H00 (22H30 GMT) pour les poids lourds.

"Nous avons 17.000 soldats déployés dans toute la zone frontalière et c'est suffisant pour garantir la sécurité", a expliqué à la presse le responsable de l'opération, le général Vladimir Padrino Lopez, commandant stratégique des forces militaires vénézuéliennes.

La mesure, décidée selon Caracas d'un commun accord entre les deux pays, sera en vigueur pendant trente jours, puis son impact sera évalué. Elle se double d'un contrôle accru des centres de distribution d'aliments, surtout ceux situés en zones frontalières.

Son objectif: lutter contre la contrebande à la frontière, qui, selon le gouvernement vénézuélien, fait sortir du pays 40% des produits de première nécessité et l'équivalent de 100.000 barils de pétrole par jour, occasionnant des pertes annuelles de 3,65 milliards de dollars.

Depuis le début 2014, quelque 40 millions de litres d'essence et 21.000 tonnes d'aliments provenant de la contrebande ont déjà été saisis, selon le général en charge de l'opération.

Les produits qui échappent aux mailles du filet sont revendus bien plus cher côté colombien, aggravant la pénurie au Venezuela et générant une concurrence déloyale pour les commerces du pays voisin.

- Essence, lait, papier toilette... -

Un juteux trafic motivé par les énormes différences de prix entre Colombie et Venezuela, où les généreuses subventions et le contrôle des changes aboutissent à des tarifs défiant toute concurrence.

Le Venezuela, qui dispose d'un quart des réserves pétrolières prouvées de la planète, selon l'Opep, offre ainsi l'essence la moins chère de la planète: le plein d'une voiture coûte moins cher qu'une bouteille d'eau.

Difficile de résister depuis la Colombie, où le litre d'essence coûte 1,18 dollar.

Les produits basiques comme le lait, le sucre ou le papier toilette, dont les prix sont contrôlés au Venezuela (même s'ils sont en majorité importés) et peuvent coûter jusqu'à dix fois moins cher qu'en Colombie, font eux aussi l'objet d'un trafic.

Des membres du Centre binational de coordination des opérations contre la contrebande (Ceboc) se réunissent à San Cristobal, au Venezuela, le 11 août 2014 [Federico Parra / AFP]
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Des membres du Centre binational de coordination des opérations contre la contrebande (Ceboc) se réunissent à San Cristobal, au Venezuela, le 11 août 2014

Premières victimes de cette fermeture temporaire de la frontière: les transporteurs routiers, désormais bloqués la nuit dans leurs déplacements entre les deux pays.

"Cela va entraîner des retards dans le transport de marchandises, donc d'innombrables pertes pour les entreprises. Pour chaque véhicule, cela représente en moyenne un million de pesos (environ 375 euros) en moins par jour", a dénoncé, sur Caracol Radio, le président de la Chambre nationale des Transports, Ricardo Virviescas.

Surtout, l'efficacité sur le long terme d'une telle mesure n'est pas sûre.

"Il est possible que la fermeture serve à ce qu'il y ait moins de contrebande, car cela se faisait beaucoup la nuit", observe Joan, habitant de la ville frontalière de San Cristobal, qui ne veut pas donner son nom complet.

"Mais la contrebande continuera. Le problème, c'est que les politiques économiques de ce pays te poussent à le faire", soupire-t-il.

"La contrebande d'un pays à l'autre est une conséquence des distorsions de change et de prix liées à leur contrôle (par le Venezuela, ndlr), et cela ne peut se résoudre qu'avec une libéralisation", a estimé lundi, sur Twitter, l'analyste Luis Vicente Leon, du cabinet d'études de marché Datanalisis.

Face à d'"énormes différences de prix entre les deux pays", "il est très difficile qu'il n'y ait personne disposé à courir le risque, car le gain est élevé", explique à l'AFP Mercedes de Freitas, directrice de l'ONG Transparencia Venezuela.

Il y a quelques mois, le président du Venezuela, Nicolas Maduro, avait admis que vendre un litre de lait à la frontière "rapporte plus que de vendre de la cocaïne".

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