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La semaine de Philippe Labro : une trajectoire fatale, des courbes maîtrisées

Philippe Labro, écrivain, cinéaste et journaliste. [THOMAS VOLAIRE]

Philippe Labro est écrivain, cinéaste et journaliste. Chaque vendredi, pour Direct Matin, il commente ce qu'il a vu, vécu et observé pendant la semaine. Un bloc-notes subjectif et libre.

 

NUIT DU LUNDI 20 AU MARDI 21 OCTOBRE

On trouve toujours les mots les plus évidents pour parler de ce qui n’est pas évident. On a recours au «hasard », à la «fatalité», au «destin». Si l’on additionne les éléments absurdes de la mort de Christophe de Margerie, cette nuit-là, à Moscou, si l’on met en équation l’incompétence d’une tour de contrôle, les incompréhensions des ordres, dans une langue non maîtrisée, les mauvaises conditions climatiques, l’impardonnable présence d’un chasse-neige là où il n’aurait pas dû être – conduit, en outre, par un homme apparemment ivre –, on accède à une logique imparable, celle de la fatale surprise.

C’est surprenant, mais c’était fatal. On ne l’attendait pas, mais cela peut arriver, n’importe où, n’importe quand. La confirmation que toute vie est à la merci de cet autre mot pratique : "l’accident". La disparition du patron de Total a été, dans un court premier temps, identifiée comme un "scénario à la John Le Carré". Tout se prêtait à une interprétation romanesque : l’endroit – l’heure – la personnalité de la victime – le poids de son rôle dans l’univers du pétrole – ses relations avec les pays les plus divers et, parfois, les plus sulfureux.

Mais c’est une vue de l’esprit, un fantasme. Il ne s’agit que d’un «concours de circonstances» – ce que, à propos de l’assassinat de John Fitzgerald Kennedy, un brillant éditorialiste de l’époque, Anthony Lewis, avait appelé "la tragédie sans la raison". Il n’y avait aucune raison pour que Christophe de Margerie meure ce soir-là. Il n’y avait qu’un chasse-neige dans la nuit.

 

MERCREDI 22 OCTOBRE

Comme chaque année, pratiquement à la même date, Woody Allen propose une nouvelle œuvre qui dure 1h28 et s’intitule Magic in the Moonlight. Si mes calculs sont bons, il s’agit de son quarante-septième film en tant que scénariste et réalisateur. On y retrouve tous les ingrédients "alléniens" : humour, amour, imposture, une vision où se mélange un certain pessimisme tempéré par un désir de rêve, de poésie, de "magie" qui permet d’échapper à la réalité des choses.

La photographie est signée Darius Khondji, un chef opérateur né en Iran d’un père iranien et d’une mère française, qui a grandi en France. Il y a fait ses classes comme assistant, avant de devenir l’un des chefs les plus sollicités au monde. Dans l’ensemble, la presse est très élogieuse.

Il est vrai – Allen l’admet volontiers – que la France et Paris ont toujours fait une place à part à cet auteur que ses propres concitoyens, les Américains, considèrent avec réticence. Il y a quelque chose de rafraîchissant dans son Magic in the Moonlight. On y joue, simplement, et seulement, avec l’amour et le hasard, comme dans du Marivaux.

 

JEUDI 23 OCTOBRE

Je viens de faire ma première visite à la Fondation Louis-Vuitton, qui va ouvrir, lundi, ses portes au public, au cœur du bois de Boulogne. Il est intéressant de lire la presse étrangère, car le monde entier, cette semaine, a les yeux rivés sur Paris.

L’adjectif le plusfréquemment utilisé à propos de la création de Frank Gehry, est : "extraordinaire". Toutes les métaphores surgissent. On parle de paquebot, d’iceberg, d’oiseaux géants, de nuages, de formes multidirectionnelles, rappelant le cubisme de Braque et de Picasso.

Dans un des meilleurs articles, celui de l’International New York Times, Joseph Giovannini cite un architecte français, Claude Parent, 91 ans, une "éminence grise", qui avoue : "Quand j’ai vu la Fondation la première fois, j’ai été saisi d’une émotion si forte qu’il m’a semblé qu’elle venait d’autre chose que de l’architecture."

 

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