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Danemark : du tutorat pour réhabiliter les jihadistes

Capture d'écran d'une vidéo de propagande diffusée le 5 juillet 2014 montrant Abou Bakr Al-Baghdadi, le chef de l'Etat islamique (EI) [Al-Furqan Media/AFP/Archives] Capture d'écran d'une vidéo de propagande diffusée le 5 juillet 2014 montrant Abou Bakr Al-Baghdadi, le chef de l'Etat islamique (EI). [[Al-Furqan Media/AFP/Archives] ]

Comment changer un apprenti jihadiste déterminé à détruire le monde occidental ? A Aarhus, une ville du nord du Danemark, vous l'invitez à prendre un café et commencez à parler football.

 

C'est la méthode douce utilisé par Mads, tuteur dans un programme innovant qui cherche à déradicaliser de jeunes musulmans et à les empêcher de recourir à la violence.

Ce jeune trentenaire est bénévole et refuse de dévoiler son vrai nom pour ne pas compromettre son travail.

"Le type que je suis en ce moment voulait vraiment aller en Syrie", confie-t-il.

"Mon objectif n'est pas de le couper de la religion, parce que ce n'est pas un problème qu'il soit religieux, mais c'est de trouver un équilibre", explique-t-il.

 

Trop de radicaux au Danemark

Le Danemark compte après la Belgique le plus grand nombre de ressortissants combattant en Syrie selon une estimation du magazine The Economist.

Les jeunes hommes avec lesquels Mads a travaillé ont grandi dans des quartiers comme Gellerupparken, dans de tristes immeubles en béton où 80% de la population est d'origine étrangère.

 

Une image peu connue du Danemark

Avec ses graffitis et ses vitres cassées, l'endroit est bien loin de l'image de prospérité du Danemark. A quelques pas de là se trouve la mosquée de Grimhoej, qui a refusé de dénoncer l'organisation Etat islamique (EI).

Sa présence est sans doute l'une des raisons pour lesquelles 30 habitants d'Aarhus, qui n'en compte que 324.000, se battent en Syrie.

 

Une centaine de combattants danois

Selon les services de renseignement danois, plus de 100 Danois ont pris part à la guerre civile syrienne. Au moins 16 d'entre eux ont été tués et une cinquantaine sont rentrés.

 

Programmes de réhabilitation

Confronté à ce défi, le pays propose des programmes de réhabilitation à ceux qui seraient tentés par le jihadisme et, de manière plus controversée, à ceux qui sont de retour au Danemark.

Ces programmes participent d'une double approche: frapper les jeunes extrémistes d'une interdiction de sortie du territoire et les mettre en prison s'ils l'enfreignent, mais aussi investir dans des mesures préventives.

 

Lutter contre la radicalisation

En 2007, Aarhus a été la première commune danoise à instituer un programme de lutte contre la radicalisation.

Des témoins de la radicalisation d'un proche peuvent communiquer son nom. Après une évaluation de la personne, cette dernière peut se voir proposer un programme d'accompagnement pour l'aider à trouver une formation ou un emploi ainsi qu'un logement.
"J'ai aidé celui avec qui je travaille actuellement à écrire des lettres de candidature pour des emplois à mi-temps, et nous sommes allés les déposer ensemble", explique Mads.

 

Une tâche parfois décourageante
    
Les tuteurs rencontrent leurs protégés une ou deux fois par semaine et la tâche peut être ingrate.

Après des réunions régulières depuis le mois de mars, l'adolescent que Mads suit l'a récemment menacé de rejoindre la Syrie. Une nouvelle preuve que l'équilibre atteint est fragile.

 

De nombreuses difficultés

Les difficultés surviennent aussi en dehors du programme, qui fait régulièrement l'objet d'attaques de responsables politiques qui considèrent que les tribunaux sont plus indiqués pour combattre l'extrémisme.

Martin Geertsen, membre du principal parti d'opposition, les Libéraux, est monté au créneau, disant vouloir éviter une situation dans laquelle la société "prend en pitié" ceux qui devraient être punis.

En Belgique, 46 membres d'un groupuscule islamiste radical soupçonné d'être le plus grand pourvoyeur du pays de combattants pour le jihad en Syrie comparaissent devant la justice. Au Danemark, aucun procès de ce genre n'a encore eu lieu, notamment parce que les experts jugent difficile d'apporter des preuves tangibles.

 

La confiscation des passeports, une mesure radicale

Pour un responsable de la prévention des crimes de la ville, Toke Agerschou, le pragmatisme doit rester de mise. Il se dit prêt à essayer toute méthode de déradicalisation, dont la confiscation des passeports. Il relève que le plus souvent, une peine de prison a "l'effet inverse à celui souhaité".

Depuis son ouverture, le projet d'Aarhus a reçu près de 130 signalements. Du conseil a été proposé à la plupart et 15 personnes sont entrées dans le programme d'accompagnement. Huit l'ont achevé avec succès - l'une avec "un succès limité", il se poursuit pour les sept autres.

 

Un long et douloureux travail

"On peut comparer ça à un divorce. C'est rarement quelque chose qui passe immédiatement, ça peut prendre des mois ou des années", conclut M. Agerschou.

 

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