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Oradour-sur-Glane : non-lieu pour un ancien SS

Vue prise le 30 mars 2007 de l'église dévastée du village martyr d'Oradour-sur-Glane. Illustration. [Pierre Andrieu / AFP]

La justice allemande a renoncé mardi faute de preuves à juger un ancien SS soupçonné d'avoir participé au massacre d'Oradour-sur-Glane (France) pendant la Deuxième guerre mondiale, rendant très improbable la tenue d'un procès en Allemagne.

 

"A ce jour, personne d'autre n'est susceptible d'être mis en accusation, d'une façon ou d'une autre", a expliqué à l'AFP Andreas Brendel, procureur général de l'Office central chargé d'enquêter sur les crimes nazis, qui mène depuis quatre ans les investigations sur Oradour.

Le magistrat, "stupéfait" du non-lieu accordé au suspect de 89 ans par le tribunal de Cologne (ouest), dispose d'une semaine pour faire appel. "Bien sûr, il faut d'abord que j'étudie cette possibilité quand j'aurai les documents", a poursuivi le procureur, qui dit avoir appris la décision par la presse.

Selon un communiqué du tribunal, "les éléments de preuves disponibles ne permettent pas a priori de contredire" la défense de l'ancien nazi, âgé de 19 ans à l'époque du massacre méthodique en juin 1944 de 642 personnes, dont plus de 450 femmes et enfants, par l'unité SS à laquelle il appartenait, dans ce village de Haute-Vienne (ouest de la France).

Werner C. avait été inculpé début janvier pour le "meurtre en réunion" de 25 personnes et pour "complicité de meurtres" concernant des centaines d'autres victimes, au cours de la pire exaction commise en France par l'armée allemande pendant la Deuxième guerre mondiale.

L'ancien militaire était soupçonné d'avoir abattu à la mitrailleuse 25 hommes rassemblés dans une grange, avec un autre membre du régiment Der Führer de la division blindée SS Das Reich. Les survivants avaient été achevés d'une balle de pistolet ou étaient morts dans l'incendie de la grange à laquelle des soldats avaient mis le feu.

L'octogénaire a toujours reconnu s'être trouvé sur les lieux, mais sa présence "ne peut être considérée comme une complicité de meurtres", a souligné le tribunal. Le suspect affirme s'être contenté de monter la garde près des véhicules, assurant même avoir "sauvé la vie de deux femmes" en leur conseillant de "retourner dans la forêt".

 

Enquête de la Stasi

Les magistrats de Cologne, chargés de décider de l'existence de charges suffisantes pour le renvoyer devant une cour, ont jugé que sa participation au massacre ne pouvait être établie. Ils relèvent en particulier qu'aucun des témoins entendus pendant l'enquête n'a évoqué un rôle direct du suspect.

Ils rejettent également une liste fournie par le parquet, selon laquelle Werner C. était chargé ce jour-là de tirer à la mitrailleuse. A leurs yeux, ce document est "incomplet", il ne s'agit pas d'un original, et il comporte assez de différences avec les récits des témoins pour susciter des "doutes importants" sur sa validité.

Les investigations sur le massacre d'Oradour-sur-Glane avaient été relancées en octobre 2010, après la découverte par un historien d'un document tiré d'une enquête de la Stasi (les services secrets d'ex-RDA). Auparavant, plusieurs enquêtes menées en Allemagne de l'Ouest avaient été classées faute de preuves.

Ce document apportait notamment le témoignage d'un ancien SS présent à Oradour, révélant cette phrase lancée aux troupes par l'un des chefs avant la tuerie: "Aujourd'hui, le sang doit couler". Elle impliquait que les quelque 120 soldats présents étaient potentiellement au courant du massacre en préparation.

Le parquet, qui concentrait ses soupçons sur six soldats mais n'en a inculpé qu'un seul, Werner C., s'était rapidement montré prudent sur la perspective d'un procès, tant les preuves sur ces faits anciens étaient difficiles à rassembler. "Un classement de l'enquête est le scénario le plus probable", avait reconnu Andreas Brendel fin 2011 dans un entretien à l'AFP.

Le seul procès sur le massacre d'Oradour a eu lieu en France, en 1953. Le tribunal militaire de Bordeaux avait jugé 21 soldats pour leur participation présumée à la tuerie, dont une majorité de Français d'Alsace enrôlés de force dans l'armée allemande, prononçant des condamnations à mort et des peines de travaux forcés.

Mais les Français furent amnistiés au nom de la réconciliation nationale et les autres bénéficièrent d'aménagements de peine, malgré l'indignation des familles de victimes.

 

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