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Sommet de Minsk : un équilibre fragile

Le sommet de Minsk a débouché sur un cessez-le-feu.[©AlexanderZemlianichenko/Pool/AFP]

L'accord de cessez-le-feu pour l'est séparatiste de l'Ukraine, signé jeudi à Minsk, ne fait qu'offrir un répit aux belligérants sans résoudre ce conflit meurtrier utilisé par la Russie pour faire pression sur le gouvernement pro-occidental de Kiev, estiment des analystes.

 

Le texte est considéré par beaucoup comme un semblant de paix car il ne prévoit pas de mécanismes concrets pour résoudre les questions litigieuses, en particulier le contrôle de la frontière russo-ukrainienne.

Exigence clé de Kiev, le contrôle de cette frontière, par laquelle l'Ukraine et les Occidentaux accusent la Russie de faire transiter armes, combattants et troupes régulières, n'est envisagée que d'ici fin 2015 après des élections locales et "un règlement politique global" de la crise. Or, "le contrôle de la frontière, c'est la base du règlement pour l'Ukraine. Aujourd'hui, c'est une fenêtre vers la guerre, un facteur qui alimente les hostilités dans le Donbass", souligne l'analyste ukrainien Vadim Karassev.

 

Le statut de certains territoires sont flous

Le statut des territoires contrôlés par les rebelles reste également flou: l'accord de Minsk stipule que le Parlement ukrainien doit le définir d'ici à 30 jours, en se basant sur la ligne de partage établie par les premiers accords de Minsk, signés en septembre. Or les rebelles ont d'ores et déjà fait savoir qu'ils ne céderaient pas les 500 km2 conquis depuis lors.

"Il n'est pas écrit dans les accords que nous devons rendre nos territoires. Il nous est égal de savoir comment l'Ukraine voit les choses et si elle va reconnaître un +régime spécial+" pour ces zones, a lancé à l'AFP Andrei Pourguine, l'un des responsables de la république autoproclamée de Donetsk. Dès lors, "nous aurons de gros problèmes pour mettre en œuvre cet accord", a résumé l'analyste russe pro-Kremlin Evgueni Mintchenko. "Dans la situation actuelle, la paix est impossible", a-t-il ajouté.

   

La Russie évite un durcissement des sanctions

Né après 16 heures de discussions inédites entre les présidents russe Vladimir Poutine, ukrainien Petro Porochenko, français François Hollande et la chancelière allemande Angela Merkel, le texte "réduit la probabilité de livraisons d'armes américaines et d'autres pays occidentaux à l'Ukraine", une option largement évoquée depuis la semaine dernière, selon la banque d'investissement allemande Berenberg.

Il évite surtout à court terme à la Russie un durcissement des sanctions occidentalesMoscou "cherchait à tout prix à éviter l'extension des sanctions et c'est fait", estime ainsi le politologue russe indépendant Nikolaï Petrov, de l'Ecole supérieure de l'Economie de Moscou.

 

Equilibre très fragile

"La Russie veut garder le statu quo, afin de pouvoir souffler sur les braises du conflit et l'utiliser comme un puissant levier pour faire pression sur Kiev", qui a fait de sa priorité l'adhésion à l'Union européenne et à l'Otan, poursuit M. Petrov.

"L'équilibre est très fragile et l'évolution dépend de ce qui arrivera en premier: une crise économique et politique d'envergure en Ukraine ou l'affaiblissement de la Russie dû aux sanctions", résumé l'analyste.

   

Création d'une coalition anti-Poutine

Le document "a un caractère technique prévoyant un cessez-le-feu, un retrait des armes lourdes et l'échange de prisonniers", renchérit Volodimir Gorbatch, expert ukrainien à l'Institut de la coopération euratlantique. "Mais le règlement politique du conflit ukraino-russe n'est pas en vue car ni la Russie, ni les rebelles n'y sont intéressés", ajoute-t-il.

Selon lui, le seul résultat positif du sommet de Minsk est "la création d'une coalition anti-Poutine" entre M. Porochenko, Mme Merkel et M. Hollande, que les télévisions montraient marcher ensemble dans le Palais de l'Indépendance de Minsk, suivis du maître du Kremlin et de ses conseillers.

 

La Russie veut garder l'Ukraine dans son orbite

Par ailleurs, pour l'expert militaire indépendant russe Pavel Felgenhauer, si "la trêve était inévitable", "le dégel rendant difficile les hostilités dans les champs", l'offensive a toutes les chances de reprendre d'ici l'été.

"L'offensive rebelle a eu des succès limités en un mois. Une poussée supplémentaire des séparatistes n'était pas possible sans une intervention importante de la Russie et l'utilisation de l'aviation", explique-t-il.

"Tout s'arrêtera d'ici la fin du printemps ou le début de l'été, puis reprendra avec plus d'ampleur. Le but de la Russie est le changement de régime à Kiev pour garder l'Ukraine dans son orbite", prédit-il.

 

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