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Turquie : les réseaux sociaux bloqués après la mort d'un magistrat

Twitter et YouTube ont notamment été bloqués.[Loic Venance / AFP]

La Turquie a une nouvelle fois temporairement bloqué lundi les réseaux sociaux pour empêcher la diffusion d'images d'un magistrat tué lors d'une prise d'otage, suscitant une nouvelle salve de critiques sur la dérive autoritaire du gouvernement au pouvoir.

 

A deux mois des élections législatives du 7 juin, un juge d'Istanbul saisi par le procureur d'Istanbul a ordonné à Twitter, Facebook et YouTube, ainsi qu'à 150 autres sites, de retirer sous quatre heures photos et vidéos du magistrat, sous peine d'y interdire l'accès des internautes turcs.

Si Facebook a rapidement répondu à ces exigences, le site de microblogging et la plateforme de partage de vidéos ont dans un premier temps refusé de s'y ranger et vu leur accès largement paralysé sur ordre de l'Autorité administrative des télécommunications (TIB).

 

Twitter débloqué

En début de soirée, les mesures d'interdiction ont été levées pour Twitter qui a, selon le secrétaire général du syndicat des fournisseurs d'accès à internet (ESB) Bülent Kentles, accepté l'injonction d'Ankara.

Des discussions étaient toujours en cours en soirée avec YouTube, selon M. Kentles cité par le quotidien Hürriyet.

 

"Trouble de l'ordre public"

Dans sa requête, la justice turque a motivé sa décision en estimant que la diffusion des images du procureur pendant sa prise d'otage relevait de la "propagande terroriste" et de "l'incitation à la haine" et qu'elle constituait un "trouble à l'ordre public".

Le 31 mars dernier, le procureur Mehmet Selim Kiraz a été retenu en otage pendant plus de six heures par deux militants armés d'un groupe radical d'extrême gauche turc, qui a publié sur les réseaux une photo de lui avec un pistolet sur la tempe. Le magistrat et ses deux ravisseurs ont été tués après une intervention de la police.

 

La liberté de la presse aussi importante que le deuil

Selon les résultats de l'autopsie publiés par le procureur d'Istanbul, M. Kiraz a été tué par des balles tirées par les militants du Parti/front révolutionnaire de libération du peuple (DHKP-C), un groupe qui a revendiqué de nombreux attentats depuis les années 1980.

Dès le lendemain de l'attaque, la justice stambouliote avait ouvert une enquête contre quatre journaux turcs accusés d'avoir reproduit la photo du magistrat. "La liberté de la presse est aussi importante que le deuil et le respect", avait alors estimé le Premier ministre islamo-conservateur Ahmet Davutoglu.

 

"Une réponse disproportionnée"

Ce nouveau blocage a valu une volée de bois vert au gouvernement turc.

"Encore une réponse disproportionnée qui restreint la liberté de la presse et la liberté d'expression", a déploré la députée européenne néerlandaise Marietje Schaake. De nombreux internautes ont raillé le régime, comme @BinaShah qui a suggéré ironiquement un nouveau slogan pour le tourisme turc: "venez en Turquie et déconnectez". 

 

Publication inacceptable 

A l'inverse, le porte-parole du président Recep Tayyip Erdogan a justifié l'interdiction. La publication de ses photos est "inacceptable", a jugé devant la presse Ibrahim Kalin, "il n'existe pas de telle liberté nulle pas ailleurs au monde".

Depuis un an, le gouvernement turc a multiplié les mesures controversées pour tenter de museler internet et les réseaux sociaux.

En mars 2014, à la veille des élections municipales, M. Erdogan avait ordonné le blocage de Twitter et Facebook, accusés de relayer des allégations de corruption qui le visaient personnellement, ainsi que sa famille et certains ministres. Il avait également fait voter une nouvelle loi renforçant le contrôle administratif sur le web.

 

Liberté d'expression

Au nom du respect de la liberté d'expression, la Cour constitutionnelle avait alors levé ces mesures et invalidé plusieurs dispositions de ce texte, dénoncé comme "liberticide" par l'opposition et les ONG de défense des libertés.

Mais le mois dernier, le Parlement turc a profité d'une loi fourre-tout pour faire revoter une des dispositions les plus polémiques de ce projet, celle qui autorise le gouvernement à bloquer un site internet sans l'aval de la justice.

 

Dérive totalitaire

Pourfendeur des réseaux sociaux, M. Erdogan, que ses détracteurs accusent régulièrement de dérive totalitaire et islamiste, avait comparé en 2014 Twitter à "un couteau dans les mains d'un meurtrier".

La Turquie fait partie des pays les plus répressifs de la planète sur le net, selon les classements des ONG.

 

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