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Le droit d'asile, une cacophonie européenne

Plus d'un millier de migrants quittent à pied la zone de transit de la gare principale de Budapest pour rejoindre la frontière autrichienne, le 4 Septembre 2015 [Ferenc Isza / AFP] Plus d'un millier de migrants quittent à pied la zone de transit de la gare principale de Budapest pour rejoindre la frontière autrichienne, le 4 Septembre 2015 [Ferenc Isza / AFP]

Face à l'afflux de demandeurs d'asile, les appels se multiplient pour que les Européens harmonisent enfin leurs règles d'attribution du droit d'asile. Le système actuel apparaît déséquilibré et à bout de souffle.

 

UN SOCLE DE REGLES EUROPEENNES

L'accélération de la crise migratoire a mis la question de l'harmonisation européenne sur le devant de la scène, mais le chantier a été lancé depuis la fin des années 1990, et a conduit à un socle de règles communes.

Ont été notamment fixés les délais d'examen des demandes d'asile. "La dignité humaine doit être préservée", souligne une porte-parole de la Commission européenne, citant l'obligation pour les Etats d'examiner sous six mois les demandes déposées. Après neuf mois, "l'accès au marché du travail doit être facilité", rappelle-t-elle. Les Etats ont aussi l'obligation de prendre en compte les besoins spécifiques des mineurs.

Le "règlement Dublin" (2003) constitue l'une des clés de voûte des règles communes: il définit quel Etat membre doit examiner une demande d'asile et prévoit le transfert d'un demandeur d'asile vers cet Etat membre, en général celui par lequel il est entré dans l'UE. L'objectif est d'empêcher qu'un demandeur d'asile ne présente des demandes dans plusieurs Etats.

 

> LA 'LOTERIE' DU DROIT D'ASILE

Les efforts d'harmonisation se heurtent à la volonté des Etats de garder la main sur leur politique du droit d'asile, le souci de maîtriser les flux migratoires prenant le pas sur la volonté affichée de protéger des personnes en danger.

Demander l'asile, comme l'ont fait en 2014 quelque 626.000 personnes, relève d'une vraie "loterie" suivant le pays où la demande est déposée, déplore le Conseil européen pour les réfugiés et les exilés (ECRE), un réseau d'ONG.

"Les conditions sont encore très différentes d'un pays à l'autre", abonde le chercheur Matthieu Tardis, spécialiste des migrations à l'Ifri. Pour les ressortissants somaliens demandeurs d'asile, en 2013, le taux de reconnaissance s'est par exemple élevé à 17% en France et de 38% en Suède, alors qu'il a atteint 90% aux Pays-Bas et 96% en Italie, souligne l'expert.

Par ailleurs, les différents pays n'offrent pas le même accueil aux demandeurs d'asile, certains proposant un hébergement systématique tandis que d'autres privilégient la détention, voire ne prévoient rien.

 

> LES RAISONS DU BLOCAGE

Les pays du Nord et de l'Ouest, qui offrent souvent de meilleures perspectives d'intégration, soulignent qu'ils concentrent la plupart des demandes. Les pays du Sud, par fatalité géographique, estiment que le "système Dublin" fait peser sur eux de trop lourdes obligations.

Certains appellent à davantage de solidarité entre Etats, tandis que d'autres insistent pour signifier aux migrants que l'Europe ne pourra pas les accueillir. La sortie du Premier ministre hongrois Viktor Orban, qui a parlé de "problème allemand" à propos de l'afflux de demandeurs d'asile transitant par son pays, illustre ces divergences. La Hongrie, comme l'Autriche, reprochent à Berlin d'avoir créé un appel d'air en accordant un traitement de faveur aux Syriens.

"Ce qui apparaît de manière assez flagrante ces derniers mois, c'est l'absence de confiance mutuelle entre les Etats européens", observe M. Tardis.

 

> QUELLES PERSPECTIVES ?

Les appels se multiplient ces derniers jours pour que les Européens accélèrent l'harmonisation du droit d'asile. "On voit que Dublin ne fonctionne plus vraiment", admet une source européenne. La proposition de la Commission en mai de "relocaliser" dans d'autres pays de l'UE 40.000 demandeurs d'asile arrivés en Italie et en Grèce est une "dérogation temporaire à Dublin" mais il va falloir trouver des solutions plus pérennes, estime-t-elle.

Il faut un "système d'asile européen", a plaidé le ministre des Affaires étrangères du Luxembourg Jean Asselborn, dont le pays assure la présidence du Conseil de l'UE. Il a appelé à la création d'"une juridiction européenne spécialisée".

Il faut "avoir une politique d'asile commune claire et annoncée, créer des corridors pour mettre fin à cette pratique de transports par canots pneumatiques, et créer des camps de transit où serait attribué le statut de réfugié", prône Marc Pierini, du centre Carnegie Europe, "mais cela suppose qu'on se mette d'accord sur la répartition entre pays de ces réfugiés".

 

> LA QUESTION CENTRALE DE LA REPARTITION

Paris, jusque là contre toute idée de quotas de réfugiés, et Berlin, ont pris l'initiative jeudi d'appeler à un "mécanisme permanent et obligatoire" pour que les pays de l'UE se répartissent la prise en charge des réfugiés. Ce signe fort du couple franco-allemand devrait aider le président de la Commission, Jean-Claude Juncker, en faveur d'une telle solution.

Mais étant donnée la réticence de certains Etats, la tâche sera difficile. En attendant, M. Juncker doit présenter la semaine prochaine à Strasbourg une nouvelle proposition pour "relocaliser" dans toute l'Europe 120.000 réfugiés supplémentaires, actuellement en Italie, en Grèce et en Hongrie. Le haut-commissaire de l'ONU pour les réfugiés (HCR) a estimé vendredi que l'UE devait au moins se répartir 200.000 demandeurs d'asile.

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