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Burundi : les quartiers contestataires se vident

Des policiers à Bujumbura lors d'une manifestation contre le président le 20 mai 2015 [CARL DE SOUZA / AFP/Archives] Des policiers à Bujumbura lors d'une manifestation contre le président le 20 mai 2015 [CARL DE SOUZA / AFP/Archives]

Les quartiers contestataires du nord de Bujumbura continuaient à se vider après l'expiration d'un ultimatum lancé aux opposants tandis que la présidence burundaise tentait de rassurer la communauté internationale qui craint des violences ethniques à grande échelle.

En début de semaine, le président Pierre Nkurunziza avait donné à ses opposants jusqu'à samedi soir pour "déposer les armes" en échange d'une amnistie, après quoi la police pourrait "user de tous les moyens". Selon des témoins, les populations fuyaient les quartiers à majorité tutsi du nord de la capitale pour se réfugier en périphérie ou dans des zones réputées plus calmes.

"Il n'y aura pas de guerre ni de génocide" au Burundi, a affirmé samedi Willy Nyamitwe, conseiller principal présidentiel en communication. "On ne permettra pas que ce pays retombe dans ses vieux démons". "Il y a aujourd'hui une manipulation de la communauté internationale car celle-ci est tombée dans le piège d'une opposition qui a toujours chanté +génocide+ et qui a propagé des traductions erronées de certains propos de responsables burundais", "interprétés exprès dans le sens négatif", a-t-il dit.

Fin octobre, le président du Sénat Révérien Ndikuriyo avait menacé de "pulvériser les quartiers" contestataires de Bujumbura, utilisant au passage le terme "travailler", qui renvoie au génocide de 1994 au Rwanda voisin, qui fit 800 000 morts en trois mois, et où des miliciens hutu partant massacrer des Tutsi étaient encouragés à bien "travailler".

Le ministre de la Sécurité publique, Alain-Guillaume Bunyoni, véritable numéro 2 du régime, a rappelé cette semaine aux habitants des quartiers contestataires, surtout tutsi, qu'ils étaient minoritaires face à la masse paysanne hutu favorable au président Nkurunziza. "Si les forces de l'ordre échouaient, on a neuf millions de citoyens à qui il suffit de dire: +faites quelque chose+", a-t-il lancé.

"Crainte des pillages"

"Dès que j'ai entendu le discours du président Nkurunziza et les propos de ses ministres, j'ai décidé de fuir car j'ai compris que les choses ont changé", affirme Marie, une secrétaire quadragénaire qui a trouvé refuge avec ses cinq enfants chez une parente, dans un quartier plus calme de Bujumbura. "J'ai été terrorisée, j'ai compris que cette fois ils allaient nous tuer jusqu'au dernier", lance-t-elle. Son mari, lui, est resté par "crainte des pillages".

"Il ne reste pratiquement que des hommes qui protègent leurs biens et des jeunes, tous les autres ont fui", renchérit un habitant du quartier de Mutakura sous couvert d'anonymat. Au fil de la semaine, l'ONU, les Etats-Unis et la France se sont successivement alarmés du risque de violences ethniques à grande échelle au Burundi, attisé par les propos "incendiaires" du camp du président Nkurunziza, désireux de mettre fin à la contestation agitant son pays depuis le printemps.

Signe de l'urgence de la situation, l'émissaire américain pour l'Afrique des Grands Lacs, Thomas Perriello, devait arriver au Burundi dimanche, et y rester trois jours, pour exhorter toutes les parties au "maximum de retenue" et à la "reprise du dialogue", selon le département d'Etat. Le Conseil de sécurité de l'ONU doit se réunir lundi, à la demande de la France, pour évoquer l'escalade des tensions dans ce pays.

Une pancarte sur laquelle on peut lire "Dernier avertissement Nkurunziza, cessez de tuer des gens, nous en avons assez de votre mauvais gouvernement", brandie par un manifestant lors des funérailles d'un journaliste à Bujumbura le 20 octobre 2015 [LANDRY NSHIMIYE / AFP/Archives]
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Une pancarte sur laquelle on peut lire "Dernier avertissement Nkurunziza, cessez de tuer des gens, nous en avons assez de votre mauvais gouvernement", brandie par un manifestant lors des funérailles d'un journaliste à Bujumbura le 20 octobre 2015
 

"C'est étonnant de voir qu'un gouvernement qui veut mettre fin au terrorisme est critiqué au lieu d'être encouragé", a réagi Willy Nyamitwea, accusant l'opposition d'être "responsable" des crimes commis dans les quartiers contestataires de Bujumbura, et réfutant les accusations des ONG et les témoignages des habitants accablant les forces de l'ordre.

La candidature du président Nkurunziza à un troisième mandat, contraire, selon les opposants burundais et Washington, à la Constitution et à l'accord d'Arusha ayant mis fin à la guerre civile, a plongé le Burundi dans une grave crise. La répression de manifestations et la réélection en juillet de M. Nkurunziza n'ont pas empêché l'intensification des violences, désormais armées. La crise a déjà fait au moins 200 morts depuis la fin avril, et quelque 200 000 réfugiés.

Dans ce contexte extrêmement tendu, un journaliste burundais a été arrêté vendredi par l'armée à une vingtaine de kilomètres de Bujumbura puis remis au Service national de renseignement qui le détient, a appris l'AFP auprès de sa radio et de la police.

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