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COP21 : le beau coup de la diplomatie française

Le président de la COP21 Laurent Fabius donne un coup de marteau symbolique pour marquer l'officialisation de l'accord sur le climat, au côté du président français François Hollande, le 12 décembre 2015 au Bourget [FRANCOIS GUILLOT / AFP] Le président de la COP21 Laurent Fabius donne un coup de marteau symbolique pour marquer l'officialisation de l'accord sur le climat, au côté du président français François Hollande, le 12 décembre 2015 au Bourget [FRANCOIS GUILLOT / AFP]

Organisation minutieuse, suivi attentif des pays, navettes diplomatiques innombrables: la France à la manoeuvre de la COP21 depuis deux ans a su tirer les leçons du fiasco de Copenhague pour réussir à Paris.

Des sandwiches à la tenue des débats, la présidence française a eu droit à un concert de louanges au long de cette conférence, et à la fin, à une longue standing ovation, entrecoupée de remerciements des délégués. "C'est assez irréel pour une COP (...). Ils ont été très efficaces", souligne Tasneem Essop, du WWF, habituée de ces rendez-vous. "C'est la diplomatie la plus habile que j'ai vue depuis plus de deux décennies que j'assiste à ces réunions", a dit Al Gore à l'AFP.

Après l'échec de la COP de Copenhague en 2009, le pari était risqué. Le ministre des Affaires étrangères Laurent Fabius l'a souvent dit: "nous avons été retenus, il faut dire que nous étions seuls candidats!" Le président François Hollande n'était pas le plus enthousiaste à l'idée de cette aventure. Sa conseillère climat Marie-Hélène Aubert, les écologistes au gouvernement, et la cellule diplomatique de l'Elysée en quête d'un événement mondial pour le quinquennat, se chargeront de le convaincre.

Le secrétaire d'Etat américain John Kerry (c) avec le représentant chinois pour le changement climatique Xie Zhenhua (d) au Bourget, le 12 décembre 2015 [MIGUEL MEDINA / AFP]
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Le secrétaire d'Etat américain John Kerry (c) avec le représentant chinois pour le changement climatique Xie Zhenhua (d) au Bourget, le 12 décembre 2015

Faire converger 195 pays sur un sujet aussi épineux que le climat est "extraordinairement compliqué", soulignait cette semaine Laurent Fabius, badge "COP21" au revers du costume. Une fois Paris désigné, tout restait à faire pour mettre en place ce qui allait devenir le plus gros rendez-vous diplomatique tenu en France. "J'ai mobilisé notre réseau diplomatique (le 2e au monde, ndlr), mis à profit mes contacts internationaux, organisé des réunions internationales, choisi une équipe", a expliqué le ministre, depuis son bureau sans fenêtres du Bourget.

Cheville ouvrière du processus : Laurence Tubiana, universitaire et négociatrice respectée, s'entoure de juristes, diplomates, ingénieurs. Une "task force" s'installe au Quai d'Orsay, une autre au ministère des Finances. Il faut embarquer dans le projet les diplomates français, pas les plus familiers de cette question. "Les ambassades sont au contact des gouvernements, voient où sont les blocages", explique Mme Tubiana. "Il faut aller sur place aussi, et y retourner encore".

"Cela rappelle que la France est une grande diplomatie", souligne Camille Grand, directeur de la Fondation pour la recherche stratégique. "Des conférences de cette ampleur il y en a une ou deux par décennie, et c'est une manoeuvre compliquée à mener. C'est un succès pour Laurent Fabius qui s'est impliqué, pour François Hollande qui a porté ce sujet au niveau des chefs d'Etat".

François Hollande et l'ancien vice-président américain Al Gore, le 5 décembre 2015 au Bourget [PHILIPPE WOJAZER / POOL/AFP/Archives]
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François Hollande et l'ancien vice-président américain Al Gore, le 5 décembre 2015 au Bourget

François Hollande, avec l'ardeur du nouveau converti, s'est mobilisé notamment sur la question des financements aux pays du Sud. M. Fabius ira 12 fois en Chine, 4 fois en Arabie saoudite, autant en Inde... En pleine crise syrienne, avant la COP, il retourne en Inde, en Afrique du Sud, au Brésil. Il faut aussi ancrer la confiance des petits pays, alors que l'on vise un accord universel, incluant les pays du Sud souvent soupçonneux que l'accord ne se fasse dans leur dos. Seyni Nafo, du groupe Afrique, salue la "transparence" des Français: "aucune arrogance ni prétention".

Pour Laurent Fabius, "une raison de l'échec de Copenhague est que la préparation n'avait pas été suffisante". Autre leçon danoise, l'idée de faire venir les chefs d'Etat à l'ouverture de la conférence, non à la fin. Une fois obtenue l'accord du Chinois - qui "en entraîne beaucoup d'autres" - les invitations ont été lancées. Résultat, 150 chefs d'Etat à la tribune. "Quand je discute avec les négociateurs, je leur rappelle +votre patron a dit qu'il fallait arriver à un résultat+", commente M. Fabius.

Quand Laurent Fabius s'inspire de Nelson Mandela

L'ex-Premier ministre et responsable socialiste de 69 ans connaissait peu le sujet, mais il s'en est emparé et a appris "les mots de la tribu": "Je veux être un généraliste auquel on ne peut pas raconter d'histoires!" "Le climat n'est pas une question environnementale, la question c'est la vie sur cette planète!", plaide-t-il aujourd'hui.

Pour avancer, les Français recrutent des "facilitateurs" de toutes les régions du monde, enrôlent même la très contestataire Vénézuélienne, Claudia Salerno, qui gratifie M. Fabius d'un "senor presidente". En séance, l'ex-président de l'Assemblée nationale a montré de l'émotion, donné du "tu", du "cher ami", cité Mandela. "Il y a une méthode pour présider les réunions", poursuit-il: "il faut être à l'écoute, sentir s'il y a de l'électricité dans l'air, faire qu'elle s'exprime. Et fixer des délais. Après, il y a un moment un peu compliqué qui consiste à savoir terminer une négociation". "Et toujours être courtois, la courtoisie consistant aussi à ce que la nourriture soit bonne", ajoute-t-il: "je m'en suis occupé aussi." "Napoléon disait qu'une armée marche à l'estomac", souligne l'Américain Daniel Reifsnyder, "c'est la même chose pour des armées de négociateurs."

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