En direct
A suivre

Un partenariat pour l’avenir, par Jean-Marie Colombani

Jean-Marie Colombani.[Alexis Reau / SIPA]

Chaque semaine, Jean-Marie-Colombani, cofondateur et directeur de Slate.fr, exprime de manière libre et subjective son point de vue sur les temps forts de l’actualité.

Venu sur le sol européen, à l’occasion d’un sommet à cinq réuni à Hanovre (avec Angela Merkel, Matteo Renzi, François Hollande et David Cameron), Barack Obama a plaidé pour que soit conclu, avant la fin de son mandat (en janvier prochain), le partenariat commercial transatlantique (Tafta ou Transatlantic Free Trade Agreement).

C’est la Commission européenne qui a reçu mandat des Etats membres pour négocier au nom de l’Europe, ce qui ne veut pas dire que tous les Européens y soient également favorables. La France s’est singularisée en se plaçant d’emblée au rang des opposants au traité, en l’état actuel de la négociation ; le gouvernement relayant ainsi une partie de l’opinion nourrie soit par l’hostilité de telle ou telle catégorie professionnelle, soit par un vieil et éternel anti-américanisme si présent dans la politique française et qui considère par principe que l’on ne peut exister qu’à la condition de s’opposer aux Etats-Unis… Même si le président américain est Barack Obama, qui bénéficie toujours d’une considérable sympathie. Mais dans l’ambiance souverainiste actuelle, nous sommes plus dans la posture que dans le réalisme ou la recherche de l’efficacité pour les générations à venir.

Car les enjeux de cette négociation sont très élevés ; et les difficultés qu’elle soulève bien réelles. Nous vivons un moment de l’Histoire où se joue la place relative de chacun dans l’équilibre du monde au XXIe siècle. Le projet de traité vise à faire que Europe et Etats-Unis ne soient pas les victimes du bouleversement en cours, mais qu’ils les maîtrisent et en sortent même renforcés. Il s’agit moins d’utiliser le levier traditionnel de croissance et de développement qu’est le libre-échange (en abaissant les droits de douane) que de maîtriser la clé du commerce mondial, à savoir les normes environnementales, sociales et technologiques (lesquelles protègent les consommateurs et les salariés). Car dès lors qu’une communauté de 800 millions d’habitants représentant la moitié de la production mondiale s’accorderait sur des normes, celles-ci auraient toutes chances de s’imposer à la planète entière. Voilà pour le grand dessein. C’est là que les difficultés commencent…

Européens et Américains n’ont pas du tout les mêmes normes. Par exemple, les Américains acceptent le bœuf aux hormones, qui est impensable en Europe… D’une façon générale, chacun dans cette négociation cherche à en tirer avantage. Ainsi, les Américains ont un lourd déficit commercial agricole avec l’Europe : ils cherchent à lever les obstacles pour exporter davantage. A l’inverse, les Français veulent obtenir la reconnaissance dans les échanges agricoles des indications géo­graphiques : en signalant l’origine des produits alimentaires, on préserve territoires et savoir-faire locaux.

L’un des points majeurs pour les Européens est d’obtenir l’ouverture des marchés publics américains, alors même que les marchés publics européens sont d’ores et déjà largement ouverts aux entreprises américaines. Or, les réglementations des marchés publics aux Etats-Unis sont l’une des manifestations les plus évidentes d’un protectionnisme masqué.

Cette négociation, qui est dans l’intérêt commun bien compris de l’Europe et des Etats-Unis dont elle renforcerait la position face à la Chine et aux pays émergents, est donc particulièrement compliquée et difficile. Mais si elle devait néanmoins être conclue avant le terme souhaité par Barack Obama (ce qui est peu vraisemblable), elle ne s’appliquerait pas en un jour. Comme le souligne l’ancien directeur de l’OMC (Organisations mondiale du commerce), Pascal Lamy, il faudrait 30 à 40 années pour obtenir des résultats tangibles. C’est bien de l’avenir de l’Europe dans le monde dont il est question.

Jean-Marie Colombani

À suivre aussi

Ailleurs sur le web

Dernières actualités