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Une éclaircie au Royaume-Uni, par Jean-Marie Colombani

Jean-Marie Colombani.[Alexis Reau / SIPA]

Chaque semaine, Jean-Marie-Colombani, cofondateur et directeur de Slate.fr, exprime de manière libre et subjective son point de vue sur les temps forts de l’actualité.

L’élection à la mairie de Londres de Sadiq Khan, candidat du parti travailliste, par un net écart de 57 % contre 43 % au candidat conservateur, est à maints égards une bonne nouvelle. Cet élu de 45 ans va diriger une ville jeune. Il se déclare à la fois progressiste et modéré dans une ville elle-même progressiste et modérée. Londres est aujourd’hui une cité cosmopolite et multiconfessionnelle, pas moins de trois cents langues y sont parlées et 35 % des Londoniens ne sont pas nés en Grande-Bretagne.

Il s’agit aussi pour cette ville d’une profession de foi renouvelée – onze ans après les terribles attentats qu’elle avait subis – dans la force de la tolérance et du respect qui doivent présider aux rapports entre les communautés. Tout cela est à l’image du nouveau maire lui-même, le premier d’une capitale européenne de confession musulmane qui se définit comme : «européen, britannique, londonien et musulman décidé à lutter contre l’extrémisme.» C’est enfin une réponse à la campagne des conservateurs qui le présentaient, parce qu’il est un avocat spécialisé dans la défense des droits de l’homme, comme complice des islamistes radicaux. La bonne nouvelle est aussi pour la Grande-Bretagne tandis qu’approche le référendum qui, dans quelques semaines, doit décider de son maintien dans l’Union européenne, ou de sa sortie. Jusqu’à présent, les partisans du Brexit, c’est-à-dire de la sortie, à la suite de l’ancien maire de Londres, Boris Johnson, paraissaient avoir le vent en poupe et ce, malgré le fait que le Premier ministre David Cameron, comme le leader de l’opposition travailliste Jeremy Corbyn, faisaient campagne pour le maintien. Fort du vote sans ambiguïté des Londoniens, Sadiq Khan fait désormais figure d’atout majeur dans la campagne pour le maintien dans l’UE.

En même temps, avaient lieu au Royaume-Uni des élections régionales (le renouvellement des Parlements écossais, gallois et d’Irlande du Nord) et des scrutins locaux : ils dégagent globalement une majorité en faveur de l’ancrage européen, mais cette vue générale peut parfaitement être démentie le jour du référendum.

En fait, tous ces scrutins, hormis le cas de Londres, ont été favorables au Premier ministre David Cameron. Pourtant affaibli par des révélations sur des Panama Papers, par la défection de Boris Johnson, en lutte ouverte pour le leadership du parti conservateur, le Premier ministre sort finalement renforcé ; notamment en Ecosse, où pour la première fois dans l’Histoire, les conservateurs supplantent les travaillistes et se placent en deuxième position derrière les nationalistes pro- européens faciles vainqueurs.

A l’inverse, le leader travailliste Jeremy Corbyn est affaibli. La victoire de Londres ne peut lui profiter car Sadiq Khan lui est opposé, les travaillistes sont partout ailleurs en repli, et les projections ne lui laissent aucune chance, pour le moment, de revenir au pouvoir. Jeremy Corbyn, en plus de sa ligne radicale qui ne convainc pas et divise le parti, est empêtré dans les accusations d’antisémitisme qui touchent une fraction du parti travailliste laquelle est, il est vrai, trop souvent obsédée par la dénonciation permanente d’Israël.

En attendant le référendum, l’incertitude s’installe et les principaux indicateurs de l’économie britannique se dégradent : c’est un argument supplémentaire pour les partisans du maintien, lesquels se font fort de convaincre que le Brexit ne serait pas seulement une mauvaise affaire pour l’économie du pays, ne signifierait pas seulement la sortie de l’Europe, mais bien la sortie de l’Histoire pour le plus petit pays qui ait jamais été capable de construire un si grand empire.

Jean-Marie Colombani

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