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La semaine de Philippe Labro : «Battle» à l'américaine, joute à la française

«Pour moi, Hillary a mouché Trump à plusieurs reprises et a pris un léger avantage». [RICK WILKING / POOL / AFP]

Philippe Labro est écrivain, cinéaste et journaliste. Chaque vendredi, pour Direct Matin, il commente ce qu'il a vu, vécu et observé pendant la semaine. Un bloc-notes subjectif et libre.

NUIT DU LUNDI 26 AU MARDI 27 SEPTEMBRE

Je ne peux m’empêcher de mettre le réveil à 2h45 en pleine nuit pour me lever, afin de voir, en direct, le fameux premier débat Trump-Clinton. Pourquoi cette curiosité ? Sans doute ma longue pratique des élections présidentielles américaines – après tout, j’avais commencé avec Kennedy, dans les années 1960, et n’ai jamais cessé de m’intéresser à ces joutes télévisuelles que, plus tard, la France adoptera.

Cela donnera, en particulier, les remarquables confrontations entre Giscard et Mitterrand en 1974 et en 1981 – ce fut d’un très haut niveau, deux intelligences face à face, du fleuret et parfois du sabre, un français sans faute, sans une seule familiarité, une politesse parfois trop appuyée. Bref, le contraire, à tous points de vue, de ce à quoi j’ai assisté, avec l’acerbe et désagréable collision entre un poids lourd (Trump) et une berline blindée (Clinton).

Je décide de me porter sur CNN, car, si les chaînes d’info en continu françaises diffusent, elles aussi, le débat, on aura droit au «voice over» – le doublage qui recouvre la voix originale, pour les besoins d’une traduction simultanée. Puisque j’ai la chance de bien connaître l’américain, il sera plus aisé de saisir, dans les intonations, les particularités du langage, la vérité de ces deux êtres que tout oppose, tout différencie.

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Dans le grand silence de Paris endormi, j’entends ces accents, ces interjections, ces protestations, ces piques. C’est la première fois qu’une femme arrive à ce stade politique aux Etats-Unis. Et même si Hillary Clinton est plus expérimentée, plus habituée aux duels télévisés, il s’agit d’un moment sans précédent. Car, de son côté, le magnat de l’immobilier Donald Trump n’a jamais encore vécu cela. L’enjeu est clair, énorme : il s’agit de démontrer qui est le plus capable de s’asseoir dans le bureau ovale, en janvier prochain, au siège qu’occupèrent Lincoln, Roosevelt, Eisenhower, Kennedy, Reagan…

On voit vite que Trump va interpréter le rôle du sceptique, du type à qui on ne la fait pas. L’avantage de CNN, c’est que, pendant toute la joute, l’écran a toujours été séparé en deux, si bien que l’on peut suivre les expressions, grimaces, lèvres serrées de Trump, d’un côté, les sourires sereins et un peu trop fréquents de Clinton, de l’autre. Hillary possède une excellente connaissance de ses dossiers et fait preuve d’un sang-froid de combattante aguerrie, à la faculté de réplique redoutable. De son côté, Trump joue les interruptions permanentes («wrong», «wrong», ce qui veut dire «faux») à chaque accusation ou affirmation de Clinton qui prend le dessus au bout de trente minutes – son début fut plutôt laborieux – elle l’appelle «Donald» (imaginez Hollande appelant Sarkozy par son prénom lors de leur débat décisif, il y a plus de quatre ans !).

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L’heure tourne. Pour moi, Hillary a mouché Trump à plusieurs reprises et a pris un léger avantage. Trump, mécontent, conscient de son demi-échec, a vite quitté la scène pour retrouver, dans les coulisses, une presse qu’il tente d’influencer. Le lendemain, en France, tous les médias ont déclaré Hillary gagnante. Aux Etats-Unis, on est plus prudent. Il n’empêche : Madame Clinton est plutôt satisfaite. Donald ne l’est pas. Le lendemain, il se plaindra d’un mauvais micro. Hillary, maline, dira : «Si vous commencez à accuser la qualité de votre micro, c’est que vous n’avez pas passé une bonne nuit.»

Rendez-vous pour le deuxième débat, le 9 octobre. En attendant, que personne ne crie victoire ou n’admette sa défaite. A mon humble avis, les jeux sont loin d’être faits. 

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