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Droits de l'Homme : Amnesty International s'alarme

No Ban No Wall Des militants d'Amnesty International protestant contre la politique de Donald Trump à New-York, le 6 février 2017[SPENCER PLATT / GETTY IMAGES NORTH AMERICA / AFP]

Amnesty International a publié son rapport annuel sur les droits de l’Homme dans le monde. L’étude, qui porte sur l’observation de 159 pays, dresse un constat alarmant. 

«2016 a été une année terrible pour les droits humains». Les premiers mots du rapport d’Amnesty International ont le mérite d’être éloquents. L’ONG s’alarme notamment de la montée des discours haineux, de l’inaction des instances internationales, et invite les peuples à réclamer justice eux-mêmes.

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Multiplication des discours de haine

Amnesty International s’est alarmé de la montée des discours de haine fondés sur l’identité, tels que la misogynie, le racisme et l’homophobie. «Les politiques de diabolisation alimentent la peur», estime l’ONG. «Elles propagent honteusement l’idée dangereuse selon laquelle certaines personnes sont moins humaines que d’autres (…), menaçant de libérer les instincts les plus sombres de l’être humain». Amnesty pointe particulièrement du doigt «les dirigeants politiques qui misent sur la peur, l’accusation et la division pour remporter le pouvoir», tentant de séduire l’électorat «en répondant aux craintes légitimes en matière économique et de sécurité par une manipulation pernicieuse des politiques identitaires, de nature à semer la division».

C’est la stratégie du «nous contre eux», qui désigne des groupes entiers de population comme des boucs émissaires. Le secrétaire général de l’organisation, Salil Shetty, a estimé que ces discours avaient «atteint des niveaux inégalés depuis les années 30». Car la liste est longue. En 2016, «des gouvernements ont fermé les yeux sur des crimes de guerre, conclu des accords qui affaiblissent le droit d’asile, adopté des lois qui bafouent la liberté d’expression, incité au meurtre de personnes simplement accusées de consommer des stupéfiants, justifié la surveillance de masse, et élargi des pouvoirs de police déjà draconiens», liste Amnesty.

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Les exemples ne manquent pas. Rien que pour le droit d’asile, l’ONG épingle la «mise en application des discours de campagne haineux et xénophobes», de Donald Trump, qui ferme la porte des Etats-Unis aux réfugiés par un simple décret, mais également l’Australie, qui a délibérément «fait souffrir les réfugiés en les piégeant à Nauru et sur l’île de Manus», ou l’UE, qui a «conclu un accord illégal et irresponsable avec la Turquie pour renvoyer des réfugiés vers ce pays». Concernant la «vague de répression massive qui s’est abattue sur la liberté d’expression», Amnesty cite explicitement la Chine, l’Egypte, l’Ethiopie, l’Inde, la Turquie ou encore l’Iran, liste non exhaustive. Sont également pointées du doigt les «mesures de sécurité intrusives» en France (état d’urgence) et une «loi sans précédent sur la surveillance» au Royaume-Uni, ainsi que la montée des discours antiféministes défavorables aux LGBTI.

Le monde ferme les yeux

Amnesty International regrette la «réponse dangereusement faible de la communauté internationale aux atrocités massives qui sont commises».

«Les dirigeants mondiaux n'ont pas la volonté politique de faire pression sur les États qui violent les droits humains», a constaté Salil Shetty, faisant notamment référence à «l’indifférence de la communauté internationale aux crimes de guerre, devenues normalité». Des crimes de guerre ont été perpétrés dans au moins 23 pays en 2016, souligne le rapport. Amnesty International déplore que le «Conseil de l’ONU reste paralysé par des rivalités entre les membres permanents».

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«La communauté internationale avait déjà répondu par un silence assourdissant aux innombrables atrocités de 2016 : un flux ininterrompu d'horreurs à Alep, des milliers de personnes tuées par la police dans le cadre de la guerre contre la drogue aux Philippines, l'utilisation d'armes chimiques et des centaines de villages incendiés au Darfour… La grande question qui se pose en 2017 est la suivante : jusqu'où ces atrocités vont-elles aller avant que le monde ne se décide à intervenir ?», a interrogé Salil Shetty.

Inquiétude pour la suite

Car 2017 inquiète d’avance l’ONG, qui alerte dans son rapport sur le fait que «les crises actuelles seront exacerbées en 2017 par l’absence handicapante de volonté politique en matière de droits humains sur une scène internationale chaotique». Amnesty International, qui note que «de puissants Etats reviennent sur leurs engagements en matière de droits humains», craint «un effet domino» pour la suite.

«Les premières cibles de cette tendance ont été les réfugiés mais, si elle se poursuit en 2017, d'autres seront dans le collimateur. Il en résultera une multiplication des attaques fondées sur l'origine ethnique, le genre, la nationalité et la religion. À partir du moment où l'on cesse de considérer autrui comme un être humain jouissant des mêmes droits que soi-même, on se rapproche du gouffre.»

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Amnesty appelle à la mobilisation des peuples

Pour pallier ces constats alarmants, Amnesty International invite «les gens du monde entier à résister à ces initiatives cyniques visant à faire reculer des droits humains garantis de longue date en échange d’une vague promesse de prospérité et de sécurité». Le rapport souligne que «la solidarité mondiale et la mobilisation du grand public seront particulièrement importantes pour défendre celles et ceux qui s’opposent aux autorités et se battent pour les droits humains, que les gouvernements présentent souvent comme des obstacles au développement économique, à la sécurité ou à d’autres priorités». Amnesty appelle ainsi à prendre exemple sur les manifestations massives qui ont secoué la Pologne à la fin de l’année 2016, suite à une tentative du gouvernement de reculer sur les droits des femmes.

«Nous ne pouvons pas attendre passivement que les gouvernements défendent les droits humains, nous devons passer à l'action. Face à des responsables politiques qui ont de plus en plus tendance à diaboliser des groupes entiers de population, il a rarement été aussi évident que nous devions tous, partout dans le monde, nous battre pour les valeurs fondamentales que sont la dignité humaine et l'égalité», a déclaré Salil Shetty.

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