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Glyphosate : de la difficulté de concilier écologie et économie

Le ministre de l'Agriculture Stéphane Travert à Pomacle le 27 novembre 2017 [FRANCOIS NASCIMBENI / AFP/Archives] Le ministre de l'Agriculture Stéphane Travert à Pomacle le 27 novembre 2017 [FRANCOIS NASCIMBENI / AFP/Archives]

Dans un apparent cafouillage, la réaction du ministre de l'Agriculture au renouvellement du glyphosate en Europe illustre la difficulté de concilier aspirations écologiques et réalités économiques des agriculteurs, qui redoutent une explosion de leurs coûts de revient s'ils doivent de nouveau utiliser la charrue.

Lundi, alors que le président Emmanuel Macron, annonçait une interdiction du glyphosate en France "au plus tard dans trois ans", Stéphane Travert s'était félicité que les Etats membres de l'UE aient voté un renouvellement pour cinq ans de cet herbicide controversé.

Une déclaration qui a fait sensation au point que M. Travert a dû démentir mardi tout "cafouillage" dans la communication du gouvernement dans ce dossier.

"Mobilisons l'ensemble des professionnels pour trouver des alternatives durables dans le temps demandé par le président de la République: trois ans", a ajouté le ministre sur LCI.

Car pour les agriculteurs, l'utilisation du glyphosate est aujourd'hui une nécessité économique. Ce n'est pas un hasard si cet herbicide est le plus vendu au monde: il est terriblement efficace pour un prix modeste et permet par exemple de contenir les coûts de revient des céréales alors que les cours mondiaux sont très bas.

S'il n'existe aujourd'hui aucun produit chimique pouvant s'y substituer, les agriculteurs travaillent avec les instituts de recherche pour en mettre au point.

Mais il n'y a "pas de solution miracle" encore pour en réduire l'usage, selon les chercheurs. Pour atteindre l'objectif de réduire de 50% les produits phytosanitaires à l'horizon 2030, l'Inra travaille sur une "combinaison de plusieurs approches": une amélioration de la sélection génétique, des progrès en agronomie et sur le biocontrôle, expliquait tout récemment le président de l'Institut national de recherches agronomiques, Philippe Mauguin, aux députés.

Cependant, "le désherbage mécanique, le labour et l'allongement des rotations culturales sont moins efficaces, plus chers et plus compliqués à mettre en oeuvre", souligne la Plateforme glyphosate France, qui réunit la plupart des entreprises commercialisant en France des produits à base de glyphosate.

"Nous réaffirmons que les alternatives techniques existent", mais "si elles ne sont pas massivement utilisées par les paysans aujourd'hui, c'est en grande partie pour des raisons économiques", assure pour sa part la Confédération paysanne, syndicat agricole opposé aux pesticides chimiques.

Distorsion de concurrence

Seul consensus entre les acteurs, le coût important des solutions de substitution.

Alors que l'agriculture française connaît un marasme depuis plusieurs années, voir la France limiter l'utilisation du glyphosate au bout de trois ans, quand les autres pays européens y auront droit durant cinq ans, refait surgir le spectre d'une distorsion de concurrence avec ceux qui deviennent de féroces adversaires quand il s'agit d'exporter.

Les producteurs de blé français, qui ont cédé leur place de premiers exportateurs européens aux Allemands en 2016, sont les premiers à s'en inquiéter.

"Cinq ans pour un plan de sortie du glyphosate, c'est déjà beaucoup trop court quand on vit au quotidien dans le principe de réalité économique qui veut qu'au niveau international, les autres producteurs peuvent l'utiliser sans contrainte", regrette l'interprofession des céréales et oléagineux (AGPB, AGPM, CGB, FOP) dans un communiqué commun mardi.

"Il y a eu deux ans de débat et un vote à la majorité qualifiée, et deux heures après, le président français dit +moi, je m'assois dessus+. Que deviennent les agriculteurs là-dedans?" s'est emporté le secrétaire général adjoint de la FNSEA Eric Thirouin, qui craint que, comme avec le Ceta, le traité de libre échange Europe-Canada, on "interdise de produire en France ce que les Français ont le droit de manger".

M. Travert a répondu à cette inquiétude devant l'Assemblée nationale en indiquant "qu'il y aurait surtransposition si nous restions inactifs pendant trois ans, en attendant le couperet de l'échéance. Ce n'est évidemment pas ce que souhaite le président de la République", a-t-il assuré.

"Il faudrait une clause de sauvegarde, comme pour le diméthoate" interdit l'an dernier en France sur les cerisiers, a argué Laurent Pinatel, porte-parole de la Confédération paysanne.

Après avoir interdit cet insecticide en France en 2016, le gouvernement avait aussi interdit l'importation de fruits traités avec ce produit des autres pays européens, tant pour éviter les distorsions de concurrence que pour protéger les consommateurs français.

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