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Au bout d'une si longue vie à Kobané, l'espoir de retrouver sa petite-fille en Allemagne

Laila Saleh, à Athènes, le 15 décembre 2017 [ARIS MESSINIS / AFP/Archives] Laila Saleh, à Athènes, le 15 décembre 2017 [ARIS MESSINIS / AFP/Archives]

«Mieux vaut aller maintenant que plus tard» : assise sur un tapis dans un appartement d'Athènes, Laïla, dont les papiers attestent qu'elle est née à Kobané en Syrie en 1907, a fait elle aussi la dangereuse traversée de la mer Egée, espérant revoir sa petite fille réfugiée en Allemagne.

Sur un bateau gonflable avec quinze autres personnes, portée par son petit-fils trentenaire Halil, le frère de Nasrin, Laïla Saleh est arrivée saine et sauve sur l'île grecque de Lesbos, début novembre. Elle est accompagnée par son fils cadet Ahmad, le père de Halil, sa belle-fille, et par la femme de Halil et leurs deux enfants.

Laila Saleh, à Athènes, le 15 décembre 2017 [ARIS MESSINIS / AFP/Archives]
Laila Saleh, à Athènes, le 15 décembre 2017 [ARIS MESSINIS / AFP/Archives]

«Nous sommes restés à la frontière entre Kobané et la Turquie deux jours, c'était difficile. Ensuite nous avons mis deux ou trois jours en bus pour arriver à Izmir (ouest de la Turquie, en face de la Grèce) où nous sommes restés dans un hôtel en attendant le feu vert des passeurs pour traverser l'Egée», raconte Halil.

Visage marqué par le temps mais le regard toujours vif, Laïla regarde ses arrière-petits-enfants se bousculer à ses côtés. Elle ne s'adresse qu'à sa belle-fille qui lui traduit en kurde les questions des journalistes.

«Voir Nasrin avant de mourir»

«Je ne peux pas marcher (...) s'il y avait une voiture, je voudrais aller voir Nasrin avant de mourir», murmure-t-elle. Nasrin, qu'elle a élevée, a quitté Kobané avec sa sœur Berivan en 2015 pour fuir la guerre civile, et a obtenu l'asile en Allemagne.

«Mieux vaut y aller maintenant que plus tard. Dieu décide», dit-elle. A-t-elle vraiment 110 ans ? Aucun membre de sa famille ne connaît sa date de naissance précise. Mais les papiers mentionnent bien «1907».

Laila Saleh, entourée de sa famille à Athènes, le 15 décembre 2017 [ARIS MESSINIS / AFP]
Laila Saleh, entourée de sa famille à Athènes, le 15 décembre 2017 [ARIS MESSINIS / AFP]

Le Haut commissariat aux réfugiés (HCR) de l'ONU, lui, y croit : «Laïla Saleh, réfugiée de Kobané, a 110 ans (...) la seule chose qu'elle veut est de rejoindre sa petite-fille Nasrin», avait-il tweeté le 1er décembre. En tout état de cause, elle est extrêmement âgée. Son secret de longévité ? «Le beurre arabe», selon Halil qui se souvient des histoires de sa grande-mère quand elle était jeune et préparait le beurre de chèvre.

Laïla se lève à l'aide de sa belle-fille et fait quelques pas toute seule. Sa mémoire est faible et elle n'est pas consciente de l'endroit où elle se trouve. Le moment le plus dur du voyage était «de la porter et la mettre dans la barque, nous avons trop souffert», avoue Saoussa, la femme de Halil.

Un membre de sa famille montre les papiers de Laila Saleh (en arrière-plan) , à Athènes, le 15 décembre 2017 [ARIS MESSINIS / AFP]
Un membre de sa famille montre les papiers de Laila Saleh (en arrière-plan) , à Athènes, le 15 décembre 2017 [ARIS MESSINIS / AFP]

Heureusement les gardes-côtes ont repéré l'embarcation et transféré la famille dans le camp surpeuplé de Moria à Lesbos, tristement réputé pour ses installations insalubres. Laïla a passé sa première nuit en Grèce à la belle étoile avec sa famille avant que le HCR l'installe plus confortablement le lendemain dans un conteneur du camp avec sa belle-fille.

Après une semaine, ils ont été transférés dans un appartement à Mytilène, chef-lieu de Lesbos, et fin novembre, ils ont pu partir pour Athènes, comme la plupart des réfugiés vulnérables. Les autres sont pour le moment contraints à rester sur leur île d'arrivée en attendant le résultat de leur demande d'asile en Grèce.

Attendre 2019

Une des trois principales villes kurdes en Syrie, Kobané est le premier symbole de la lutte contre l'EI, chassé en janvier 2015 après quatre mois de combats des forces kurdes assistées par des raids de la coalition internationale.

«Même si la situation s'est améliorée à Kobané, il n'y reste rien : notre maison a été détruite, il n'y a pas de travail», déplore Saoussa dont le frère a été tué pendant la guerre comme l'un des petits-fils de Laïla. Selon la tradition à Kobané, la mère reste chez son fils cadet, qui doit prendre soin d'elle, explique Ahmad.

«Certains disent qu'on l'a amenée pour faciliter les procédures d'asile mais ce n'est pas vrai, nous avons toujours habité tous ensemble, nous ne pouvions pas la laisser», assure-t-il. Ses frères et sœurs aînés vivent toujours à Kobané.

Mais en l'état actuel du droit, la famille n'a pas droit au regroupement familial avec Nasrin en Allemagne. Et vu l'afflux des demandes, leur premier entretien pour l'asile en Grèce n'est prévu qu'en janvier 2019. Un temps bien long pour Laïla, tandis qu'Halil s'interroge : «Nous ne savons pas quoi faire. Rester, tenter de partir quand même ?»

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