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A son procès, Abdeslam l'islamiste convaincu a effacé le petit délinquant

Un croquis d'audience  représente Salah Abdeslam, attendant le début de son procès au Palais de Justice de Bruxelles, le 5 février 2018 [Benoit PEYRUCQ / AFP/Archives] Un croquis d'audience représente Salah Abdeslam, attendant le début de son procès au Palais de Justice de Bruxelles, le 5 février 2018. [Benoit PEYRUCQ / AFP/Archives]

Salah Abdeslam, ancien petit délinquant de quartier souvent dépeint en fêtard peu porté sur la religion, a présenté au cours de son procès à Bruxelles l'image d'un islamiste convaincu, dont le parti pris idéologique s'est vraisemblablement renforcé en prison.

La participation à cette audience du seul membre encore en vie des commandos jihadistes du 13 novembre 2015 a été brève. Il a refusé de comparaître au-delà du premier jour.

Mais elle a suffi à évaluer son état d'esprit, près de deux ans après son arrestation à Bruxelles, le 18 mars 2016, à l'issue de quatre mois de cavale.

Un dossier judiciaire posé devant les avocats de Salah Abeslam, à Bruxelles, le 5 février 2018 [EMMANUEL DUNAND / POOL/AFP/Archives]
Un dossier judiciaire posé devant les avocats de Salah Abeslam, à Bruxelles, le 5 février 2018 [EMMANUEL DUNAND / POOL/AFP/Archives]

Lundi, dès l'ouverture de ce procès pour une fusillade avec des policiers dans la commune bruxelloise de Forest le 15 mars 2016, Salah Abdeslam a contesté avec virulence la légitimité de ses juges, affirmant «placer (sa) confiance en Allah et c'est tout».

Trois lettres à des proches versées à l'enquête sur le 13 novembre et obtenues par l'AFP attestent qu'à l'époque de ces attentats à Paris (130 morts), il était déjà marqué par «un endoctrinement certain», d'après les enquêteurs.

Dans l'un de ces courriers, découverts dans la planque de Forest après la fusillade du 15 mars 2016, il affirme à sa mère avoir «obéi aux ordres» de «l'émir des musulmans» Abou Bakr al-Baghdadi, le chef de Daesh auquel il avait «prêté allégeance».

Sa ceinture d'explosifs était défectueuse, il a survécu, mais son frère Brahim, lui, est bien mort en kamikaze «héros de l'islam» ce soir-là dans un café parisien, assure le Français âgé aujourd'hui de 28 ans.

«Certitudes»

«Tous le monde nous traitent (sic) de terroristes, sache que nous avons seulement terrorisé le peuple mécréant car la France est un pays qui combat l'islam et cela depuis bien longtemps», écrit-il dans une autre lettre à sa petite soeur.

L'image du fêtard, «gros buveur et gros fumeur», ainsi que l'avait dépeint une connaissance, et co-propriétaire d'un bar, semble clairement dater.

Petit délinquant à 21 ans, bien connu de la police locale, ce fils d'émigrés marocains a commencé à adhérer aux thèses de Daesh autour de ses 25 ans, en 2014, date à laquelle il songe à partir en Syrie.

Il est alors influencé par son ami d'enfance du quartier populaire bruxellois de Molenbeek Abdelhamid Abaaoud, qui a combattu là-bas. Ce dernier, organisateur présumé des attaques du 13 novembre, est mort dans un raid policier près de Paris cinq jours plus tard.

Désormais en prison à l'isolement complet, Salah Abdeslam vit dans des conditions de nature à encore «renforcer» ses convictions, selon plusieurs sources interrogées par l'AFP.

«Depuis qu'il est ici, il ne fait que se renforcer dans sa foi. Il reste calme, mais il est toujours dans une ligne de confrontation», assure sous couvert de l'anonymat une source à la prison Fleury-Mérogis (région parisienne), où il a été transféré fin avril 2016.

«Je ne pense pas qu'il se soit radicalisé en prison, il l'était déjà avant, mais d'une certaine manière il s'est cristallisé dans ses certitudes», fait valoir Guillaume Denoix de Saint-Marc, de l'Association française des victimes du terrorisme (Afvt)

«Surmusulman»

Cet habitué des procès pour terrorisme, dont l'association est partie civile dans le tentaculaire dossier du 13 novembre, était présent lundi au tribunal de Bruxelles pour observer Salah Abdeslam.

Il a vu un homme devenu «inaccessible» pour la société, «enfermé dans sa vision caricaturale du monde». Alain Grignard, commissaire de police et expert belge du jihadisme, qui a aidé les enquêteurs à décrypter le propos d'Abdeslam dans ses lettres, estime qu'au procès, ce dernier «a dissipé les doutes (...) par rapport à son engagement».

«Comme les détenus de Guantanamo, il est devenu un +surmusulman'» en «jouant sur la fragmentation de la société» avec la religion comme ligne de partage, a expliqué M. Grignard au quotidien belge La Libre Belgique.

Contre toute attente, Salah Abdeslam avait voulu comparaître à ce procès, alors qu'il est resté mutique devant les enquêteurs depuis avril 2016.

Il s'est laissé pousser la barbe et les cheveux, ce qui lui donne «un look moins juvénile». Il souhaitait peut-être donner cette image «du guide, du martyr, qui aurait pris de la bouteille», a relevé Michaël Dantinne, professeur de criminologie à l'université de Liège (est de la Belgique).

«Il est passé de celui qui n'a pas eu de chance, qui a raté, à quelqu'un qui irait jusqu'au bout (...) Peut-être que pour lui en prison, cette attitude est la seule échappatoire possible», a analysé cet expert pour le quotidien Le Soir.

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