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Nobel : l'angoisse de la page blanche pour le nouveau chef de l'Académie suédoise

Une femme entre au Musée Alfred Nobel, situé dans l'immeuble de l'Académie suédoise, à Stockholm le 5 octobre 2017 [Jonathan NACKSTRAND / AFP/Archives] Une femme entre au Musée Alfred Nobel, situé dans l'immeuble de l'Académie suédoise, à Stockholm le 5 octobre 2017. [Jonathan NACKSTRAND / AFP/Archives]

Un nouveau secrétaire perpétuel pour écrire un nouveau chapitre de son histoire : l'Académie suédoise, qui décerne le Nobel de littérature, place ses espoirs dans Anders Olsson pour la sortir d'un scandale suite aux accusations de harcèlement sexuel visant un Français marié à l'une de ses membres.

Revient à ce professeur de littérature de 69 ans, réputé pour ses talents de diplomate, la délicate mission d'unir les onze des 18 sages siégeant encore l'Académie.

Vendredi, il a annoncé succéder «de manière provisoire» à Sara Danius, la première femme à occuper ce poste. Depuis quelques semaines, l'institution, traditionnellement policée et secrète, procède à un grand déballage sur la place publique.

Elle est divisée sur les mesures à engager après les révélations, dans un rapport qu'elle avait commandé, de conflits d'intérêt et de fuites des noms des lauréats Nobel.

Au coeur de l'affaire : un Français, Jean-Claude Arnault, marié à l'académicienne Katarina Frostenson. Il est accusé de violences ou des faits de harcèlement sexuel par 18 femmes, qui ont témoigné en novembre dans le quotidien Dagens Nyheter dans le cadre de la campagne #metoo.

Après cette publication, l'Académie a rompu tout lien avec lui, coupé ses subventions au lieu d'exposition et de performances qu'il dirige à Stockholm et commandé la fameuse enquête.

La secrétaire perpétuelle de l'Académie suédoise, qui décerne le Nobel de littérature Sara Danius, à Stockholm, le 12 avril 2018 [Jonas EKSTROMER / TT NEWS AGENCY/AFP]
La secrétaire perpétuelle de l'Académie suédoise, qui décerne le Nobel de littérature Sara Danius, à Stockholm, le 12 avril 2018 [Jonas EKSTROMER / TT NEWS AGENCY/AFP]

Deux camps s'affrontent : l'un soutenait Mme Frostenson et l'ordre ancien, tandis que l'autre, avec Mme Danius en tête, était désireux de faire le ménage.

«Toutes les traditions ne méritent pas d'être conservées», a-t-elle justifié vendredi dans un communiqué à l'agence TT.

«J'avais accepté d'être secrétaire perpétuelle car j'avais l'impression qu'il existait un soutien pour une modernisation prudente mais déterminée de l'Académie», a-t-elle ajouté.

Jeudi soir, elle avait quitté son poste sous les pressions de ses pairs.

Les témoignages de soutien à son égard se multiplient depuis : anonymes et personnalités publient leurs photos avec une chemise à lavallière, la pièce centrale de sa garde-robe sous le hashtag #knytblus.

Katarina Frostenson à Copenhague, le 1er novembre 2016 [Olafur Steinar Gestsson / Scanpix Denmark/AFP/Archives]
Katarina Frostenson à Copenhague, le 1er novembre 2016 [Olafur Steinar Gestsson / Scanpix Denmark/AFP/Archives]

Mme Frostenson, qui s'accrochait à son fauteuil, s'est également retirée. A la condition, ont rapporté les initiés à la presse, que Sara Danius soit remerciée.

«Katarina Frostenson quitte ses fonctions à l'Académie suédoise dans l'espoir que cette dernière survive en tant qu'institution», précise un communiqué de la maison.

La réputation du Nobel en jeu

Cette affaire retentissante, alors que l'Académie aime s'entourer de secret, lui a apporté une publicité dont le roi de Suède -l'institution étant placé sous son patronage- et la Fondation Nobel se seraient volontiers passés.

«C'est dévastateur pour le prix Nobel», a expliqué à l'AFP Mattias Berg, journaliste culturel à la radio SR.

«Le prix Nobel de littérature, le plus grand prix littéraire du monde, est décerné par une Académie qui a montré tout sauf du jugement et de l'intégrité», a-t-il déploré.

En 2016, l'Académie s'était attiré les foudres des critiques après avoir décerné le Nobel à Bob Dylan, qui avait boudé la cérémonie de remise des prix avant de recevoir sa récompense lors d'une rencontre à huis clos.

Les académiciens sont membres perpétuels et ne peuvent en principe en démissionner. Ils peuvent laisser vides leurs fauteuils.

Sur les 18 sages, sept n'en sont désormais plus des membres actifs puisque deux autres s'étaient mises en congé il y a plusieurs années.

Une vrai gageure pour l'institution car ses statuts, qui datent de 1786, imposent la présence de 12 élus pour choisir un nouveau membre. Il incombe au roi, son patron, de modifier ces règles, ce qu'il serait prêt à faire.

Ce n'est pas la première fois que l'institution fait face à une vague de démissions.

Trois académiciens avaient décidé en 1989 de ne plus occuper leur fauteuil face au refus de l'institution de condamner la fatwa frappant Salman Rushdie après la parution des «Versets sataniques». Elle avait fini par la dénoncer 27 ans après.

Sur le plan judiciaire, le parquet de Stockholm a annoncé mi-mars qu'une partie de l'enquête ouverte contre Jean-Claude Arnault avait été classée sans suite pour cause de prescription ou faute de preuves. Il s'agit de viols et d'agressions présumés commis en 2013 et 2015.

Les faits non encore classés n'ont pas été divulgués. Par la voix de son avocat, interrogé par l'AFP, ce dernier nie tout comportement criminel.

Outre le prix Nobel, dont le montant s'élève à près de 900.000 euros, l'Académie suédoise décerne de nombreux prix.

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