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Dans un Brésil sous tension, une grève chasse l'autre

La raffinerie Presidente Bernardes de Petrobras, en Cubatao, près de Sao Paulo, le 28 mai 2018 [Miguel SCHINCARIOL / AFP/Archives] La raffinerie Presidente Bernardes de Petrobras, en Cubatao, près de Sao Paulo, le 28 mai 2018. [Miguel SCHINCARIOL / AFP/Archives]

Pas de répit pour le président brésilien Michel Temer: le mouvement des routiers qui a paralysé le pays s'essouffle, mais une grève du secteur pétrolier a débuté mercredi, accentuant la pression sur un gouvernement décrédibilisé.

Face aux appels de certains extrémistes à une intervention militaire pour renverser le gouvernement, la présidente de la Cour suprême Carmen Lucia s'est sentie obligée de réaffirmer que «la démocratie est la seule voie légitime» pour régler les problèmes du pays.

A quelques mois de la présidentielle la plus incertaine au Brésil depuis des décennies, ces conflits sociaux jettent une lumière crue sur le degré d'impopularité du gouvernement de centre droit de Michel Temer, dont le taux d'approbation est tombé au plus bas : 5%.

D'après un sondage publié mercredi par l'institut Datafolha, 87% des Brésiliens se disaient favorables à la grève des routiers et seuls 6% approuvaient la gestion de crise du président Temer, qui ne se présentera pas au scrutin d'octobre.

Des soldats lors d'une opération pour dégager une autoroute pendant la grève des routiers, le 30 ùai 2018 près de Sao Paulo, au Brésil [Nelson ALMEIDA / AFP]
Des soldats lors d'une opération pour dégager une autoroute pendant la grève des routiers, le 30 ùai 2018 près de Sao Paulo, au Brésil [Nelson ALMEIDA / AFP]

La vie des Brésiliens a pourtant été fortement perturbée pendant dix jours par cette grève qui a entraîné notamment une pénurie d'essence et de produits alimentaires frais, et affecté tous les secteurs d'une économie ayant du mal à se relever de la récession de 2015/16.

Les grévistes du secteur pétrolier réclament une réduction des prix des carburants et du gaz de ville, la fin de la politique de vente d'actifs de Petrobras et la démission du président de cette compagnie pétrolière publique, Pedro Parente.

Un porte-parole de la Fédération unitaire des pétroliers (FUP), principal syndicat du secteur a indiqué à l'AFP que 15.000 à 30.000 travailleurs du secteur pétrolier étaient en grève mercredi matin, bravant une décision judiciaire qui considérait le mouvement «abusif» et les menaçait de lourdes amendes.

«Avertissement»

Une dizaine de raffineries étaient affectées, selon la FUP, qui a néanmoins assuré que l'essence ne risquait pas de manquer au Brésil.

«Nous pouvons garantir qu'au cours de ces 72 heures il n'y aura pas de problème de ravitaillement, les dépôts des raffineries étant pleins en raison de la grève des routiers», a expliqué ce syndicat dans un communiqué.

La FUP a souligné néanmoins que la grève entamée mercredi servait d'«avertissement», et a annoncé qu'un conflit social de plus grande ampleur et à durée indéterminée pourrait éclater à l'avenir.

Petrobras a indiqué dans un communiqué que la grève n'avait «pas d'impact sur la production», des «équipes de contingence» ayant été mobilisées.

Mercredi matin, une centaine de manifestants ont défilé devant la raffinerie de Duque de Caxias, revêtus de la traditionnelle combinaison orange des ouvriers de Petrobras avec le message «Temer dehors» inscrit sur le dos, a constaté un photographe de l'AFP.

Les grévistes s'insurgent notamment contre la nouvelle politique tarifaire de la compagnie, qui s'est alignée sur les cours internationaux depuis la fin de 2016.

«Cette politique tarifaire (...) qui a causé la hausse vertigineuse des prix des carburants est la conséquence directe du plus grand démantèlement de l'histoire de Petrobras. Les coupables de ce chaos sont Pedro Parente et le président Michel Temer», affirme la FUP.

Lent retour à la normale

M. Parente est arrivé à la présidence de Petrobras en 2016, avec pour mission de relancer un groupe qui accusait de fortes pertes et se trouvait au coeur d'un vaste scandale de corruption.

Il a mis en oeuvre un vaste plan de vente d'actifs pour renflouer les caisses et a suivi une politique de «transparence» en réajustant quotidiennement les prix des carburants, s'alignant sur les cours internationaux.

C'est cette politique tarifaire qui a provoqué la grève des transporteurs routiers, exaspérés par la récente hausse du prix du gazole.

«À cause du coût élevé des carburants, la population s'est mise à soutenir les routiers ou mettre le chaos sur le dos de Temer. Brasilia s'est mise à paniquer et le gouvernement a cédé sur la plupart des revendications», a affirmé Eurasia Group mercredi dans une analyse de la crise brésilienne.

Dimanche, le président Temer a consenti notamment une forte réduction des tarifs, tout en stipulant qu'ils ne pourraient être ajustés que mensuellement et non plus quotidiennement.

Le mouvement des transporteurs routiers s'est essoufflé ces derniers jours : l'essence commence à revenir dans les stations-service, même si le retour à la normale promet d'être long.

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