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Turquie : Erdogan revendique la victoire à la présidentielle

Le président turc Recep Tayyip Erdogan a revendiqué dimanche la victoire aux élections présidentielle et législatives âprement disputées, s'ouvrant la voie vers un nouveau mandat de cinq ans aux pouvoirs considérablement renforcés.

«Les résultats non officiels des élections sont clairs. Selon eux, notre nation m'a confié la responsabilité de président de la République», a déclaré M. Erdogan lors d'une déclaration à Istanbul, revendiquant également la majorité parlementaire pour l'alliance dominée par son parti, l'AKP.

Depuis l'avènement en 2002 de son parti, l'AKP, M. Erdogan s'est imposé comme le plus puissant dirigeant turc après le fondateur de la République Mustafa Kemal, transformant le pays à coups de méga-projets d'infrastructures et de réformes sociétales libérant l'expression religieuse.

Des supporters du président Recep Tayyip Erdogan lors d'un meeting à Istanbul le 23 juin 2018 [Aris MESSINIS / AFP]
Des supporters du président Recep Tayyip Erdogan lors d'un meeting à Istanbul le 23 juin 2018

Mais ses détracteurs accusent le «Reïs» âgé de 64 ans de dérive autocratique, en particulier depuis la tentative de putsch de juillet 2016 qui a été suivie d'une répression sans merci contre des opposants et des journalistes, qui a tendu les rapports entre Ankara et l'Occident.

Le président turc Recep Tayyip Erdogan lors d'un meeting à Istanbul le 23 juin 2018 [Aris MESSINIS / AFP]
Le président turc Recep Tayyip Erdogan lors d'un meeting à Istanbul le 23 juin 2018

Quelque cinquante-six millions d'électeurs sont appelés à voter simultanément pour ce double scrutin présidentiel et législatif particulièrement important, car il marquera le passage du système parlementaire en vigueur à un régime hyper-présidentiel voulu par M. Erdogan, mais décrié par ses opposants.

S'il pensait mettre toutes les chances de son côté en convoquant ces élections pendant l'état d'urgence et plus d'un an avant la date prévue, M. Erdogan a été rattrapé par la dégradation de la situation économique et s'est heurté à un sursaut inattendu de l'opposition.

Voyant dans ces élections la dernière chance d'arrêter sa quête d'un pouvoir incontestable, des partis aussi différents que le CHP (social-démocrate), l'Iyi (nationaliste) et le Saadet (islamiste) ont noué une alliance «anti-Erdogan» inédite pour le volet législatif des élections, avec l'appui du HDP (prokurde).

Le candidat du CHP à la présidentielle, Muharrem Ince, un député pugnace, s'est imposé comme le principal rival de M. Erdogan pour la présidentielle, électrisant plusieurs centaines de milliers de partisans lors de gigantesques rassemblements aux allures de démonstrations de force.

Turquie [Cecilia SANCHEZ / AFP]
Turquie

La campagne a tourné au corps à corps entre ces deux orateurs charismatiques qui ont ferraillé jusqu'au dernier moment en tenant samedi des meetings concurrents à Istanbul. M. Erdogan a tourné en dérision le manque d'«expérience» de M. Ince, lequel a promis une «Turquie différente».

Sur la défensive 

Si M. Erdogan reste tout de même le favori de la présidentielle, il n'est pas assuré de récolter dimanche les plus de 50% des voix nécessaires pour éviter un second tour qui se déroulerait le 8 juillet.

Erdogan au pouvoir [Sabrina BLANCHARD / AFP]
Erdogan au pouvoir

Surtout, les observateurs n'excluent pas que l'alliance de l'opposition puisse priver l'AKP de sa majorité parlementaire, ce qui plongerait la Turquie dans l'inconnu au moment où elle affronte une situation économique délicate. L'économie, qui a longtemps été l'atout de l'AKP, s'est imposée comme un sujet de préoccupation majeur avec l'effondrement de la livre turque et une inflation à deux chiffres qui ont atteint les Turcs au portefeuille.

Pendant la campagne, M. Erdogan a plusieurs fois semblé sur la défensive, promettant par exemple de lever rapidement l'état d'urgence ou encore d'accélérer le retour dans leur pays des réfugiés syriens, mais uniquement après que M. Ince eut promis la même chose.

Les opposants de M. Erdogan ont également fait campagne contre le régime présidentiel qui deviendra effectif après ces élections, aux termes d'un référendum constitutionnel controversé remporté par le président en avril 2017. Pour M. Erdogan, cette transformation est nécessaire afin de doter le pays d'un exécutif fort et stable, mais ses opposants l'accusent de vouloir monopoliser le pouvoir avec cette mesure qui supprime notamment la fonction de Premier ministre et permet au président de gouverner par décrets.

Mais leurs arguments ont-ils été entendus à travers la Turquie ? La campagne a en effet été marquée par une couverture médiatique très inéquitable en faveur du président turc. Le candidat du parti prokurde HDP, Selahattin Demirtas, qui rivalisait autrefois sur les estrades avec M. Erdogan, a dû faire campagne depuis une cellule de prison: accusé d'activités «terroristes», il est détention préventive depuis 2016.

L'un des facteurs déterminants de ce double scrutin sera d'ailleurs le vote de l'électorat kurde. Si le HDP franchit le seuil de 10% des voix permettant d'enter à l'Assemblée, l'AKP pourrait perdre sa majorité parlementaire.

Craignant des fraudes qui pourraient faire pencher la balance, en particulier dans le sud-est à majorité kurde, l'opposition a mobilisé une armée d'observateurs pour surveiller les urnes.

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